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Décisions

CA Paris, 15 janvier 2020, n° 18/01717

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Societe immobilière d'economie mixte de la ville de Paris - SIEMP (SA), Elogie - SIEMP (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thaunat

Conseillers :

Mme Gil, Mme Goury

TGI Paris, du 5 déc. 2017, n° 12/08569

5 décembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 15 novembre 2005, la SIEMP a donné à bail commercial à M. Farid F. divers locaux se composant au rez-de-chaussée d'un local commercial, au sous-sol d'une cave accessible depuis la boutique et au 1er étage de deux logements d'une superficie de 90m² dans un immeuble sis à [...], pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2004 pour expirer le30 septembre 2013, moyennant un loyer annuel en principal de 13.678 euros.

Par jugement rendu le 1er juillet 2014 rectifié par

jugement du 3 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris

a validé le congé triennal pour construire ou reconstruire notifié par la SIEMP le 31 mars 2010 à M. Farid F. avec refus de renouvellement au 30 septembre 2010 du bail sur les locaux commerciaux sis à [...] , a dit qu'il ouvre droit au profit du preneur au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L145-14 du code de commerce, et au profit du bailleur au paiement de l'indemnité d'occupation statutaire de l'article L145-28 du même code à compter du 1er octobre 2010 et a désigné en qualité d'expert Mme M. G. pour parvenir à l'estimation des deux indemnités.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 23 mars 2015.

Par jugement du 5 décembre 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- donné acte à la société ELOGIE SIEMP de son intervention volontaire comme venant aux droits de la SIEMP.

- condamné la société ELOGIE SIEMP à payer à M. F. de 144.500 euros au titre de l'indemnité d’éviction globale.

- condamné M. F. à payer à la société ELOGIE SIEMP une indemnité d'occupation statutaire annuelle de 16.350 euros à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'à la complète libération des lieux.

- rejeté le surplus des demandes.

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

- condamné chacune des parties pour moiti é aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise.

Par déclaration du 15 janvier 2018, M. F. a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la Société civile immobilière d'économie mixte de la ville de Paris (SIEMP) et de la société ELOGIE-SIEMP.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 septembre 2019, M. Farid F. demande à la cour de :

Vu l'article L145-18 du Code de commerce

Vu les articles L313-4 et L313-462 du Code de l'Urbanisme

Vu les articles 1382 et 1383 du Code Civil

Vu les pièces communiquées

Vu le rapport d'expertise rendu

- DECLARER M. F. recevable et bien fondé en ses demandes, fi ns et conclusions d'appel,

- DIRE ET JUGER irrecevables les deux nouvelles demandes présentées par la société ELOGIESIEMP à l'occasion de ses conclusions dites « récapitulatives » signifiées le 21 janvier 2019.

- DECLARER ELOGIE SIEMP mal fondée en ses demandes, fi ns et conclusions d'appel incident, et les rejeter,

EN CONSEQUENCE

- REFORMER le jugement rendu entre les parties le 5 décembre 2017 et en conséquence, statuant à nouveau :

- CONDAMNER solidairement la SIEMP et ELOGIE SIEMP à payer à M. Farid F. les sommes suivantes :

- 65.367 euros HT de perte d'exploitation correspondant à l'arrêt du versement de cette indemnité entre Janvier et Septembre 2010.

- 291.525 euros TTC pour la perte de valeur du fonds de commerce ;

- 171.808 euros d’indemnité d’éviction calculée en fonction des taxes et des usages ;

- 6.000 euros de frais de déménagement

- 7.000 euros au titre du préjudice moral résultant de la négligence de la SIEMP ayant laissé les locataires dont M. F. dans l'incertitude sur leur devenir

- DÉBOUTER purement et simplement la SIEMP et ELOGIE SIEMP de leurs demandes d'indemnité d’occupation.

- CONDAMNER solidairement la SIEMP et ELOGIE SIEMP à verser à M. F. 10.000 euros au titre de l’article 700 CPC outre les entiers dépens de l'instance dont la totalité des frais d'expertise.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 septembre 2019, la SA ELOGIE-SIEMP demande à la cour de :

- Déclarer M. Farid F. mal fondé en son appel, en ses demandes, fi ns et écritures, l'en débouter.

