Cass. 3e civ., 4 juin 2003, n° 01-17.762
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Lardet
Avocat général :
M. Guérin
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Benabent, SCP Gatineau, SCP Peignot et Garreau
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 octobre 2001), qu'en 2000, la société Peugeot Citroën automobiles (société PCA) a commandé diverses marchandises, dont des boulons antivol, à la société AAMV Michel Vassal (société AAMV), qui s'est adressée à la société Mecatech pour la fabrication de ces boulons ; que la société AAMV ayant été mise en liquidation judiciaire le 18 mai 2000, la société Mecatech a, le 31 mai 2000, déclaré sa créance au passif de cette société et demandé, sur le fondement de l'action directe de la loi sur la sous-traitance, le règlement de ses factures s'élevant à la somme de 1 609 114,29 francs TTC à la société PCA, qui, après avoir elle-même, le 7 juillet 2000, déclaré sa créance d'un montant retenu en définitive pour 81 444,01 francs correspondant à une facture du 13 avril 2000, a assigné M. X..., ès qualité de liquidateur de la société AAMV, et la société Mecatech en désignation du bénéficiaire du paiement qu'elle devait effectuer à hauteur de la somme de 719 671,52 francs par elle due à la société AAMV après compensation avec sa propre créance ;
Attendu que la société Mecatech fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande contre la société sur le fondement de l'action directe, alors, selon le moyen :
1 ) qu'est un sous-traitant au sens de la loi du 31 décembre 19975, celui qui est chargé d'un travail spécifique en vertu d'indications particulières ; que tel est en particulier le cas de l'entreprise qui se voit confier la réalisation de produits industriels selon les plans et sous le contrôle du client de son donneur d'ordres ; qu'il importe peu que ce sous-traitant ne soit pas la seule entreprise à réaliser ces produits, ni qu'elle en réalise d'autres destinés à d'autres donneurs d'ordres, la relation de sous-traitance n'impliquant aucune exclusivité de part ou d'autre ; qu'après avoir relevé que les boulons antivol "ont été réalisés suivant plan n° (...) définissant complètement la prestation et appartenant à PCA" et aussi que ce constructeur automobile exerçait "un contrôle de la qualité", la cour d'appel, en refusant à la société Mecatech la qualité de sous traitant, par des motifs impropres à écarter cette qualité qui résultait de ses propres constatations, a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;
2 ) qu'en retenant que "la société Mecatech fabriquait des matériaux pour des constructeurs autres que la société Peugeot Citroën automobiles", pour en déduire que "la production de boulons litigieuse concernée est compatible avec une production en série et concerne tous les constructeurs automobiles", sans rechercher - comme le lui demandaient les conclusions de la société Mecatech faisant valoir que "chaque boulon normé correspond aux caractéristiques du constructeur" à peine de n'être "pas validé dans le processus de production" et que "chaque type de boulon dispose d'un numéro d'identification" et "ne peut être posé que sur le véhicule pour lequel il a été homologué" - si les boulons destinés à différents constructeurs étaient interchangeables ou s'il n'y avait pas, pour chaque type de boulons, un travail spécifique en vertu d'indications particulières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;
3 ) que le défaut d'acceptation et d'agrément ne peut être opposé au sous-traitant par l'entrepreneur principal ni par les créanciers de ce dernier, mais seulement par le maître de l'ouvrage qui entendrait s'opposer à l'action directe ; qu'après avoir relevé que la société Peugeot Citroën automobiles ne s'opposait pas à l'action directe de la société Mecatech dont elle ne faisait aucunement valoir le défaut d'agrément, la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait - et, en définitive, reconnaître à l'entreprise principale sur les sommes litigieuses une priorité déduite de son seul manquement à son obligation de faire agréer son sous-traitant - sans violer l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par un motif non critiqué, que le contrat unissant la société PCA et la société AAMV n'était pas un contrat d'entreprise mais un contrat de fourniture de marchandise, la cour d'appel en a exactement déduit que, quelle que soit la nature des relations contractuelles liant la société AAMV à la société Mecatech, cette dernière société ne pouvait se prévaloir des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société PCA fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en compensation, alors, selon le moyen qu'à défaut d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat, le lien de connexité peut exister entre des créances et dettes nées de plusieurs conventions constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations ; qu'était de nature à établir la réalité d'un tel ensemble contractuel, la seule existence entre PCA et AAMV, non seulement de commandes de boulons, mais également d'aides au développement des activités de AAMV en Europe ; qu'en reprochant néanmoins à PCA de ne pas démontrer la connexité au sens de l'article L. 621-24 du Code de commerce quand l'aide apportée par PCA à la société AAMV avait nécessairement un lien économique avec l'achat par PCA des boulons fabriqués par AAMV, la cour d'appel a violé l'article L. 621-24 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la dette de la société PCA résultait d'une convention de fourniture de marchandises, tandis que sa créance, née d'une opération d'aide au développement à l'étranger, invoquée sans autre précision ou justification, s'analysait en un contrat de prestation de service et qu'il n'était pas établi que ces contrats étaient économiquement liés, la cour d'appel en a déduit à bon droit l'absence de preuve d'un lien de connexité entre cette créance et cette dette ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.