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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 9 avril 2014, n° 12/07469

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Salons Saint Honore (SARL)

Défendeur :

Alliance Developpement Capital SIIC (SA), Bassano Developpement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Bartholin, Mme Blum, Mme Reghi

Avocats :

Me Barbier, Me Conseil , Me Goirand, Me Cervesi

TGI Paris, du 3 avr. 2012, n° 05/16209

3 avril 2012

Par acte du 1er juillet 1996, la SARL Les Salons Saint Honoré a pris à bail commercial, pour une durée de neuf années à compter du même jour, des locaux dépendant de l'immeuble en copropriété situé [...], à destination d'organisation de conférences, séminaires, congrès, expositions, démonstrations, vernissages etc., moyennant un loyer annuel indexé de 400.000 F (60.979,60 €) hors TVA et charges.

Par acte extrajudiciaire du 21 décembre 2004, la SA Alliance Développement Capital dite AD Capital, bailleresse, lui a donné congé pour le 30 juin 2005, avec refus de renouvellement et refus d’indemnité d'éviction.

Par jugement rendu le 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris a dit que ce congé ouvrait droit pour la société Les Salons Saint Honoré au paiement d'une indemnité d'éviction, débouté la société Alliance Développement Capital de ses demandes aux fi ns de déchéance du droit au maintien dans les lieux et de résiliation du bail et ordonné une mesure d'expertise avant dire droit sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation.

Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 25 février 2009 par la cour d'appel de Paris qui y ajoutant, a, entre autres dispositions, débouté la société Alliance Développement Capital de sa demande de résiliation judiciaire du bail et de déchéance du droit à indemnité d'éviction pour non-paiement à bonne date des indemnités d'occupation et fixé l'indemnité d'occupation, provisionnellement jusqu'à son évaluation après expertise, au montant du dernier loyer contractuel sans l'indexation annuelle prévue au bail.

M. Marc-Olivier Petit, a déposé son rapport d'expertise le 4 février 2010, concluant d'une part à une indemnité d'éviction de 83.000 €, frais de licenciement et amortissement du mobilier en sus sur justificatifs, en cas de perte de fonds et de 125.000 € en cas de transfert du fonds, d'autre part à une indemnité d'occupation au 1er juillet 2005 entre 57.600 € et 64.000 € par an selon l’abattement de précarité retenu.

La société Bassano Developpement est devenue propriétaire de l'immeuble par suite de l'apport qui lui en a été fait le 30 juillet 2010.

Par jugement rendu le 3 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu la société Bassano Développement en son intervention volontaire,

- débouté les demanderesses de leur demande tendant à voir résilier le bail résiduel liant les parties,

- fixé à la somme de 101.500 € le montant de l'indemnité d'éviction, toutes causes confondues, due par la société Alliance Développement Capital Sic dite Adc Siic,

- dit que la société Les Salons Saint Honoré est redevable à l'égard de la société Alliance Développement Capital Siic et de la société Bassano Développement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2005,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 64.000 €, outre les taxes et charges,

- condamné in solidum les demanderesses à payer à la société Les Salons Saint Honoré le différentiel entre les loyers contractuels et le montant de l'indemnité d'occupation, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Alliance Développement Capital Siic à payer à la société Les Salons Saint Honoré la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Alliance Développement Capital Siic aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

La SARL Les Salons Saint Honoré a relevé appel de cette décision le 19 avril 2012. Par ses dernières conclusions du 26 novembre 2013, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Alliance Développement Capital Siic et la société Bassano Développement de leur demande de résiliation du bail,

- subsidiairement, dire que les sommes qu'elle doit très éventuellement pourront être réglées dans le délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, au besoin par compensation avec la créance d'indemnité d'éviction,

- infirmer le jugement sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation,

- vu l'article L. 145-14 du code de commerce

, dire que l'indemnité d'éviction qui lui est due doit être appréciée à la date à laquelle les juges statuent lorsque l'éviction n'est pas encore réalisée, tant dans l'hypothèse d'une perte de fonds que d'un transfert ; ordonner un complément d'expertise pour évaluer l'indemnité d'éviction actualisée qui lui est due,