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la concluante à lui payer une indemnité d’éviction d'un montant de 144.500 €.

Faisant droit à l'appel incident de la concluante,

- Réformer partiellement le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. F. à payer à la concluante une indemnité d'occupation d'un montant de 16.350 € annuels à compter du 1er octobre 2010.

Statuant à nouveau de ce chef,

- Condamner M. Farid F. à payer à la société ELOGIE SIEMP une indemnité d'occupation d'un montant de 32.184 € annuels et subsidiairement de 26.160 € annuels à compter du 1er octobre2010 jusqu'à la date du 15 mars 2018, ainsi qu'une indemnité d'occupation de 500 € mensuels, charges en sus, concernant le logement qu'il continue d'occuper, et ce à compter du 16 mars 2018jusqu'à parfaite libération dudit local.

- Dire que les sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation et au titre de l'indemnité d'éviction se compenseront à due concurrence.

- Désigner un séquestre en la personne du séquestre de l'Ordre des Avocats à la Cour de Paris aux fins de recueillir la somme susceptible de revenir à M. F. par compensation entre l'indemnité d’éviction et l'indemnité d'occupation dont il se trouve redevable dans le cadre de sa mission selon les conditions prévues à l'

article L.145-29 du Code de Commerce

, de recevoir les éventuelles oppositions des créanciers, notamment après avoir vérifié l'existence ou non de créanciers inscrits, le paiement devant intervenir contre remise des clés du local vide demeurant occupé, du paiement des impôts et taxes, des indemnités d'occupation et charges, étant précisé que M.F. disposera d'un délai pour libérer les lieux de trois mois commençant à courir du jour de la notification du versement de l'éventuelle somme due par le bailleur au séquestre, lui précisant qu'à défaut, il sera débiteur d'une pénalité de 1% par jour de retard en vertu de l'article L.145-30 du Code de Commerce.

- Ordonner l'expulsion de M. F. ainsi que de tous occupants de son chef du logement qu'il continue à occuper et ce au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, au plus tard à compter de l'avis de versement par la concluante auprès du séquestre de la somme susceptible de lui revenir.

- Condamner M. Farid F. à payer à la concluante une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

- Condamner M. Farid F. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC, directement par Maître Laurent H., avocat, et confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné chacune des parties au paiement de la moitié des dépens de première instance, dont le coût de l'expertise.

La déclaration d'appel a été signifiée le 26 mars 2019 à la demande de M. F. à la société SIEMP par acte d'huissier remis à personne morale.

Les conclusions du 23 septembre 2019ont été signifiées le 23 septembre 2019 à la demande de M. Farid F. à la société SIEMP par acte d'huissier remis à personne morale.

La société SIEMP n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2019.

MOTIFS

Sur l'indemnité d'éviction

Conformément aux dispositions de l'article L145-14 du code de commerce

, l'indemnité d'éviction qui incombe au propriétaire doit couvrir l'intégralité du préjudice causé au preneur par son départ forcé. Elle comprend d'une part une indemnité principale qui en cas de perte de fonds correspond à la valeur de ce fonds qui ne peut être inférieure à celle du droit au bail, valeur plancher, et qui en cas de transfert de fonds est égale à la valeur du droit au bail qui ne peut excéder celle du fonds et d’autre part des indemnités accessoires.

1. l'indemnité principale

L'appelant ne conteste pas que le fonds doit être évalué selon la valeur du droit au bail, bien qu'il estime qu'il s'agit d'une perte de fonds de commerce. Il critique le jugement qui a retenu un coefficient 6 alors que s'agissant de locaux à usage de café bar brasserie disposant d'une licence IV et bénéficiant d'un emplacement privilégié, le coefficient à retenir pour calculer la valeur de droit de bail doit être de 8.

L'intimée expose que le fonds étant inexploité depuis plusieurs années à la date du congé ; que le transfert était envisageable et que faute d'information sur l'activité du preneur, l'indemnité principale doit être chiffrée sur la valeur du droit au bail ; que le coefficient 6 proposé par l'expert judiciaire est justifié dès lors que les locaux se situent sur une voie de commercialité secondaire dégradée par un environnement conjoncturel difficile.

