Livv
Décisions

Cass. com., 11 décembre 2001, n° 98-22.228

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Besançon

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Coutard et Mayer, SCP Boré, Xavier et Boré

Orléans, ch. com., du 26 nov. 1998

26 novembre 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 novembre 1998), que, par jugement du 9 avril 1993, le tribunal a arrêté le plan de continuation de la société Imprimerie Cino Del Duca (la société) et désigné M. Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que, dans sa séance du 9 juin 1993, le conseil d'administration de la société a fixé la rémunération de M. X..., qui venait d'être nommé président du conseil d'administration, à 270 000 francs par année civile, puis dans sa séance du 16 novembre 1993, a décidé notamment que la rémunération de M. X... pour l'année 1994 pourrait être prise partie ou tout sur 1994, sur décision de son bénéficiaire ; que dans sa séance du 5 décembre 1995, ledit conseil a décidé que les modalités de répartition de la rémunération prévues pour 1994 seraient prorogées pour les années ultérieures ; que le règlement au titre de l'année 1996 a été effectué à M. X... par chèque du 25 janvier 1996 pour un montant brut de 270 000 francs ; que, le 26 janvier 1996, la société, au motif qu'un conflit social en cours avait commencé le 22 janvier précédent, a sollicité la désignation d'un administrateur provisoire ; que par ordonnance du 29 janvier suivant, le président du tribunal de commerce a désigné M. Y... en cette qualité, avec les pouvoirs les plus étendus afin de trouver une solution pour mettre fin rapidement au conflit social, pour une durée d'un mois, prorogée d'un mois par ordonnance du 26 février 1996 ; que, le 28 février, M. X... a donné sa démission de président du conseil d'administration ; que, parallèlement, par jugement du 16 février 1996, saisi par M. Z..., ès qualités, le tribunal a dit que les administrateurs de la société peuvent diminuer d'un cinquième, à chaque date anniversaire du plan, le montant de la somme déposée en compte courant, que, toutefois, ils devront préalablement notifier leur intention au commissaire à l'exécution du plan ; que, le 15 mars 1996, M. Y... a déclaré l'état de cessation des paiements de la société et, par jugement du 18 mars suivant, le tribunal a ouvert à son égard une nouvelle procédure de redressement judiciaire en désignant M. Y... comme administrateur et M. Z... comme représentant des créanciers ; que, par jugement du 28 juin 1996, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société au profit de la société Imprimerie Quebecor France et nommé MM. Y... et Z... en qualité de commissaires à l'exécution du plan ; qu'autorisé par ordonnance du 20 septembre 1996, M. Y..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, a fait assigner M. X... en restitution de la somme principale de 307 568,25 francs correspondant à 11/12e des 270 000 francs susmentionnés, outre 65 529 francs au titre des charges patronales ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 204 435 francs, alors, selon le moyen :

1 / que la loi ne prévoit la nomination que d'un seul commissaire à l'exécution du plan ; qu'il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que deux co-commissaires avaient été, illégalement, désignés en l'espèce ; ce en quoi cette désignation était irrégulière, partant les pouvoirs de chacun des commissaires inexistants ; qu'en admettant la recevabilité de l'action exercée par M. Y..., ès qualités, l'arrêt a violé l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2 / subsidiairement que (en cas de validité de la désignation de deux commissaires) le défaut de pouvoir d'une partie affecte la validité de l'acte qu'elle accomplit ; qu'il appartient à celui dont le pouvoir est contesté de démontrer qu'il en est titulaire ; qu'en l'espèce il déniait le pouvoir de M. Y..., ès qualités, pour l'assigner en remboursement des sommes par lui perçues ; qu'en lui reprochant de ne pas avoir produit le jugement (auquel il n'était pas partie) qui limitait les pouvoirs de M. Y..., ès qualités, alors qu'il appartenait à ce dernier, face à la contestation dont il était l'objet, de prouver son pouvoir, la cour d'appel a interverti le fardeau de la preuve en violation de l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985, devenue le livre VI du Code de commerce, n'interdit au tribunal de désigner plusieurs commissaires à l'exécution du plan lorsque la situation du débiteur rend ces désignations nécessaires ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant énoncé exactement que le commissaire à l'exécution du plan trouve dans les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 67, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, qualité pour engager en leur nom une action tendant à la défense de leurs intérêts collectifs, l'arrêt retient à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, dès lors qu'il n'était pas soutenu que le jugement arrêtant le plan de cession de la société n'avait pas été publié, que faute par M. X... de verser aux débats cette décision qui aurait selon lui réparti leurs tâches, que chacun des commissaires à l'exécution du plan doit être considéré comme étant investi de la totalité des pouvoirs dévolus par la loi à cet organe de la procédure et capable de les exercer seul ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 204 435 francs outre intérêts depuis le 28 janvier 1996, alors, selon le moyen :

1 / que le caractère indu du versement d'une somme d'argent, ouvrant droit à répétition, s'apprécie à la date du paiement de cette somme ; qu'il ressort des propres motifs de l'arrêt qu'à l'époque du paiement il était effectivement créancier, en vertu de décisions du conseil d'administration, de la somme qu'il a reçu et que le même arrêt a constaté qu'il avait le droit de se la faire régler à ce moment ; qu'en décidant que la somme payée à M. X... était indue et devait être restituée en vertu de l'article 1376 du Code civil, la cour d'appel a violé ledit texte par fausse application ;

2 / que la bonne ou la mauvaise foi de l'accipiens d'une somme indue s'apprécie à la date à laquelle il la reçoit ; qu'il ressort des propres motifs de l'arrêt qu'à l'époque du paiement reçu par M. X..., celui-ci était effectivement créancier, en vertu de décisions du conseil d'administration, de la somme qu'il a perçu, et qu'il avait le droit de se la faire régler à ce moment ; qu'en estimant ce paiement encaissé de mauvaise foi, la cour d'appel a violé l'article 1378 du Code civil ;

3 / que de toutes façons, la cour d'appel a constaté que M. X... n'avait démissionné que le 28 février 1996 et cependant l'a condamné à payer les intérêts sur la somme à rendre à partir du 28 janvier précédent ; ce en quoi la cour d'appel a violé l'article 1378 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé exactement que, dès lors que les sommes versées ne sont pas dues en raison de l'inexistence de la dette pour défaut de cause, le solvens est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d'en obtenir la restitution, puis relevé que le bulletin de paie afférent au versement de la somme en cause mentionnait la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 et que M. X... avait donné sa démission à compter du 28 février 1996, la cour d'appel en a déduit que sa rémunération n'avait plus de cause pour la période postérieure et était donc indue ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé que M. X... avait reçu de mauvaise foi le paiement de l'indu, en déduit exactement qu'il doit les intérêts de la somme devant être restituée à M. Y..., ès qualités, à compter du jour de ce paiement ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... reproche en outre à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 204 435 francs, alors, selon le moyen, que la compensation opère de plein droit dès lors que deux dettes réciproques sont liquides, certaines et exigibles ; que la créance de la société contre M. X... est née de la démission de celui-ci intervenue le 28 février 1996, l'arrêt relevant lui-même que "sa rémunération n'avait plus de cause pour la période postérieure et était donc indue" ; qu'en s'abstenant de constater une compensation qui du jour de cette démission était acquise, la cour d'appel a violé les articles 1290 et 1291 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que M. X... ne peut prétendre que la compensation serait intervenue de plein droit antérieurement au redressement judiciaire de la société, alors que la créance du commissaire à l'exécution du plan n'était pas encore certaine ni exigible à ladite date puisque devant être consacrée par une décision de justice ; que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.