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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 28 mars 2017, n° 16/00974

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Suffren (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sallaberry

Conseillers :

Mme Caillard, M. Waguette

Avocats :

Me Balloteau, Me de Guerry de Beauregard

TGI La Rochelle, du 16 févr. 2016

16 février 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement rendu le 23 mai 2000, le tribunal de grande instance de Saintes a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de X…, exploitant agricole à Courcoury, qui proposait le règlement de son passif à 100 % de son montant sur la durée de 15 années par le versement de deux pactes aux 15 juin et 30 décembre de chaque année, le premier devant intervenir le 15 juin 2001 et donc le dernier le 15 juin 2016.

Par décision en date du 25 juin 2013, le tribunal de grande instance de Saintes, saisi à la demande la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes (la CMSA) qui évoquait de nouvelles dettes et le défaut d'exécution du plan, a prononcé la résolution du plan de redressement et ordonné la liquidation judiciaire de X….

La cour d'appel de céans a toutefois infirmé cette décision par un arrêt du 1er juillet 2014 qui constatait que X… avait régularisé son retard concernant tant l'exécution du plan que le paiement des cotisations postérieures à la CMSA.

Par requête en date du 15 février 2016, à laquelle a été jointe l'assignation tendant aux même fins délivrée à X… par la CMSA le 20 juin 2016, la SELARL Humeau, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, sollicitait la résolution du plan et le prononcé de la liquidation judiciaire faisant valoir que X… était redevable de la somme de 9.800,26 € au titre du plan, la CMSA arguait, pour sa part, de dettes nouvelles à hauteur de 49.086,60 €.

Par jugement du 27 septembre 2016, statuant sur ces demandes, le tribunal de grande instance de Saintes a ordonné la résolution du plan arrêté par jugement du 23 mai 2000, prononcé la liquidation judiciaire de X… et nommé la SELARL Humeau, représentée par Me Thomas Humeau, en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte reçu au greffe le 3 octobre 2016, et enregistré le lendemain, X… a interjeté appel de cette décision. Il a, en outre, sollicité et obtenu l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant la décision querellée au terme d'une ordonnance rendue en référé, le 15 décembre 2016, par le premier président de la cour d'appel de céans.

En l'état de ses dernières conclusions, signifiées le 7 février 2017, X… demande à la cour

de :

Le recevoir en son appel,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement et statuant à nouveau,

Dire n'y avoir lieu à résolution du plan,

Constater que le plan a été honoré avec toutes conséquences de droit,

Constater, dire et juger que la situation de X… n'est pas irrémédiablement compromise et en conséquence donner acte à X… qu'il s'en rapporte aux prétentions de Me Humeau de telle sorte que le dossier soit renvoyé à l'examen du Tribunal de Grande Instance de Saintes,

En tout état de cause, dire la CMSA tant irrecevable que non fondée en sa demande de liquidation,

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de son appel, X… fait valoir qu'au jour où le tribunal a statué il avait payé au mandataire la dernière échéance de son plan de redressement qui était donc terminé. Il en déduit que la résolution du plan ne peut plus être ordonnée et qu'il y a lieu de renvoyer la procédure devant le premier juge pour statuer sur la demande de la CMSA, tendant au prononcé de la liquidation judiciaire au vu d'un nouvel état de cessation des paiements, pour ne pas le priver du double degré de juridiction dés lors qu'il n'a pu contester la créance de la CMSA devant le premier juge. Il rappelle que la liquidation judiciaire ne peut être prononcée que si le redressement est manifestement impossible, condition posée par l'article L. 640-1 du code de commerce, et affirme, au contraire, qu'il est en capacité proposer un plan de redressement.

La SELARL Humeau, prise en la personne de Me Thomas Humeau, mandataire à la

liquidation judiciaire de X…, a fait signifier ses dernières conclusions le 16 janvier 2017

aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 631-1 du Code de commerce,

de :

Dire et juger qu'il convient d'ouvrir à l'égard de X… une procédure de redressement judiciaire, sauf à ce que X… justifie être en mesure de procéder au règlement de la somme de 55.216,77 € correspondant au montant des cotisations sociales dues à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes,

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle soutient qu'à la date où la CMSA a fait délivrer son assignation, le plan était toujours en cours et que la cour reste régulièrement saisie de sa demande d'ouverture d'une nouvelle procédure collective qui pourra être un redressement judiciaire si X… ne démontre pas qu'il est en mesure de régler la créance de la CMSA.