La cour relève que l'expert judiciaire constate que si le propriétaire n'off re pas de locaux de substitution, il existe à proximité immédiate une off re locative importante.

Il résulte en outre du rapport d'expertise que le fonds n'est plus exploité depuis plusieurs années, ce qui n'est pas contesté par les parti es.

L'expert judiciaire a ainsi précisé dans son rapport qu'aucun document ne lui a été communiqué sur l’activité économique de M. Farid F. malgré ses demandes, ce qui est également relevé par le jugement entrepris. La cour observe qu'il est mentionné dans les écritures de M. Farid F. une pièce10 intitulée 'Derniers comptes annuels avant la fin d'exploitation (mémoire)' ; que cependant aucun bilan n'a été produit en cause d'appel malgré relance effectuée auprès du conseil de M. Farid F. encours de délibéré ; que d'ailleurs la société ELOGIE SIEMP fait mention dans ses écritures de l’absence de tout document relatif à l’activité de M. Farid F..

Au regard de ces éléments, l'indemnité due est une indemnité de transfert calculée sur la valeur du droit au bail.

La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle-même affectée d’un coefficient multiplicateur.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les locaux se situent [...] reliant la [...] au [...] ; qu'il s'agit d'une implantation en secteur populaire sur une artère qui off re une mixité de commerces de proximité mais qu'il s'agit d'une voie de commercialité secondaire dégradée par un environnement conjoncturel difficile avec de nombreux locaux commerciaux vacants ; que l'activité de bar, brasserie est bien adaptée au site en secteur populaire. L'expert a également relevé l'avantage procuré par la jouissance de surface de logements pour un commerce assujetti à une amplitude horaire importante et l'absence de charges exorbitantes de droit commun. Les parties ne produisent pas de pièces venant contredire ces éléments.

Les superficies retenues par l'expert de 34 m² pondérés pour le local commercial en rez-de-chaussée et le sous-sol relié sous trappe et de 90m² pour les deux logements ne sont pas discutées.

L'expert judiciaire a retenu une valeur locative de marché pour les locaux donnés à bail de 37 800euros/an, qu'il a arrondi à 38 000 euros, et une valeur de renouvellement, par référence au montant du loyer de renouvellement indexé, de 16 524 euros/an pour parvenir à une valeur du droit au bail, avant application d'un coefficient multiplicateur, de 21 476 euros. Cette valeur de 21476 euros n'est pas discutée par M. Farid F. alors que la société ELOGIE SIEMP demande de retenir, à l'instar du jugement de première instance, la valeur locative de marché non arrondie de37 800 euros pour la partie commerciale et par conséquent une valeur de droit au bail de 21 276euros.

La cour relève qu'aucune des parti es ne conteste ni les surfaces retenues par l'expert, ni la valeur locative de marché de 450 euros/m²P pour la partie commerciale, ni le prix unitaire pour les logements de 250 euros/m².

Il s'ensuit que la valeur locative annuelle du local commercial est de 15 300 euros (soit 450 euros x34m²P) et celle de la partie logement de 22 500 euros (250 euros x90m²), soit une valeur locative globale actuelle de marché de 37 800 euros qu'il n'y a pas lieu d'arrondir.

Les parties ne contestent pas la valeur de renouvellement théorique de 16 524 euros/an.

La valeur du droit au bail, avant application d'un coefficient multiplicateur, est donc de 21 276euros (37 800 euros - 16 524 euros).

M. Farid F. critique le coefficient de 6 retenu par le jugement entrepris et par l'expert.

La cour relève que si l'activité de bar, brasserie avec licence IV est bien adaptée au secteur populaire dense dans lesquels les locaux sont situés, ceux-ci sont néanmoins implantés dans une voie de commercialité secondaire dégradée par un environnement conjoncturel difficile en raison de nombreux locaux vacants, ce dont il n'est pas apporté la preuve contraire par M. Farid F..

Il s'ensuit que le coefficient de 6 retenu par l'expert judiciaire et par le jugement entrepris est justifié.

La valeur du droit au bail doit par conséquent être estimée à la somme de 21 476 euros x 6 = 127656 euros.

Le jugement de première instance sera donc confirmé de ce chef.

