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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 12 mai 2014, n° 12/00168

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nunes Martin

Défendeur :

Auto Flash (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Francke

Conseillers :

Mme Jacob, Mme Blatry

Avocats :

Selarl Dauphin Et Mihajlovic, Me Kummer

TI Grenoble, du 8 déc. 2011, n° 11-11-00…

8 décembre 2011

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Madame Eduarda Nunes Martins a confié fin mai 2010 au garage société Auto Flash son véhicule automobile Opel Zafira pour des réparations concernant la pompe à injection.

Le 2 septembre 2010, la société Auto Flash a adressé à madame Nunes Martins une facture d'un montant global de 1.488,60 € relative à l'échange standard de la pompe à injection, la pose d'une courroie avec dégraissant et un forfait montage.

Alléguant que le garage lui avait affirmé que la réparation consisterait en de petits travaux rapides pour un coût inférieur à 500,00 €, madame Nunes Martins a refusé de payer la facture du 2 septembre 2010 et, suivant exploit d'huissier en date du 13 mai 2011, a fait citer la société Auto Flash devant le tribunal d'instance de Grenoble, à l'effet à titre principal, d'ordonner la restitution de son véhicule et en condamnation au paiement de dommages intérêts et, subsidiairement, à l'instauration d'une mesure d'expertise.

Par jugement en date du 8 décembre 2011, le tribunal d'instance de Grenoble a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

*débouté madame Nunes Martins de l'ensemble de ses prétentions,

*l'a condamnée à payer à la société Auto Flash :

- la somme de 1.488,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2010 au titre des réparations,

- la somme mensuelle de 75,00 € à compter du 2 septembre 2010 au titre des frais de gardiennage,

- une indemnité de procédure de 500,00 €,

*déclaré bien fondé le droit de rétention exercé par la société Auto Flash et dit que cette dernière pourra l'exercer jusqu'au paiement complet des sommes dues en principal par madame Nunes Martins,

*ordonné la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil.

Par déclaration en date du 18 janvier 2012 madame Nunes Martins a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 3 mars 2014, madame Nunes Martins demande l'infirmation du jugement déféré et de :

*dire que la rétention de son véhicule par le garage est abusive,

*dire que la société Auto Flash n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil, conformément aux articles L111-1 du code de la consommation et 1341 du code civil,

*en conséquence, ordonner la restitution de son véhicule sous astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir,

*débouter la société Auto Flash de l'ensemble de ses prétentions,

*condamner la société Auto Flash à lui payer des dommages intérêts de 5.000,00 € et une indemnité de procédure de 3.000,00 €.

Elle fait valoir que :

*le droit de rétention suppose la conclusion d'un contrat entre les parties et l'existence d'une créance certaine,

*le garage ne peut valablement exercer le droit de rétention prévu à l'article 2286 du code civil si certaines conditions ne sont pas remplies et, notamment, s'il n'est pas en mesure de justifier que la cliente a donné son accord sur les réparations effectuées et sur le prix par la production d'un devis précis et chiffré signé du client ou d'un ordre de réparation écrit et signé, détaillant les travaux à entreprendre et les coûts estimés,

*le premier juge a passé outre cette condition et a occulté les dispositions de l'article L111-1du code de la consommation qui dispose que tout professionnel doit avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service,

*à aucun moment, la société Auto Flash n'a attiré son attention sur l'étendue des réparations, sur leur coût ni obtenu son accord,

*contrairement aux dispositions de l'article 1341 du code civil, la société Auto Flash a méconnu son obligation d'effectuer un devis,

*le fait que le garage Opel de Voiron ait établi un devis pour un montant de 2.216,52€ ne dispensait pas la société Auto Flash de remplir son devoir de conseil et d'information à son égard,

*du fait de l'attitude abusive de la société Auto Flash, elle subit un important préjudice à raison de son absence de moyen de locomotion depuis de nombreux mois alors qu'elle continue de régler les cotisations d'assurances.

