Cass. 1re civ., 11 juillet 1984, n° 83-13.754
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
Me Vuitton
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'ayant subi des dégâts à l'occasion d'un accident de la circulation, un véhicule appartenant à la société Club du Meuble a été déposé vers 22 h 30 dans les locaux du garage Lefèvre en vue d'une réparation ultérieure et qu'il a été détruit quelques heures plus tard par un incendie ; que, statuant sur renvoi après cassation, la Cour d'appel a estimé qu'en sa qualité de dépositaire, le garage Lefèvre était responsable de cette destruction et l'a condamné à indemniser la société Club du Meuble et son assureur ;
Attendu que la société Garage Lefèvre et son assureur font grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi alors que, d'une part, les motifs de l'arrêt attaqué seraient fondés sur des circonstances non invoquées par le déposant, en sorte qu'auraient été violés les articles 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, aurait été soulevé d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, un manquement du dépositaire à ses obligations de vérification et d'intervention sur le véhicule déposé, l'article 16 du code précité étant ainsi méconnu ; alors que, de troisième part, en mettant à la charge du dépositaire des obligations incombant à un entrepreneur, l'arrêt aurait violé les articles 1915, 1927 et 1933 du Code civil ; alors que, enfin, la décision serait dépourvue de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, faute d'avoir caractérisé le lien de causalité entre le seul manquement reproché au dépositaire et le dommage ;
Mais attendu que, dans ses conclusions, la société Garage Lefèvre - qui avait la charge de prouver qu'elle était étrangère à la détérioration soit en établissant qu'elle avait donné à la chose les mêmes soins qu'elle apportait à la garde des choses lui appartenant, soit en démontrant la survenance d'un accident de force majeure - a invoqué divers éléments qui, d'après elle, apportaient une telle preuve ; que la société Garage Lefèvre a ainsi soutenu qu'en raison de l'heure tardive, son préposé ne pouvait que "remiser" le véhicule, que l'on ne peut exiger d'un garage assurant une permanence de nuit les mêmes services que ceux qu'il assure de jour et qu'en l'espèce, il n'avait pas été manqué au devoir de surveillance puisque les pompiers avaient été avertis dès la survenance de l'incendie ; que la Cour d'appel, appréciant les preuves ainsi avancées par la société Garage Lefèvre, a énoncé que si cette dernière se trouvait dans l'impossibilité d'assurer la nuit un autre rôle que celui de simple réception, il lui appartenait de refuser de recevoir un véhicule dont l'état nécessitait des vérifications élémentaires, comme vérifier que le contact était coupé ou débrancher ou retirer la batterie, et que, faute d'avoir procédé à ces vérifications, elle ne pouvait invoquer le caractère imprévisible du sinistre survenu ; qu'ainsi la Cour d'appel s'est fondée sur les seuls éléments du débat pour caractériser le fait que la société Garage Lefèvre n'avait pas apposé de soins suffisants à la garde du véhicule et qu'elle ne pouvait invoquer un accident de force majeure, et cela sans mettre à la charge de cette société des obligations qui n'incomberaient qu'à un entrepreneur - étant précisé que l'existence d'un contrat d'entreprise, non alléguée en l'espèce, n'excluerait pas que l'entrepreneur soit aussi tenu des obligations du dépositaire - ; qu'enfin, le grief tiré de ce que le lien de causalité n'aurait pas été caractérisé n'est pas davantage fondé, le dépositaire étant tenu de réparer le dommage résultant de la détérioration de la chose dès lors qu'il ne rapporte pas les preuves qui lui incombent ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 21 mars 1983 par la Cour d'appel d'Amiens.