2. les indemnités accessoires

- l'indemnité de remploi

Le jugement entrepris qui a, selon l'usage, retenu 10% de l'indemnité principale, soit

12.765 euros au titre de l'indemnité de remploi, sera confirmé.

- le trouble commercial

M. Farid F. critique le jugement entrepris qui ne lui a pas accordé d'indemnité au titre du trouble commercial exposant que s'il n'a pas pu rouvrir son établissement, l'exploiter et le valoriser c'est parce que la société ELOGIE SIEMP qui devait réaliser les travaux en 21 semaines ne les a pas fait effectuer pendant plusieurs années et ce jusqu'à ce qu'il quitte le local commercial le 15 mars 2018. Il estime que la société ELOGIE SIEMP doit l'indemniser à hauteur de 291 525 euros pour la perte de valeur du fonds de commerce.

La société ELOGIE SIEMP réplique qu'il ne peut y avoir cumul entre l'indemnité principale pour perte de fonds et l'indemnité principale en cas de transfert du fonds de commerce ; que l'indemnité due est la valeur du droit au bail ; que M. Farid F. ne produit aucun élément relatif à son activité économique ; qu'il ne peut demander à être indemnisé sur la base de l'indemnité qui lui a été proposée dans le cadre des travaux qui n'a pas été calculé sur la base du chiffre d'affaires.

Aucun bilan n'est produit relatif à l'activité exercée par M. Farid F. dans les locaux depuis l'origine du bail de sorte que ce dernier ne justifie pas que le fonds était exploité à la date de prise d'effet du bail le 1er octobre 2004 ni d'ailleurs antérieurement étant observé que si M. Farid F. exploitait précédemment ledit fonds de commerce qui a fait l'objet d'une donation de son père selon l'extrait Kbis de 2011 versé aux débats mentionnant un début d'exploitation en 1996 de M. Farid F., aucun chiffre d'affaires n'est communiqué. Il s'ensuit que le jugement entrepris qui n'a retenu aucune indemnité au titre du trouble commercial sera confirmé.

Enfin, c'est le congé pour reconstruire délivré par la bailleresse qui a entraîné la fin de bail et ouvert droit à une indemnité d'éviction réparant le préjudice subi et non les éventuels manquements de la bailleresse en raison de la durée des travaux ; M. F. ne peut solliciter deux indemnités pour un même préjudice. A titre surabondant sur la valeur du fonds, le calcul, par l'appelant, de sa perte de valeur est basé sur le montant de l'indemnité mensuelle qui lui a été versée du fait de la fermeture du local commercial consécutivement aux travaux devant être entrepris dont le montant a été déterminé sur la base d'un accord intervenu en 2005 entre les parti es sans qu'il ne démontre que ce montant correspondrait effectivement à une 'perte d'exploitation' faute de production de tout élément comptable.

Le jugement qui a rejeté la demande formée par M. Farid F. à hauteur de la somme de 291 525euros pour la perte de valeur du fonds de commerce sera donc confirmé.

- les frais de déménagement

Si M. Farid F. estime que ces frais devraient être évalués à la somme de 6 000 euros, en l'absence de facture ou devis versés aux débats par celui-ci, le jugement entrepris qui les a retenus forfaitairement à hauteur de 4.000 euros sera confirmé.

- les frais de réinstallation

Le jugement entrepris n'a accordé aucune somme à ce ti tre, ce qui n'a pas fait l'objet d'une contestation par M. Farid F..

Il s'ensuit que l'indemnité d'éviction est la suivante :

- indemnité principale : 127.656 euros

- frais de remploi 12.765 euros

- déménagement : 4.000 euros

soit la somme de 144.421 euros arrondie à 144.500 euros.

Le jugement qui a accordé précisément cette somme au titre de l'indemnité d'éviction sera donc confirmé.

M. Farid F. sollicite la condamnation solidaire de la société ELOGIE SIEMP et de la société SIEMP. La société ELOGIE SIEMP réplique qu'elle vient aux droits de la société SIEMP après la fusion intervenue le 15 décembre 2016 entre les deux sociétés.

Le congé avec refus de renouvellement et off re d'une indemnité d'éviction ayant été délivré par la société SIEMP et la société ELOGIE SIEMP ne justifiant pas de la fusion invoquée, étant relevé qu’en première instance le jugement a seulement donné acte à cette dernière de son intervention volontaire comme venant aux droits de la société SIEMP, la condamnation sera prononcée solidairement entre les sociétés ELOGIE SIEMP et SIEMP.