Par conclusions récapitulatives du 19 juillet 2012, la société Auto Flash sollicite la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, d'assortir la condamnation à paiement de la facture d'un montant de 1.488,60 € d'une astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir outre une indemnité de procédure supplémentaire de 1.500,00 €.

La société Auto Flash, dans le dispositif de ses dernières écritures demande, concurremment, la confirmation sur la condamnation au titre des frais de gardiennage pour la somme mensuelle de 75,00 € à compter du 2 septembre 2010 et, de 'condamner madame Nunes Martins à lui payer des frais de gardiennage pour le véhicule de 50,00 € par jour passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et tant qu'elle ne se sera pas acquittée du principal'.

Elle expose que :

*le contrat d'entreprise n'est assujetti à aucune forme particulière,

*le véhicule qui a été remorqué jusqu'au garage, lui a été incontestablement confié pour y être réparé,

*elle n'a pas eu à diagnostiquer la panne ce qui avait été préalablement fait par le garage Opel de Voiron,

*madame Nunes Martins s'est rendue à son garage, devis en main, et lui a confié sa voiture,

*madame Nunes Martins était parfaitement informée du problème technique affectant son véhicule et l'a sollicitée pour obtenir un meilleur prix,

*madame Nunes Martins qui a mis les garages en concurrence ne peut prétendre que la société Auto Flash n'a pas satisfait à son obligation d'information,

*elle ne s'est jamais engagée à facturer les réparations pour un montant inférieur à la somme de 500,00 € ce qui est strictement impossible au regard du seul prix des pièces,

*sa créance est certaine, liquide et exigible ce qui fonde son droit de rétention,

*madame Nunes Martins qui prétend récupérer un véhicule réparé sans en payer le prix est de parfaite mauvaise foi,

*elle est fondée à revendiquer le règlement du contrat de gardiennage qui est l'accessoire du contrat d'entreprise.

La clôture de la procédure est intervenue le 25 mars 2014.

SUR CE :

Attendu qu'il n'est pas contesté que madame Nunes Martins après avoir obtenu du garage Opel de Voiron un devis, a confié son véhicule automobile Opel Zafira à la société Auto Flash pour des réparations concernant la pompe à injection ;

Qu'est ainsi établie la réalité d'un contrat d'entreprise entre la société Auto Flash et madame Nunes Martins ;

1/ sur l'obligation d'information de la société Auto Flash :

Attendu par application combinée des articles 1147, 1787 du code civil et L111-1 du code de la consommation que le garagiste est tenu d'une obligation d'information de son client sur l'étendue des réparations nécessaires pour obtenir la remise en état du véhicule confié ;

Qu'en outre, il doit obtenir son accord pour les réparations importantes ;

Que madame Nunes Martins, qui a remis à la société Auto Flash le devis établi par le garage Opel de Voiron lequel a diagnostiqué la panne du véhicule, a listé et chiffré les réparations nécessaires, était parfaitement informée de la nature et de l'étendue des réparations à effectuer ;

Qu'il se déduit de la circonstance qu'elle s'est présentée, avec son véhicule en panne, en soumettant à la société Auto Flash le devis réalisé par le concessionnaire, la volonté de madame Nunes Martins de mettre les 2 garages en concurrence avec pour objectif d'en obtenir le meilleur prix ;

Que madame Nunes Martins qui soutient que la société Auto Flash lui aurait affirmé que s'agissant de petites réparations, elle s'engageait à les effectuer pour un prix inférieur à la somme de 500,00 €, ne produit aucun élément au soutien de cette position ;

Que cette position apparaît pour le moins fantaisiste, madame Nunes Martins, bien que profane en matière de mécanique automobile, ne pouvant sérieusement soutenir que l'échange de la pompe à injection, dont on sait sans connaître son fonctionnement qu'il s'agit d'un organe majeur d'un moteur automobile, constitue une petite réparation ;

Qu'en consultant ne serait-ce que le devis du garage Opel qui fixe le seul montant de cette pièce à la somme de 1.451,00 €, madame Nunes Martins ne pouvait que se convaincre de l'importance de la réparation et de l'impossibilité arithmétique d'obtenir une remise en état pour une somme inférieure à 500,00 € ;