La CMSA des Charentes, par conclusions signifiées le 3 février 2017, demande à la cour de :

Principalement,

Vu l'article L. 631-20-1 du Code de commerce,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire de X…, sauf à ce que X… justifie être en mesure de procéder au règlement de la somme de 55 216,77 € correspondant au montant des cotisations sociales dues à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes avec son actif disponible,

Subsidiairement,

Vu l'article L. 631-1 du Code de commerce,

Dire et juger qu'il convient d'ouvrir à l'égard de X… une procédure de redressement judiciaire, sauf à ce que X… justifie être en mesure de procéder au règlement de la somme de 55 216,77 € correspondant au montant des cotisations sociales dues à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes,

En tout état de cause,

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir en substance que les dispositions de l'article L. 631-20-1 trouvent à s'appliquer dés lors que le nouvel état de cessation des paiements était avéré alors que le plan de redressement n'était pas encore parvenu à son terme. Elle soutient que X… avait la possibilité de contester sa créance devant le premier juge et ne peut utilement arguer de la perte du double juridiction, elle fait, en outre, observer que la créance qui fait l'objet de titres exécutoires définitifs pour sa quasi totalité n'était de toutes façons pas contestable et qu'ainsi seule la liquidation judiciaire est applicable, d'autant qu'un plan d'apurement amiable avait déjà été mis en place en avril 2015 et qu'aucune des échéances prévues n'a été respectée.

Elle estime, à tout le moins, qu'une procédure de redressement judiciaire devrait être ouverte, subsidiairement, en application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce dés lors que X… se trouve indiscutablement en état de cessation des paiements compte tenu des cotisations impayées dont la majeure partie n'est plus contestable.

Le 7 décembre 2017, le ministère public a déclaré se rapporter à droit.

La clôture est intervenue le 14 février 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L 626-27, I, alinéas 2 et 3, du code de commerce, relatif à la sauvegarde mais dont les dispositions sont applicables au redressement judiciaire (article L 631-19 alinéa 1 du même code), le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

L'article L 631-20-1 du même code dispose que, par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.

Il résulte de ces textes que :

' le plan peut être résolu en cas d'inexécution de ses engagements par le débiteur (résolution facultative),

' le plan doit être résolu en cas de constatation de la cessation des paiements du débiteur en cours d'exécution du plan de redressement (résolution automatique),

' la résolution du plan de redressement entraîne l'ouverture d'une nouvelle procédure, qui ne peut être qu'une liquidation judiciaire.

******

Le tribunal de grande instance de Saintes a été régulièrement saisi par la requête du commissaire à l'exécution du plan de redressement de X…, en date du 15 février 2016, sollicitant la résolution du plan et le prononcé de la liquidation judiciaire pour défaut d'exécution du plan, à laquelle a été jointe ultérieurement l'assignation, tendant aux mêmes fins à raison d'un nouvel état de cessation des paiements, délivrée par la CMSA des Charentes à X… le 20 juin 2016.

A ces dates, en effet, il est constant que le plan n'était pas terminé, qu'il existait un retard dans son exécution et que la CMSA se prévalait d'un nouvel état de cessation des paiements, en cours d'exécution du plan, résultant de cotisations impayées pour plus de 40.000 €.

Les deux actions étaient engagées sur le fondement des dispositions des articles L. 626-27 et L. 631-20-1, susvisés, du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 et de celle du 18 décembre 2008, rendus applicable aux procédures en cours.

Le tribunal a statué le 27 septembre 2016 en constatant d'une part l'inexécution du plan puisqu'il manquait 2.900 € pour le solder et, d'autre part, que la nouvelle dette auprès de la CMSA n'avait pas fait l'objet d'un règlement. Il a, en conséquence, ordonné la résolution du plan et prononcé la liquidation judiciaire de X… ce qui était obligatoire au regard du nouvel état de cessation des paiements constaté en cours d'exécution du plan.