Sur la demande de M. Farid F. d'indemnisation pour 'perte d'exploitation' pour la période du 1erjanvier 2010 au 30 septembre 2010

M. Farid F. réclame la somme de 63 367 euros correspondant à la cessation du versement entre janvier et septembre 2010 de l'indemnité de 7 263 euros HT/mois qu'il percevait aux motifs que cette indemnité lui a été réglée par la bailleresse pour compenser sa perte d'exploitation à compter du 1er juillet 2005 en raison des travaux qu'elle devait entreprendre et qui ont entraîné la fermeture de l'établissement ; que cette indemnité était due jusqu'au 30 septembre 2010 date à laquelle le bail a pris fin du fait de la délivrance du congé.

La société ELOGIE SIEMP réplique que l'accord entre les parties dont se prévaut M. F. sur la base d’une lettre du 8 juin 2005 concernait des travaux qui ont été effectués début 2006 afin de consolider l'immeuble ; qu'il a perçu de manière indue cette indemnité pendant 4 ans avant qu'elle n’y mette fin ; que postérieurement à ces travaux, M. Farid F. n'a pas repris l'exploitation des locaux pour lesquels il ne lui a été réclamé aucun loyer ni pour le local commercial ni pour les logements qui lui ont été attribués en remplacement du logement attaché à son bail commercial et qui était indisponible. Elle ajoute que les travaux de réhabilitation du local commercial, postérieurs à ceux relatifs à la consolidation, ont été retardés du fait de M. Farid F..

Il résulte du courrier en date du 8 juin 2005 que la société SIEMP et M. Farid F. ont convenu qu'il lui serait versé à compter de la fermeture de son établissement le 1er juillet 2005 une indemnité mensuelle de 7 263 euros HT pendant toute la durée des travaux.

Si le courrier visait des travaux de reprise en sous-oeuvre d'une durée de 21 semaines, il était toutefois prévu qu'à l'issue des travaux de reprise, la société SIEMP procédera à ses frais à la réfection intérieure de l'établissement en reprenant les désordres constatés par l'expert judiciaire ainsi que ceux pouvant se produire pendant la réalisation des travaux. Il était également prévu la suspension des loyers relatifs au local commercial.

Il n'est pas contesté que cette indemnité n'a plus été versée à M. Farid F. à compter du 1er janvier2010.

La cour relève qu'il s'agit d'une indemnité dont le montant a été convenu entre les parties et non d’une indemnité pour 'perte d'exploitation' comme improprement qualifiée par M. Farid F..

S'il résulte du constat d'huissier en date du 12 décembre 2005 établi à la demande de M. Farid F. que le local commercial était étayé à cette date au niveau du sous-sol supportant la structure plancher du rez-de-chaussée, il n'est versé aux débats aucun élément par la société ELOGIE SIEMP démontrant que les travaux de reprise du sous-œuvre ont été réalisés, ni que ces travaux étaient limités à l'étayage des locaux donnés à bail.

En outre il ressort du constat d'huissier du 15 mars 2018 et des photographies annexées la présence détais dans le sous-sol du local mais également dans les parties bar et arrière-boutique. L’étaiement du sous-sol et de la partie commerciale du rez-de-chaussée ressort également de la note du 8 mars 2018 et des photographies réalisés par le cabinet Tony G. Expert à la demande de M. Farid F. ainsi que du rapport d'expertise amiable de M. E., effectué également à la demande de M. Farid F. dont il ressort que l'ensemble du bâti ment a subi une déformation de sa structure. La présence des étais dans la partie commerciale et au sous-sol sont également relevés par Mme M.G. qui a noté que des travaux lourds de réhabilitation de l'immeuble étaient en cours.