- subsidiairement, dire que son éviction entraînera la perte de son fonds et fixer l'indemnité d’éviction qui lui est due à 932.951,68 € ;

- infiniment subsidiairement, en cas de transfert possible, fixer l'indemnité d'éviction à 603.497,28€ ;

- condamner solidairement les sociétés Alliance Développement Capital Siic et Bassano Développement à lui payer, au titre de l'indemnité d'éviction, une somme de 932.951,98 € en cas de perte du fonds et 603.497,28 € en cas de transfert possible,

- dire que les frais de licenciement du personnel seront payables sur justificatifs et condamner solidairement les sociétés Alliance Développement Capital Siic et Bassano Développement audit paiement,

- fixer l'indemnité d'occupation à 44.795 € par an depuis le 1er juillet 2005,

- dire que les trop perçus au titre de l'indemnité d'occupation porteront intérêt au profit de la société locataire à compter du 1er juillet 2005 puis à compter de chaque échéance,

- condamner solidairement les sociétés Alliance Développement Capital Siic et Bassano Développement au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d’expertise.

Par leurs dernières conclusions du 29 novembre 2013, la SA Alliance Développement Capital Siic et la SAS Bassano Développement demandent à la cour de :

- rejeter des débats les conclusions signifiées par l'appelante et sa pièce n° 63, n'ayant pas été à même d'en débattre contradictoirement dès lors qu'elles en ont eu connaissance en même temps que le prononcé de l'ordonnance de clôture,

- subsidiairement, ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 27 novembre 2013,

- plus subsidiairement, au fond,

- débouter la société Les Salons Saint Honoré de son appel,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leur demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail,

- dire la société Les Salons Saint Honoré déchue de tout droit au maintien dans les lieux comme au paiement d'une indemnité d'éviction et prononcer la résiliation du bail avec toutes ses conséquences de droit ; ordonner son expulsion immédiate et sans délai ainsi que celle de tous occupants de son chef ; condamner la société Les Salons Saint Honoré à payer une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % et des charges à compter du 1er juillet 2005 jusqu'au jour de la libération effective des lieux,

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société Les Salons Saint Honoré de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions contraires aux présentes écritures

- débouter la société Les Salons Saint Honoré de l'ensemble de ses demandes et la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation annuelle de 105.000 € hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2005 avec indexation sur l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'Insee et révisable annuellement, pour la première fois le 1er juillet 2006, l'indice de base étant celui du 4ème trimestre 2004 publié le 13 avril 2005,

- condamner la société Les Salons Saint Honoré à leur verser la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 décembre 2013.

SUR CE,

Considérant, à titre liminaire, que la clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 3 décembre 2013 après révocation de l'ordonnance de clôture du 27 novembre 2013 de sorte que les intimées ont été mises en mesure d'examiner et de répondre aux dernières conclusions et pièces adverses ; que leurs demandes, formées au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile , de révocation de l'ordonnance de clôture du 27 novembre 2013 et de rejet de la pièce n° 63 régulièrement communiquée, devenues sans objet, seront rejetées ;

Sur la déchéance du droit à indemnité d'éviction et la résiliation

Considérant que les intimées soutiennent que la société Les Salons Saint Honoré n'a jamais été à jour de ses obligations, que les arriérés d'indemnité d'occupation s'élevaient à 76.286,11 € suivant compte arrêté au 11 septembre 2012 et qu'ils sont de 197.500,15 € suivant compte arrêté au 15 novembre 2013 soit l'équivalent de trois années d'arriérés, qu'il n'appartient pas au preneur maintenu dans les lieux de se faire justice à lui-même en n'exécutant pas les décisions de justice rendues à son encontre comme en ne réglant pas les charges ni les indemnités d'occupation qu'il reconnait lui-même devoir et que sauf à préjuger de la décision à intervenir, la société Les Salons Saint Honoré ne peut prétendre être créancière d'une indemnité d'éviction alors d'une part, que la valeur de son fonds de commerce est nulle et que d'autre part, aucune compensation n'a vocation à s'appliquer avant l'expiration du délai prévu par l'article L 145-58 du code de commerce, qu'enfin la société Les Salons Saint Honoré invoque vainement le fait que son éviction procéderait d'une stratégie d'ensemble ;