Que néanmoins, il appartenait à la société Auto Flash d'informer madame Nunes Martins, préalablement aux travaux, du montant exact de ceux-ci et d'obtenir son accord express de voir réparer son véhicule à ce prix ;

Qu'en s'abstenant de fournir un devis et de rapporter la preuve de son acceptation par madame Nunes Martin, la société Auto Flash a occasionné à cette dernière une perte de chance de ne pas contracter ;

Que néanmoins, au regard de la nécessité pour madame Nunes Martins de voir réparer son véhicule et du peu de solutions pour y parvenir à un prix inférieur à celui proposé par la société Auto Flash puisque seule une réparation par elle-même ou une personne effectuant gracieusement la réparation serait de nature à atteindre cet objectif, sa perte de chance est minime et sera estimée à 20 % du montant de la facture soit la somme de 297,60 € arrondie à 300,00 € ;

Qu'il convient donc d'une part, de confirmer le jugement déféré qui condamne madame Nunes Martins à payer à la société Auto Flash la somme de 1.488,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2010 au titre des réparations et d'autre part, y ajoutant, de condamner la société Auto Flash à payer à madame Nunes Martins la somme de 300,00 € en réparation de sa perte de chance ;

Que les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit à la demande de la société Auto Flash au titre d'une astreinte ;

2/ sur le droit de rétention de la société Auto Flash :

Attendu que l'article 2286 du code civil dans son alinéa 3 stipule que 'peut se prévaloir d'un droit de rétention, celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose' ;

Qu'en l'espèce, la société Auto Flash, qui dispose d'une créance certaine, liquide, exigible, impayée par madame Nunes Martins et née à l'occasion du contrat d'entreprise de réparation nécessitant la détention du véhicule automobile, est bien fondée à le retenir ;

Que c'est à juste titre que le tribunal a débouté madame Nunes Martins de sa demande en restitution du véhicule jusqu'à l'entier paiement des sommes dues par celle-ci en principal ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

3/ sur les frais de gardiennage :

Attendu que par application de l'article 1915 du code civil, le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste, existe en tant que contrat accessoire au contrat d'entreprise, indépendamment de tout accord de gardiennage ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont indemnisé le gardiennage auquel a été contrainte la société Auto Flash par le paiement de la somme mensuelle de 75,00 € depuis la date de la facture émise le 2 septembre 2010 ;

Que le jugement déféré sera également confirmé sur ce point ;

4/ sur la demande en capitalisation des intérêts :

Attendu que la cour entend compléter le jugement déféré en précisant que les intérêts seront capitalisés par année entière à compter du 15 septembre 2011, date de la demande ;

5/ sur les mesures accessoires :

Attendu qu'il n'y a pas lieu à indemnité de procédure ;

Attendu enfin, que madame Nunes Martins succombant principalement, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

*condamné madame Nunes Martins à payer à la société Auto Flash :

- la somme de 1.488,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2010 au titre des réparations,

-la somme mensuelle de 75,00 € à compter du 2 septembre 2010 au titre des frais de gardiennage,

-une indemnité de procédure de 500,00 €,

*déclaré bien fondé le droit de rétention exercé par la société Auto Flash et dit que cette dernière pourra l'exercer jusqu'au paiement complet des sommes dues en principal par madame Nunes Martins,

*ordonné la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamne la société Auto Flash à payer à madame Eduarda Nunes Martins la somme de 300,00 € de dommages intérêts en réparation de sa perte de chance suite au défaut d'information sur le prix de la réparation du véhicule automobile,

Ordonne la compensation,

Y ajoutant,

Dit que les intérêts seront capitalisés par année entière à compter du 15 septembre 2011,

Dit n'y avoir lieu d'assortir la condamnation de madame Eduarda Nunes Martins en paiement de la somme de 1.488,60 € d'une astreinte,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne madame Eduarda Nunes Martins aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.