Il résulte des ces éléments que les travaux visés dans le courrier du 8 juin 2005 étaient toujours en cours en 2018, et a fortiori au 30 septembre 2010 date de la fin du bail, faute par la société ELOGIE SIEMP de justifier que les travaux de reprise du sous oeuvre étaient limités à l'étayage des locaux ; que la société SIEMP, aux droits de laquelle elle se trouve, devait procéder à ses frais à la réfection intérieure de l'établissement, ce qui n'était pas toujours pas fait en 2018 ; que la bailleresse ne rapporte pas la preuve que M. Farid F. se serait opposé à ce que des travaux soient effectués à l'intérieur des locaux donnés à bail étant relevé qu'aucun mise en demeure ou courrier ne lui a été adressé en ce sens.

Il s'ensuit que l'indemnité contractuellement prévue entre les parties était due à M. Farid F. jusqu'au 30 septembre 2010, comme il le réclame, date à laquelle la fin du bail est intervenue par l'effet du congé.

Par conséquent la société ELOGIE SIEMP, qui déclare venir aux droits de la société SIEMP, sera condamnée à régler à M. Farid F. la somme de 65 367 euros HT (9 mois x 7 263 euros HT) pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2010 au ti tre de l'indemnité mensuelle convenue entre les parties le 8 juin 2005 de sorte que le jugement qui a débouté M. Farid F. de sa demande sera infirmé de ce chef.

M. Farid F. sollicite la condamnation solidaire de la société ELOGIE SIEMP et de la société SIEMP.

La société ELOGIE SIEMP ne justifiant pas de la fusion invoquée entre elle et la société SIEMP, la condamnation susvisée sera prononcée solidairement comme sollicitée par M. Farid F..

Sur l'indemnité d'occupation

La société ELOGIE SIEMP conteste le montant de l'indemnité d'occupation fixée par le jugement aux motifs que la valeur locative devant être retenue eu égard aux références visées par l'expert judiciaire et à la valeur de marché doit être de 390euros/mP au lieu de 300 euros/mP et que l'abattement de 50% n'est pas justifié alors que M. F. a refusé à l'entreprise de la bailleresse l'accès aux locaux pour entreprendre les travaux et qu'il a eu la jouissance de deux appartements encontre partie des travaux dans la partie habitation, avec une simple participation aux charges.

M. Farid F. réplique qu'aucune somme ne peut lui être réclamée au titre de l'indemnité d’occupation aux motifs d'une part qu'il n'a pas pu exploiter le local commercial pendant plusieurs années et que le logement qui lui a été attribué pendant les travaux en remplacement du logement de 90m² visé au bail est plus petit et d'autre part que suivant la lettre du 8 juin 2005, il doit être exonéré sur la base de cet accord de tout loyer mais aussi de toute indemnité d'occupation.

La cour rappelle qu'en application de l'article L145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l’indemnité d'éviction calculée d'après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d'appréciation.

Contrairement à ce que prétend M. Farid F., l'accord des parties prévoyant une exonération des loyers pendant les travaux est limité aux loyers contractuellement dus pour le local commercial et non à l'indemnité statutaire d'occupation.

L'expert judiciaire a fixé la valeur locative statutaire du local commercial à 300 euros/m²pondérépour une surface pondérée de 34 m² et un prix de 250euros/m² pour la partie habitation d'une surface de 90m², soit la somme totale de 32 700 euros sur laquelle il a proposé un abattement pour précarité de 20%. Le jugement entrepris a appliqué un abattement de 50%.

Contrairement à ce que soutient la société ELOGIE SIEMP, ce n'est pas la valeur locative de marché déterminée à parti r des locations nouvelles qu'il convient de prendre en compte pour apprécier la valeur locative statutaire du local commercial, mais la valeur locative à la date du 1er octobre 2010tenant compte des références nouvelles mais aussi des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, outre les autres éléments visés par le code de commerce.

Les locations nouvelles s'établissent entre 493 euros/m²P et 884 euros/m²P, les renouvellements amiables entre 297 euros/m²P et 400 euros/m²P et les fixations judiciaires entre 290 euros/m²P et350 euros/m²P étant relevé qu'aucune des références ne se situent dans la rue dans laquelle sont implantés les locaux.

La cour rappelle que les locaux donnés à bail sont situés sur une artère de commercialité secondaire dégradée par un environnement conjoncturel difficile avec de nombreux locaux commerciaux vacants mais que l'activité de bar, brasserie est bien adaptée au site en secteur populaire.