Mais considérant qu'il ressort des relevés de compte produits par les bailleresses que la société Les Salons Saint Honoré qui a réglé le 16 mars 2011 la somme de 211.476,56 €, était à jour de tous paiements au 31 décembre 2012 (pièce19) et que sa dette locative est née par la suite d'une facturation d'échéances trimestrielles de 24.242,68 € portés dès juillet 2012 à plus de 27.000 €alors même que l'expert judiciaire avait estimé l'indemnité d'occupation due à compter du 1erjuillet 2005 entre 14.400 et 16.000 € par trimestre et que les premiers juges avaient par le jugement déféré, non assorti de l'exécution provisoire, fixé l'indemnité d'occupation à 16.000 € par trimestre ;

Que si la société locataire était jusqu'à présent tenue du paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle équivalente au dernier loyer contractuel sans indexation annuelle et qu'elle a manqué à ses obligations en ne réglant pas les sommes dues à titre de provision, il demeure que cette infraction n'a pas, dans le contexte sus-rappelé, le caractère de gravité suffisant pour entrainer la résiliation du bail résiduel et la déchéance du droit à indemnité d'éviction ;

Que les intimées seront déboutées de leur demande à ce titre ainsi que de leurs demandes subséquentes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun ;

Sur l'indemnité d'éviction

Considérant qu'il ressort des constatations de l'expert judiciaire que les locaux qui étaient loués à la société Les Salons Saint-Honoré sont implantés dans le second tronçon de la [...], au coeur du quartier central d'affaires parisien et qu'ils bénéficient d'une bonne desserte par les transports en commun, les stations de métro Ternes et Charles de Gaulle-Étoile, notamment, étant à environ 300m ;

Que ces locaux, d'une surface réelle non contestée de 406,30 m², sont situés au fond de la cour intérieure d'un ensemble immobilier à usage principal d'hôtel ; qu'ils sont accessibles par un porche ouvrant, depuis la [...], sur voie privée et ne sont signalés que par une enseigne au-dessus de ce porche ; qu'ils sont constitués principalement d'une grande salle de réception d'une capacité, relativement faible, de 200 personnes, se trouvant au 2ème sous-sol mais bénéficiant de la lumière naturelle depuis une baie donnant sur la cour de sorte que cette salle est sombre mais pas aveugle ; que l'accès principal au salon se fait depuis une entrée d'honneur au rez-de-chaussée puis un large escalier en marbre, l'ensemble de la décoration et des prestations (boiseries, miroirs en panneaux, marbre de carrare, moquette épaisse, climatisation) donnant un aspect luxueux ; qu'un ascenseur intérieur est mis à la disposition de la clientèle ; qu'un autre ascenseur sert de monte-charge pour les livraisons et un escalier secondaire relie les locaux à la cuisine de l'hôtel voisin ; que les locaux ne sont en effet pas pourvus d'une réelle cuisine, celle-ci équipée sommairement, ne pouvant servir qu’à la préparation et à l'assemblage des plats ;

Considérant que la société Les Salons Saint-Honoré critique le jugement en ce qu'il a considéré qu’un transfert du fonds était possible, ce qui n'est selon elle pas le cas, qu'en outre dans le cadre du transfert, l'indemnité d'éviction a été fixée en fonction d'une valeur de droit au bail nulle en janvier 2009 alors qu'il revient à la cour de statuer en 2014 soit près de cinq ans plus tard, que sa situation a changé car d'une part, un repenti r a été signifié par le même bailleur à l'exploitant de l’hôtel contigu appartenant au même groupe qu'elle, d'autre part, elle a renoué avec les bénéfices et son fonds a pris de la valeur ; qu'elle soutient qu'une expertise complémentaire sur la valeur actualisée du fonds doit être ordonnée ;

