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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 7 décembre 2012, n° 10/08154

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Pelve (SARL)

Défendeur :

Roudault

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mme Le Potier, M. Gimonet

Avoué :

SCP Castres, Colleu, Perot & Le Couls-Bouvet

Avocats :

Me Poirier, SCP Gauvain -Demidoff, Me Lannuzel

CA Rennes n° 10/08154

6 décembre 2012

EXPOSE DU LITIGE

Le 6 mars 1998, Monsieur et Madame ROUDAUT ont acheté à Monsieur et Madame LE GALL un véhicule CHRYSLER VOYAGER pour le prix de 9909,19 € (65000 F). Le 20 juillet 1998, suite à une panne, le véhicule a été réparé par le garage CHRYSLER NORDLING de BREST. Quelques jours plus tard, le véhicule est tombé en panne près de VANNES et a été pris en charge par le garage PRESTIGE MOTORS, aux droits duquel se trouve la société PELVE.

Monsieur et Madame ROUDAUT ont assigné Monsieur et Madame LE GALL en résolution de la vente. Le tribunal de grande instance de BREST a ordonné une expertise puis par jugement du 7 novembre 2001, il a, notamment, débouté Monsieur et Madame ROUDAUT de leur demande en résolution de la vente, condamné in solidum Monsieur et Madame LE GALL à payer aux époux ROUDAUT la somme de 2648 € au titre de la réduction du prix de vente.

Par arrêt du 6 mars 2003, la cour d'appel de RENNES, infirmant le jugement, a :

- prononcé la résolution de la vente du 6 mars 1998,

- condamné Monsieur et Madame LE GALL à restituer aux époux ROUDAUT la somme de 9909,19 € , et ordonné la restitution du véhicule par les époux ROUDAUT,

- condamné Monsieur et Madame LE GALL à payer la somme de 595,10€ au titre des frais afférents au véhicule,

- condamné la société NORDLING29 à rembourser aux époux ROUDAUT la somme de 1597,67€ , et à payer au titre du préjudice de jouissance 2500€ et au titre des frais de gardiennage la somme de 400 € .

Invoquant son préjudice consécutif au manquement de la société PELVE à son obligation de conservation du véhicule qu'il lui avait remis en dépôt, Monsieur ROUDAULT a assigné la société devant le tribunal d'instance de RENNES par acte du 16 mars 2009. Reconventionnellement, la société PELVE a demandé la condamnation de Monsieur ROUDAULT à lui payer la somme de 16 328,39 € au titre de frais de stationnement.

Par jugement du 19 juillet 2010, le tribunal d'instance de RENNES a :

- condamné la SAS PELVE à payer à Monsieur ROUDAUT la somme de 9900€ à titre de dommages et intérêts,

- condamné Monsieur ROUDAUT à payer à la SAS PELVE la somme de 9900€ au titre des frais de gardiennage,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société PELVE a formé appel de ce jugement et dans ses uniques conclusions du 15 mars 2011, elle demande à la cour de le réformer pour partie et de :

- débouter Monsieur ROUDAULT de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il reçoit la société PELVE en sa demande de paiement des frais occasionnés par elle,

- constater toutefois qu'il s'agit des frais de stationnement et de parking,

- fixer à la somme de 16328,39€ le montant des frais de stationnement arrêtés fin juin 2009 outre les frais ultérieurs ainsi qu'il en sera justifié,

- condamner Monsieur ROUDAUT au paiement de ladite somme,

- condamner Monsieur ROUDAUT à lui verser la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2000€ pour frais irrépétibles.

Monsieur ROUDAUT, dans ses dernières conclusions du 3 juillet 2012, demande à la cour réformant le jugement de :

A titre principal,

- constater qu'un contrat de dépôt s'est formé entre lui et la société PELVE,

- dire que la société PELVE n'a pas satisfait à son obligation de conservation,

- dire que la facturation de la société PELVE est sans objet comme n'ayant pas produit son objectif recherché,

- constater que l'absence de conservation du bien a conduit Monsieur ROUDAUT à ne pouvoir restituer le véhicule dont la valeur a été estimée à l'époque à 9909,19€,

- dire que d'éventuels frais de gardiennage sont compensés par un préjudice de jouissance de 200€ par mois depuis le 16 mars 2009,

- en contrepartie condamner la société PELVE au paiement de la somme de 9909,19€ à raison du préjudice distinct que Monsieur ROUDAUT subit par l'impossibilité de restituer le véhicule dans l'état où il l'a remis au garage,

A titre subsidiaire, si la qualification de dépôt n'était pas retenue,

- dire que la société PELVE a commis une faute en ne prenant aucune mesure conservatoire sur le véhicule et par là même lui cause un dommage,

- condamner la société PELVE au paiement de la somme de 9909,19€ tous préjudices confondus, y compris le préjudice de jouissance depuis le 16 mars 2009,

En tout état de cause,

- débouter la société PELVE de toute demande reconventionnelle tendant à solliciter paiement de ses factures non prescrites aux motifs qu'elles ne correspondent pas à un gardiennage efficace dont elles devaient être la contrepartie nonobstant le préjudice subi par l'absence de conservation,

- débouter la société PELVE d'une éventuelle facturation des frais de gardiennage ceux-ci étant compensés par un préjudice de jouissance de 200€ par mois depuis le 16 mars 2009,

- condamner la société PELVE en 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de Monsieur ROUDAUT