Toutefois, la partie commerciale des locaux n'est plus exploitable depuis leur fermeture en juillet2005, à la demande de la bailleresse pour réaliser des travaux de reprise de sous oeuvre, en raison de la présence de nombreuses étais, notamment dans la partie bar, ne permettant pas la réception d’une clientèle ni une reprise de l'activité ; que les locaux sont en mauvais état avec des fissures aux murs et plafonds ; que la bailleresse n'a pas entrepris les travaux de reprise intérieure du local commercial comme elle s'y était engagée. La cour rappelle, au vu des développements qui précèdent, que la bailleresse ne justifie pas que les travaux de sous oeuvre étaient limités à la pose d’étais, ni ne rapporte la preuve d'une obstruction aux travaux de la part de M. Farid F..

Il s'ensuit qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, aucune indemnité d'occupation statutaire n’est due pour la partie commerciale des locaux donnés à bail.

Les parties n'ont pas contesté le prix unitaire de 250 euros/m² pour la partie logement retenu par le jugement entrepris.

L'indemnité d'occupation, avant abattement, a été évalué par l'expert judiciaire à la somme de 22500 euros/an sur la base de la superficie des deux logements visés au bail, à savoir 90 m²x 250euros.

Toutefois, M. Farid F. n'a pas pu disposer des logements visés au bail en raison des travaux de réhabilitation de l'immeuble, ce qui n'est pas contesté par la bailleresse, étant relevé qu'à la date de l’expertise judiciaire ces logements étaient encore en travaux et n'ont pas pu être visités par l’expert judiciaire.

La cour observe que deux conventions d'occupation précaires (annexées au rapport d'expertise judiciaire) ont été consenti es, selon les termes des conventions, 'jusqu'à la fin du chantier', à M. Zoubir F., père de M. Farid F., le 4 novembre 2002 pour un appartement n°33 de 3 pièces, au 1erétage et un appartement n°57 de 2 pièces au 2e étage, les deux logements étant situés dans l’immeuble dans lequel les locaux ont été donnés à bail. La société ELOGIE SIEMP n'a pas produit aux débats de convention établie au nom de M. Farid F..

Bien qu'aucune de ces conventions d'occupation précaire n'a été régularisée avec M. Farid F., celui-ci ne conteste pas avoir bénéficié, en raison des travaux, de la jouissance d'un deux logements précités mis à disposition par la bailleresse moyennant le paiement des charges locatives. La bailleresse ne conteste pas que les clés du logement de 2 pièces lui ont été restitués par M. Farid F. le 15 mars 2018.

Toutefois, le bail visait une partie habitation de 90 m² composé de deux logements et il n'a été mis à disposition de M. Farid F. qu'un logement dont il n'est pas démontré qu'il ferait 90 m². Il ne peut être considéré que le logement de trois pièces mis à disposition de M. Zoubir F. soit un local de remplacement alors que la convention d'occupation précaire est antérieure à la conclusion du bail avec M. Farid F., bail qui ne mentionne aucunement les conventions d'occupation précaire, et établie au nom de M. Zoubir F., ce alors que la bailleresse ne rapporte pas la preuve que ce local serait en fait occupé par M. Farid F. et non par son père, l'attestation de la gardienne de l'immeuble du 3 décembre 2014 n'étant pas suffi sante sur ce point.

Au regard de ces éléments, eu égard au fait que M. Farid F. a eu la jouissance d'un logement non équivalent en remplacement de ceux visés au bail sans qu'aucun acte ne soit régularisé en son nom, il convient d'appliquer un abattement de 30% sur l'indemnité d'occupation relative au logement, soit une indemnité d'occupation de 15 750 euros/an (30% de 22 500 euros).

Eu égard à la durée de la procédure qui ne peut être imputée à M. Farid F. qui avait le droit de contester la validité du congé délivré par la bailleresse, il sera appliqué un abattement pour précarité de 10%.

Il s'ensuit que l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme de 14 175 euros à compter du 1eroctobre 2010.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum de l'indemnité d'occupation.

Cette indemnité d'occupation est due jusqu'au 15 mars 2018 date à laquelle M. Farid F. a rendu les clés du local commercial et quitté le logement dont il avait la jouissance.