Mais considérant que l'exploitante de l'hôtel voisin s'est maintenue dans les lieux après le congé qui lui a été délivré et a poursuivi l'exploitation de son fonds nonobstant le refus de renouvellement qui lui était opposé ; que la société Les Salons Saint-Honoré n'est pas fondée à soutenir que le repentir signifié à celle-ci par son bailleur aurait des conséquences que la cour ne serait pas susceptible d'apprécier sans complément d'expertise ;

Que par ailleurs, s'il est exact que l'indemnité d'éviction doit être évaluée à la date à laquelle le juge statue, force est de constater que la société Les Salons Saint-Honoré, qui se prévaut d'une activité désormais rentable alors qu'elle peine à régler les sommes qu'elle doit et qu'il avait été vérifié par l’expert que l'activité était "très déficitaire" avec un excèdent brut d'exploitation négatif de 29.501€ en moyenne sur trois ans, s'abstient de verser aux débats ses bilans et comptes de résultats postérieurs à l'expertise judiciaire, se bornant à produire, au soutien de ses allégations, la simple attestation de son expert-comptable ce qui est d'autant plus insuffisant qu'il n'y est pas précisé la part de chiffre d'affaires se rapportant à l'activité de loueur de salle, seule à prendre en considération, et celle générées par les "prestations banquets" que la société Les Salons Saint Honoré sous-traite à la société de son groupe, exploitante de l'hôtel voisin, qui les lui facturait régulièrement à l'époque des opérations d'expertise ; qu'en outre, elle n'établit nullement que le prix de marché dégagé par l'expert judiciaire ait notablement augmenté depuis le dépôt de son rapport ; que bien plus elle ne démet pas l'affirmation de la société Alliance Développement Capital selon laquelle "il est notoire que les prix de marché n'évoluent pas à la hausse mais au contraire à la baisse depuis quelques années ..." ;

Que la mesure d'expertise complémentaire que la société Les Salons Saint-Honoré sollicite n'a donc pas lieu d'être ordonnée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, l'indemnité dite d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droit de mutation à payer pour un fonds de même valeur sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que si la société Les Salons Saint Honoré a une activité totalement déconnectée de la commercialité de la [...] et dépendant des réservations opérées après études concurrentielles, sa principale source de clientèle est celle des sociétés du quartier d’affaires dans lequel elle est implantée à laquelle s'ajoute celle de l'hôtel mitoyen et des fidèles de la synagogue faisant partie du même ensemble immobilier, hôtel et synagogue étant qualifiés par l'expert judiciaire de "prescripteurs et clients de 1er ordre " (rapport pages 19 et 23) ;

Qu'en conséquence, la société Les Salons Saint Honoré qui fait valoir à juste titre que le bailleur ne démontre pas l'existence à proximité de locaux équivalents pouvant accueillir son activité de salons de réception, est bien fondée à soutenir que l'éviction dont elle fait l'objet conduit à la perte de l’essentiel de sa clientèle et dès lors à la perte de son fonds de commerce ;

Considérant que les seuls éléments comptables probants restent ceux qui ont été examinés par l’expert judiciaire qui a ainsi pu exactement déterminer le caractère lourdement déficitaire de l’activité de la société Les Salons Saint Honoré, le déficit moyen atteignant presque 15 % du chiffre d’affaires moyen hors taxes avec un excédent brut d'exploitation également négatif en moyenne sur 3 ans même en le retraitant d'un éventuel trop-payé au titre d'un loyer très supérieur à la valeur locative (rapport d'expertise page 31); que la valeur vénale du fonds de commerce se réduit donc à la valeur du droit au bail ;

