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Décisions

Cass. com., 17 mars 2009, n° 08-11.268

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Odent, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Versailles, du 22 nov. 2007

22 novembre 2007

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., Mme Y... épouse X..., Mme X... et la société Informatique pour les sociétés que sur le pourvoi incident relevé par MM. Guy et Emmanuel A... et Mme B... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les actions composant le capital de la société anonyme Informatique pour les sociétés (la société) étaient réparties entre un groupe majoritaire comprenant M. Claude X..., président-directeur général, son épouse Mme Y... et sa soeur Mme X... (les consorts X...) et un groupe minoritaire comprenant MM. Guy et Emmanuel A... et Mme B... (les consorts A...) ; que ces derniers, invoquant des faits constitutifs d'abus de majorité et faisant valoir que la société ne comptait que six actionnaires, ont demandé que les consorts X... soient condamnés à leur payer des dommages-intérêts et que soit prononcée la dissolution de la société ; qu'un jugement ayant ordonné à la société de régulariser sa situation dans un délai de six mois, M. Claude X... a procédé à la donation de deux actions au bénéfice de deux de ses enfants, MM. Rémi et Grégoire X... ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour dire que les rémunérations allouées à M. Claude X... au cours des exercices 2002 et 2003 sont constitutives d'un abus de majorité, l'arrêt relève que ces rémunérations ont été supérieures au montant du bénéfice alors que parallèlement, au cours des années précédentes, les bénéfices avaient été mis en grande partie en réserve sans politique d'investissement corrélative et retient qu'en conséquence les décisions sur la rémunération de M. Claude X... ont manifestement été prises avec le dessein de favoriser un actionnaire appartenant au groupe majoritaire et à l'encontre de l'intérêt social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par référence aux décisions de mise en réserve dont elle retenait par ailleurs qu'elles répondaient à une politique de prudence et ne procédaient pas d'un abus de majorité, sans expliquer en quoi les décisions allouant les rémunérations litigieuses, considérées en elles-mêmes, avaient été prises contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur la seconde branche du même moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle retenait que les décisions de mise en réserve répondaient à une politique de prudence et ne procédaient pas d'un abus de majorité, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs contradictoires, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour dire la donation consentie par M. Claude X... au bénéfice de MM. Rémi et Grégoire X... inopposable à la société et aux consorts A..., l'arrêt relève que l'article 12 des statuts de la société comporte une clause de préemption en vertu de laquelle M. Claude X... avait l'obligation, avant de faire donation de deux de ses actions à ses enfants, de notifier son projet à la société, laquelle devait le porter à la connaissance des autres actionnaires qui bénéficient tous d'un droit de préemption, que l'article 12,III,1 énonce que "toute cession d'actions, même entre actionnaires, doit respecter les droits de préemption prévus au présent article" et que même si l'article 12 ne vise que les cessions, il doit s'appliquer s'agissant de l'exercice d'un droit de préemption aux cessions tant à titre gratuit qu'à titre onéreux, qu'elles soient faites au bénéfice d'un tiers, d'un autre actionnaire ou comme en l'espèce d'un descendant ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 12, III,2 des statuts, qui stipule que l'actionnaire doit notifier son projet de cession à la société en indiquant notamment le prix et les autres conditions de la cession projetée et précise que cette notification vaut offre de cession aux prix et conditions mentionnés, que la procédure de préemption organisée par cette clause est, en l'absence de prix, sans application aux cessions consenties à titre gratuit, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis de cette stipulation, en violation du texte susvisé ;

Et attendu que les griefs du pourvoi incident ne seraient pas de nature à permettre l'admission de celui-ci ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les rémunérations allouées à M. Claude X... au cours des exercices 2002 et 2003 sont constitutives d'abus de majorité et en ce qu'il a dit que la donation consentie par M. Claude X... au bénéfice de MM. Rémi et Grégoire X... est inopposable à la société IPLS et aux consorts A..., l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.