Au regard des éléments qui précèdent, la société ELOGIE SIEMP sera déboutée de sa demande de condamnation de M. Farid F. de régler une indemnité d'occupation de 500 euros/mois à compter du 16 mars 2018 pour le logement F3 non restitué.

La compensation entre l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation sera prononcée.

Sur le préjudice moral

M. Farid F. réclame à ce titre la somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral dans lequel il s'est trouvé en raison de l'incertitude quant à son avenir professionnel.

Mais M. Farid F. ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il invoque alors que la société ELOGIESIEMP lui a versé pendant plusieurs années l'indemnité prévue en raison des travaux sans réclamer de loyer et qu'il ne justifie pas avoir mis en demeure la bailleresse de procéder à l'achèvement des travaux relatifs au local commercial entre le mois de juillet 2005 et la délivrance du congé.

Par conséquent le jugement entrepris qui l'a débouté de sa demande sera confirmé.

Sur les demandes d'expulsion et de séquestre formées par la société ELOGIE SIEMP

M. Farid F. soulève l'irrecevabilité des demandes susvisées d'une part au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile au motif qu'elles n'ont pas été formulées dans les premières conclusions de la société ELOGIE SIEMP et au d'autre part en ce qu'elles sont nouvelles en cause d'appel.

La société ELOGIE SIEMP réplique que la demande d'expulsion avait été formée en première instance ; que la mesure de séquestre est une modalité de règlement de l'indemnité d'éviction et non une prétention nouvelle ; que le principe de concentration des moyens ne fait pas obstacle à la reprise de demandes faites en première instance.

La cour rappelle que par application de l'article 910-4 du code de procédure civile, 'A peine d’irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d'un ti ers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

C'est par conclusions notifiées le 21 janvier 2019 que la société ELOGIE SIEMP a demandé la désignation d'un séquestre aux fi ns de recueillir l'indemnité d'éviction et d'ordonner l'expulsion de M. F. et de tous occupants de son chef, ces demandes ne figurant pas dans les premières conclusions notifiées le 24 mai 2018.

Toutefois ne s'agissant pas de prétentions au fond, ces demandes sont recevables au visa de l’article 910-4 précité.

Par ailleurs, la demande d'expulsion ayant été formée en première instance n'est pas nouvelle et la demande de séquestre se rattache à la fixation de l'indemnité d'éviction dont elle est une modalité de paiement de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas le séquestre de l'indemnité d'éviction alors que en page 4 des conclusions, la société ELOGIE SIEMP reconnaît que M. Farid F. a restitué les clés du local commercial et d'un des deux appartements mis à disposition. L'autre logement fait l'objet d’une convention d'occupation précaire conclue avec M. Zoubir F. qui n'est pas en la cause.

Pareillement, il n'y a pas lieu de prononcer l'expulsion de M. Farid F. qui a quitté le local commercial et l'un des logements et qui en tout état de cause à droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, ni de l'occupant du logement non restitué qui fait l'objet d'une convention d'occupation précaire établie au nom de M. Zoubir F..

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement de première instance sur les dépens, la cour renvoyant à sa motivation sur ce point.

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la société ELOGIE SIEMP succombant sera condamnée aux dépens de l'instance d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. Farid F. de sa demande de voir la société ELOGIESIEMP condamnée à lui régler la somme de 65 367 euros et sur le quantum de l'indemnité d’occupation,

Le confirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne solidairement la société ELOGIE SIEMP et la société SIEMP à régler à M. Farid F. la somme de 65 367 euros HT pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2010 au titre de l’indemnité convenue entre les parti es le 8 juin 2005,

Dit que la société ELOGIE SIEMP est condamnée solidairement avec la société SIEMP au paiement de l'indemnité d'éviction fixée par le jugement entrepris,

Fixe à la somme annuelle de 14 175 euros l'indemnité d'occupation statutaire à compter du 1eroctobre 2010,

Condamne M. Farid F. à payer à la société ELOGIE SIEMP l'indemnité d'occupation statutaire annuelle de 14 175 euros à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'au 15 mars 2018,

Ordonne la compensation entre l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation,

Déclare recevables les demandes formées par la société ELOGIE SIEMP de désignation d'un séquestre et d'expulsion de M. Farid F. ainsi que de tous occupants de son chef mais les rejette,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société ELOGIE SIEMP aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.