Considérant que pour conclure à une valeur de droit au bail, actualisée en 2013, de 370.545,60 €,la société Les Salons Saint Honoré soutient que le différentiel de loyer auquel elle entend appliquer un coefficient 8 s'établit en fait à 46.318,20 € compte tenu de l'écart entre le "prix judiciaire" et la valeur de marché ; qu'elle explique qu'à la date à laquelle la cour statue, le loyer en renouvellement aurait nécessairement augmenté de plus d'un quart par le jeu de l'indexation de sorte que si le bail avait été renouvelé, il aurait été fixé en application de l'article L 145-39 à un "prix judiciaire" pouvant être estimé en 2013 à 190 € le m² (sans l'exonération pour clauses exorbitantes) "compte tenu de l'augmentation des prix sur la période 2005-2007 puis de la stagnation résultant de la conjoncture depuis 2008" et "que l'écart entre les prix judiciaires et les prix de marché étant del'ordre de 60 % ", le prix de marché peut être estimé à "190 € + 60 % + 304 €" ;

Considérant que les intimées soutiennent pour leur part, successivement :

- d'abord tant à ce stade que pour voir fixer l'indemnité d'occupation, que "la valeur locative nette», qu’elles ne qualifient pas davantage, de 64.000 € retenue par l'expert est inadaptée dès lors que l'expert a pris en considération pour l'essentiel des références sur un segment de bureaux" alors qu’il souligne le bon agencement et l'adéquation des lieux à leur destination, qu'il a appliqué à ce prix de bureaux une pondération démesurée de 50 % ce qui conduit à une valeur locative brute dérisoire eu égard à l'emplacement, à la destination et à l'aménagement des locaux et un abattement pour des charges exorbitantes inexistantes sans rapport avec l'impôt foncier réellement supporté par le preneur, que la "valeur locative nette" doit être fixée à 400 € le m² utile pondéré à35 % et réduit de la seule taxe foncière 2005 soit à 105.600 €/HT/HC/an ([406,30 m² x 400 € x0,65] - 2.275 € = 105.639 € ) ;

- ensuite que la valeur locative en renouvellement étant de 105.600 €, "le montant du loyer s’établirait à tout le moins si le bail avait été renouvelé à 105.600 € x 1,0857 soit 114.649,92 €HT/HC/an arrondis à 114.650 €", que si le bail avait été renouvelé à effet du 1er juillet 2005,l'indice applicable aurait été celui du 4ème trimestre 2004 (1269), que le cap des 25 % aurait été atteint en 2008 et que le loyer de renouvellement théorique du bail s'apprécierait aujourd'hui à117.742,81 € (114.650 € x1637 (2ème trimestre 2013)/1594 (3ème trimestre 2008),

- enfin que l'expert a fixé exactement la valeur de marché qui n'a pas évolué à la hausse,

- que la valeur du droit au bail étant nulle, il est vain de lui appliquer un coefficient multiplicateur de 8 alors qu'au surplus l'expert retient un coefficient de 5 ;

Considérant, cela étant posé, que rien en conduit à écarter les diverses références de loyers fixés amiablement et en première location données par l'expert judiciaire pour des locaux présentant dans le secteur des caractéristiques comparables ; que l'expert doit être approuvé non seulement sur sa prise en considération de telles références qui sont celles de locaux loués à usage de bureaux compte tenu de la trop grande rareté de locaux à usage exclusivement de salon mais encore sur le choix qu'il a fait d'un abattement de pondération du prix justifié par la destination spécifique des locaux en cause qui ne sont pas des bureaux et ne sont affectés au salon proprement dit que sur 257,60 m² ;

Considérant que ces prix de 2005 s'échelonnant de 250 €/m² à 495 €/m² avec une majorité entre301 € et 400 €, c'est à juste titre qu'au vu de la destination spécifique des locaux, de leurs qualités intrinsèques et des obligations respectives des parti es, l'expert a estimé le prix du loyer, s'il avait été renouvelé au 1er juillet 2005 à 157,5 €/m² après un abattement justifié de 50% sur la valeur locative "bureaux" de 350 €/m², exactement appréciée, et une déduction forfaitaire de 10 % pour clauses exorbitantes ce qui établit la valeur locative des locaux en cause au 1er juillet 2005 à64.000 € en chiffres arrondis (406,30 m² x (350 € x 0,50) x 0,90) ; qu'il sera précisé que contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'abattement de 10 % pour clauses exorbitantes du droit commun est adapté, le preneur ayant non seulement la charge de l'impôt foncier mais encore celle d'une quote-part, notamment, des assurances souscrites par le bailleur, des honoraires de gestion et du ravalement de l'immeuble ;