Considérant que Monsieur ROUDAUT soutient qu'en exécution du contrat de dépôt liant les parties, la société PELVE était tenue de veiller à la conservation du véhicule et à sa restitution dans l'état où elle l'a reçu, tandis que la société PELVE considère que les parties sont liées par un contrat de stationnement, simple contrat de louage de l'emplacement affecté au stationnement du véhicule, au titre duquel elle avait pour seule obligation d'assurer l'accès de Monsieur ROUDAUT à cet emplacement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Monsieur ROUDAUT, à la suite de la panne de son véhicule Chrysler Voyager alors qu'il était en route près de VANNES, a confié celui-ci au garage Prestige Motors devenu la SAS Garage PELVE ;

Qu'il a confié son véhicule à ce garage spécialiste de la marque CHRYSLER pour réparation ; Que le garage a indiqué à Monsieur ROUDAUT que le moteur n'était pas d'origine et devait être changé ; Que le véhicule est resté dans le même garage pendant les opérations de l'expertise ordonnée dans le cadre de la résolution du contrat de vente du véhicule ;

Considérant que le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste existe, indépendamment de tout accord de gardiennage, en ce qu'il est l'accessoire nécessaire du contrat d’entreprise ;

Qu'en conséquence, Monsieur ROUDAUT qui a remis son véhicule en panne au garagiste, initialement en vue de la réparation du véhicule, invoque à juste titre qu'un contrat de dépôt existait entre lui-même et le garage PELVE ;

Considérant qu'il appartient à Monsieur ROUDAUT de démontrer que le préjudice qu'il invoque, à savoir que l'état du véhicule résultant d'un manque de conservation du véhicule par le garage PELVE l'a mis dans l'impossibilité de restituer le véhicule en exécution de l'arrêt du 6 mars 2003 de la cour d'appel de RENNES et en contrepartie d'obtenir la restitution de la somme de 9909,19 € de la part de Monsieur et Madame LE GALL, résulte du manquement de la société PELVE à ses obligations ;

Considérant d'abord que Monsieur ROUDAUT n'établit pas que le véhicule se trouve à l'état extérieur et intérieur d'épave du fait des carences du garage PELVE et non du fait de la vétusté ;

Que cette preuve ne saurait résulter de la requête en destruction du véhicule présentée en mars 2008 par le garage PELVE, puisqu'au contraire, aux termes de cette requête, le garagiste, se prévalant de frais de gardiennage de 14226 € dus par Monsieur ROUDAUT, invoquait l'absence de valeur commerciale du véhicule en raison de son état d'usure, 138 660 kilomètres et mise en circulation en 1992 ;

Considérant ensuite que Monsieur ROUDAUT ne justifie pas avoir fait les démarches pour reprendre en temps utile le véhicule auprès du garage PELVE moyennant le paiement de frais de gardiennage au titre desquels il a d'ailleurs obtenu une indemnisation par l'arrêt du 6 mars 2003 ;

Que le fait qu'il n'aurait pas pu rendre le véhicule en l'état à son vendeur et exiger de celui-ci l'exécution des condamnations prononcées par la cour d'appel le 6 mars 2003, n'est nullement démontré, alors au contraire qu'il est constant que dans le cadre de la résolution d'une vente le vendeur tenu de restituer le prix reçu n'est pas fondé à refuser de s'exécuter en raison de l'état d'usure ou de vétusté du véhicule ;

Que Monsieur ROUDAUT s'est lui-même abstenu de mettre en oeuvre l'exécution de l'arrêt alors qu'il était titulaire d'une décision lui permettant d'obtenir la restitution du prix outre les indemnisations allouées par la cour ;

Considérant en conséquence que Monsieur ROUDAUT ne rapportant pas la preuve d'avoir subi un préjudice imputable à la société PELVE, il sera débouté de ses demandes à son encontre, le jugement étant infirmé de ce chef ;

Sur la demande de la société PELVE

Considérant que la société PELVE qui produit des factures de gardiennage pour la période d'août 1999 à décembre 2004, sollicite, pour la période d'août 1999 à fin juin 2009, paiement de la somme de 16328,39€ ;

Considérant que le contrat de dépôt est présumé fait à titre onéreux ;

Considérant que ce qui vient d'être jugé sur la demande principale de Monsieur ROUDAUT conduit également au rejet de ses moyens tendant à opposer l'exception d'inexécution aux demandes de rémunération de la société PELVE ;

Considérant cependant qu'en l'absence d'une convention entre les parties sur le salaire du dépositaire, il appartient au juge de fixer le montant de la rémunération ;

Que compte tenu des éléments de la cause, la cour est en mesure de fixer à 30 € par mois le salaire du dépositaire, soit 3570 € pour les 119 mois d'août 1999 à juin 2009 ;

Considérant que la société PELVE qui sollicite la condamnation de Monsieur ROUDAUT à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, ne démontre pas de circonstances ayant pu faire dégénérer en abus le droit de ce dernier d'agir en justice, et ne caractérise d'ailleurs pas le préjudice dont elle demande ainsi réparation ; Qu'elle sera en conséquence déboutée de cette demande ;

Considérant que Monsieur ROUDAUT sera tenu aux dépens, mais qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société PELVE ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré ;

et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Jacques ROUDAUT de ses demandes ;

Condamne Monsieur Jacques ROUDAUT à payer à la société PELVE la somme de 3570 € ;

Déboute la société PELVE de ses autres demandes ;

Condamne Monsieur Jacques ROUDAUT aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.