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats qu'avant même le prononcé du jugement entrepris, X… s'était mis à jour du retard d'exécution de son plan dont il avait réglé la dernière échéance apurant ainsi l'entier passif qu'il avait charge de rembourser aux termes du plan homologué par jugement du 23 mai 2000 qui devait se terminer par le paiement de la dernière échéance le 15 juin 2016.

Dans la mesure où la loi du 25 janvier 1985, à laquelle la procédure restait soumise sur ce point, ne conditionnait pas la fin de plan à l'exigence d'une décision de clôture, qui ne sera imposée que par la loi du 26 juillet 2005, il y a lieu de considérer que le dernier paiement effectué, soldant le passif, a mis fin au plan le 26 septembre 2016 date de l'encaissement du dernier versement de 2 900 € ainsi qu'il ressort de la comptabilité du mandataire.

En tout état de cause, au jour où la cour statue, le plan de redressement a pris fin et la cour ne saurait confirmer le jugement entrepris qui a ordonné la résolution d'un plan qui n'est plus en cours, et prononcé la liquidation judiciaire de X… laquelle supposait le constat d'un nouvel état de cessation des paiements en cours d'exécution du plan, ce qui n'était plus le cas.

Il conviendra donc d'infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise et, statuant à nouveau, de constater l'exécution intégrale du plan de redressement, de débouter la CMSA des Charentes de sa demande tendant au prononcé de la liquidation judiciaire et de dire n'y avoir lieu à résolution du plan ni à liquidation judiciaire sur le fondement des articles L. 626-27 et L. 631-20-1 du code de commerce inapplicables en l'espèce.

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La CMSA des Charentes, arguant toutefois du nouvel état de cessation des paiements de X…, demande, subsidiairement, à la cour de constater cette cessation des paiements et de prononcer, en conséquence, le redressement judiciaire du débiteur sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce.

Toutefois, il n'appartient pas à la cour, sous peine de priver X… du double degré de juridiction, de statuer sur cette demande qui n'a pas été soumise au premier juge devant lequel la cause et les parties seront donc renvoyées aux fins qu'il en connaisse.

En application des dispositions de l'article R. 661-7 du code de commerce, dans la mesure où le présent arrêt infirme une décision soumise à la publicité, le greffier de la cour d'appel transmettra dans les huit jours du prononcé de l'arrêt une copie de celui au greffier du tribunal de grande instance de Saintes pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article R. 621-8 du code de commerce. Il notifiera l'arrêt aux parties et, par remise contre récépissé, au procureur général et informera les personnes mentionnées au 4º de l'article R. 661-6 du prononcé de l'arrêt.

Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle aura personnellement exposés pour les besoins des deux instances.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Constate l'exécution intégrale du plan de redressement homologué, au bénéfice de X…, par jugement du tribunal de grande instance de Saintes en date du 23 mai 2000,

- Déboute la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes de sa demande de liquidation judiciaire,

- Dit n'y avoir lieu à résolution de ce plan ni à liquidation judiciaire de X… sur le fondement des articles L. 626-27 et L. 631-20-1 du code de commerce inapplicables en l'espèce,

Y ajoutant,

- Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Saintes pour qu'il soit statué ce que de droit sur la demande de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Charentes tendant à faire constater l'état de cessation des paiements de X… et voir ouvrir en conséquence une nouvelle procédure de redressement judiciaire sur le fondement de l'article L. 631-1 du Code de commerce,

- Dit que le greffier de la cour d'appel transmettra dans les huit jours du prononcé de l'arrêt

une copie de celui-ci au greffier du tribunal de grande instance de Saintes pour

l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article R. 621-8 du code de commerce,

notifiera l'arrêt aux parties et, par remise contre récépissé, au procureur général et informera

les personnes mentionnées au 4º de l'article R. 661-6 du prononcé de l'arrêt.

- Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle aura personnellement exposés en première instance comme en cause d'appel.