Considérant que l'expert sera également suivi lorsqu'il estime à 185 €/m² de surface réelle, après les mêmes abattements que ci-dessus (50 % + 10 %) la valeur actuelle de marché qui s'établit donc à 75.165 € ;

Considérant que le contrat de bail prévoit l'indexation automatique du loyer chaque année à la date anniversaire de la prise d'effet du bail en fonction de la variation de l'indice Insee du coût de la construction, les indices successifs à considérer étant ceux du 4ème trimestre ; que sans qu'elle puisse être suivie dans le surplus de son argumentation, la société Les Salons Saint-Honoré est bienfondé à soutenir que par le jeu de la variation des indices, le loyer qui aurait été celui du loyer du bail renouvelé aurait augmenté de plus d'un quart par rapport au prix initialement fixé et que le preneur aurait alors obtenu la révision de son loyer ; que par application desarticles L 145-39 et R145-20 du code de commerce

, la fixation à la valeur locative aurait pu intervenir pour le loyer du1er juillet 2012, le jeu de l'indexation portant alors le loyer à plus de 80.000 € ; que la société Les Salons Saint-Honoré doit également être suivie quand elle indique que le loyer judiciairement fixé n’aurait alors pas été celui du prix du marché puisque la fixation de ce loyer judiciaire aurait tenu compte, en outre, des loyers en renouvellements amiables et des fixations judiciaires et qu'il aurait pu être fixé à 190 € soit après l'abattement de 10 % pour clauses exorbitantes à près 171 €/m² de sorte que le loyer aurait été actuellement de l'ordre de 69.000 € ; qu'en revanche l'écart qu'elle donne avec le prix de marché qu'elle propose procède d'un raisonnement erroné alors qu'il a été vu que le prix de marché des locaux en cause a été exactement apprécié à 185 €/m² pondéré;

Considérant qu'il existe donc bien un différentiel de loyer mais de l'ordre de 6.200 € seulement ;que compte tenu du très bon emplacement pour l'activité considérée au coeur d'un quartier prestigieux mais en fond de cour et sans visibilité, le coefficient de situation sera retenu pour 6 au vu de l'échelle des coefficients donnés en page 29 du rapport d'expertise ; que la valeur du droit au bail s'établit donc à la somme de 37.000 € qui constituera l'indemnité principale ;

Considérant, s'agissant des indemnités accessoires, que la somme de 20.000 € proposée par l’expert constitue la juste indemnisation des frais de remploi qui sont dus à la société Les Salons Saint-Honoré faute pour le bailleur de prouver qu'elle ne se réinstallera pas ;

Que le trouble commercial sera exactement réparé, en l'absence de plus ample justification par la somme de 10.000 € correspondant à 15 jours du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice dont les comptes sont produits ;

Que les intimées font exactement remarquer que l'indemnité de double loyer est injustifiée compte tenu de la perte du fonds tout comme les frais de déménagement, ce d'autant que les embellissements, installations "ainsi que les équipements et appareils concernant notamment la distribution de l'eau, l'électricité, la climatisation, le chauffage, les sanitaires, les sonneries ainsi que les éléments mobiliers devenus immeubles par destination, réalisés ou posés par le preneur" ont fait accession au bailleur en fin de bail, sans indemnité, en vertu de la clause 14 des charges et conditions du contrat de bail ;

Qu'aucune des parties ne conteste l'existence de frais administratifs à hauteur de 5.000 € ;

Que les intimées s'opposent vainement à l'indemnisation des frais de réinstallation que le preneur évincé devra nécessairement exposer dans ses nouveaux locaux pour conserver à son commerce l’environnement luxueux qu'il exige ; qu'en revanche la société Les Salons Saint-Honoré ne produit aucun élément nouveau permettant de voir "réajusté" à 55.000 € ce poste exactement évalué par l’expert au vu des devis qui lui ont été soumis à 48.000 € ;

Considérant enfin que la société Les Salons Saint-Honoré qualifie à tort de perte de chance, la perte de clientèle de l'hôtel déjà prise en considération au titre de la perte de son fonds de commerce, étant rappelé que ce fonds, déficitaire nonobstant cette clientèle ne vaut que par son droit au bail ; que sa demande à ce titre sera rejetée ;

Considérant que l'indemnité globale d'éviction s'établit en conséquence à 120.000 € (37.000 € +20.000 € + 10.000 € + 5.000 € + 48.000 €) auxquels s'ajoutent les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs ;

Sur l'indemnité d'occupation

Considérant qu'il a été vu que la valeur locative de renouvellement s'élève à 64.000 € au 1er juillet2005 ; que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un abattement est justifié pour tenir compte de la précarité des conditions d'occupation de la société Les Salons Saint-Honoré depuis la date d'effet du congé qui lui a été délivré sans off re de paiement d'une indemnité d’éviction et a donné lieu à une très longue procédure; que la société Les Salons Saint-Honoré ne démontre toutefois pas cet abattement doive excéder en l'espèce 10 % ;

Que la société Les Salons Saint-Honoré est en conséquence redevable aux intimées d'une indemnité d'occupation de 57.600 € par an, outre les taxes et charges, à compter du 1er juillet2005 ; qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'indexation de cette indemnité ainsi que le réclament les intimées se référant ainsi vainement aux clauses du bail expiré ; qu'il n'y a pas lieu non plus de condamner les intimées au paiement d'intérêts sur l'éventuel trop perçu au titre de l'indemnité d’occupation provisionnelle qui leur a été allouée et ce d'autant que les dettes réciproques des parties ont vocation à se compenser à due concurrence ;

Considérant que les intimées qui succombent partiellement seront condamnées aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé sur les dépens de première instance ; que vu l’article 700 du code de procédure civile

, la disposition du jugement sur ce chef sera confirmée et les intimées condamnées à payer à la société Les Salons Saint-Honoré la somme de 5.000 € pour ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Dit sans objet la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 27 novembre 2013 et rejette la demande tendant à voir écarter la pièce n° 63 de la société Les Salons Saint-Honoré ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a reçu la société Bassano Développement en son intervention volontaire, débouté les demanderesses de leur demande tendant à voir résilier le bail résiduel liant les parti es, dit que la société Les Salons Saint Honoré est redevable à l'égard de la société Alliance Développement Capital Siic et de la société Bassano Développement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2005, condamné la société Alliance Développement Capital Siic à payer à la société Les Salons Saint Honoré la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Déboute les sociétés Alliance Développement Capital et Bassano Développement de leur demande tendant à voir dire la société Les Salons Saint-Honoré déchue de son droit à indemnité d'éviction et de leurs demandes subséquentes ;

Déboute la société Les Salons Saint-Honoré de sa demande de complément d'expertise ;

Fixe à la somme de 120.000 € l'indemnité d'éviction due par la société Alliance Développement Capital à la société Les Salons Saint-Honoré, outre les frais de licenciement payables sur justificatifs ;

Fixe à la somme de 57.600 € par an, outre les taxes et charges, l'indemnité d'occupation due par la société Les Salons Saint-Honoré à la société Alliance Développement Capital puis à la société Bassano Développement, à compter du 1er juillet 2005 ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Rejette les demandes des sociétés Alliance Développement Capital et Bassano Développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne solidairement à payer à ce titre à la société Les Salons Saint-Honoré la somme de 5.000 €;

Rejette toute autre demande ;

Condamne solidairement la société Alliance Développement Capital et la société Bassano Développement aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile