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Décisions

CA Riom, 4e ch. civ. et soc., 13 octobre 2020, n° 18/02080

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alter Eco 63 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruin

Conseillers :

Mme Vallée, Mme Amacker

Avocat :

AARPI JURIS LITEM AARPI

CA Riom n° 18/02080

12 octobre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL ALTER ECO 63 a pour activité principale le conseil, la vente et l'installation de divers équipements en matière d'économie d'énergie et géothermie, la vente et pose de fenêtres du bâtiment, de chaudières, d'isolant, de solutions solaires, de radiateurs électriques. Son siège social est à CLERMONT-FERRAND. Elle applique la convention collective des ETAM du bâtiment du 12 juillet 2006. Son gérant est Monsieur Camel A..

Monsieur Carlos DA C., né le 8 novembre 1966, a été embauché par la SARL ALTER ECO 63, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, pour la période du 2 mars 2015 au 2 juin 2015, à temps complet, en qualité de technicien alarmes et vidéo-protection (catégorie employé, niveau D), avec un salaire brut mensuel contractuel de base de 2.010 euros.

Un contrat de travail à durée indéterminée (non daté) a été signé par les parties. Le contrat mentionne que Monsieur DA C. est engagé par la SARL ALTER ECO 63 à compter du 25 août 2015, à temps plein, en qualité de vendeur (catégorie employé niveau A), avec un salaire brut mensuel contractuel de base de 2.010 euros. Le contrat de travail indique que le salarié occupera un poste de vendeur pour assurer la vente et l'installation de systèmes d'alarme et de vidéo protection. Le contrat prévoit une première période d'essai de deux mois, renouvelable une fois.

Le 24 décembre 2015, le contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur DA C. a été rompu par l'employeur. L'attestation Pôle Emploi mentionne comme motif de rupture une fin de période d'essai à l'initiative de l'employeur. Le certificat de travail établi par l'employeur mentionne que Monsieur DA C. a été employé par la SARL ALTER ECO 63, en qualité de vendeur niveau A, du 25 août 2015 au 24 décembre 2015. Le salaire mensuel brut de référence est de 2.010 euros.

Par requête déposée au secrétariat-greffe en date du 18 septembre 2017, Monsieur Carlos DA C. a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins d'obtenir notamment le paiement des périodes travaillées mais non rémunérées pour le compte de la SARL ALTER ECO 63, de constater que la rupture du contrat de travail intervenue après l'expiration de la période d'essai est dépourvue de cause réelle et sérieuse, d'obtenir les indemnités afférentes et de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 15 décembre 2016 faute de paiement des salaires.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 25 octobre 2017 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire rendu en date du 4 octobre 2018 (audience du 21 juin 2018), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND (section industrie) a :

- dit et jugé les demandes de Monsieur DA C. recevables et en partie fondées ;

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur DA C. est abusif ;

- condamné la SARL ALTER ECO 63 à payer à Monsieur DA C. les sommes suivantes :

* 2.010 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 12.060 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.475,27 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Monsieur DA C. de ses autres demandes ;

- débouté la SARL ALTER ECO 63 de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL ALTER ECO 63 aux dépens.

Le 19 octobre 2018, la SARL ALTER ECO 63 a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 10 octobre 2018.

L'affaire a été fixée à l'audience du 7 septembre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 mars 2019 par Monsieur Carlos DA C.,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 mai 2019 par la SARL ALTER ECO 63,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 août 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la SARL ALTER ECO 63 demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer nul et de nul effet le jugement du conseil de prud'hommes en date du 4 octobre 2018 qui a statué ultra petita ;

- à titre subsidiaire, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré une partie des demandes de Monsieur DA C. recevables et en partie fondées ;

- dire qu'il y a lieu de considérer que Monsieur DA C. n'a pas fait l'objet d'un licenciement abusif ;

- dire qu'il y a lieu de considérer que la rupture du contrat de travail de Monsieur DA C. est intervenue durant la période d'essai ;

- débouter Monsieur DA C. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- la recevoir en sa demande reconventionnelle ;

- condamner Monsieur DA C. au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL ALTER ECO 63 présente l'argumentation qui suit. Monsieur DA C. confond la relation contractuelle qu'il avait avec la société ALTER ECO 63 et l'activité annexe entre lui, Monsieur G. et Monsieur A. afin de créer un prototype de remorque avec pour but final la création d'une société à vocation commerciale. Une société SAS JACK BUSCHMAN IMPORT a été créée entre Messieurs DA C. et G. le 14 avril 2017. Monsieur DA C. ne peut revendiquer la moindre rémunération concernant le travail qu'il a effectué, et ce conformément à l'acte sous seing privé du 8 avril 2015. Monsieur DA C. ne rapporte pas la preuve que la société ALTER ECO 63 lui aurait confié la mission de travailler sur le prototype alors qu'il était engagé en qualité de commercial. Si Monsieur DA C. a utilisé son temps de travail à cette fin c'est au détriment de la société ALTER ECO 63 et non à la demande de son employeur. Monsieur DA C. travaillait sur ce projet en dehors de son temps de travail pour la société ALTER ECO 63. Monsieur DA C. a reçu et signé le prolongement de sa période d'essai le 23 octobre 2015, essai se terminant en conséquence le 24 décembre 2015. La société ALTER ECO 63 lui a remis un courrier en main propre le 20 novembre 2015 pour lui préciser qu'il ne serait pas maintenu dans l'entreprise après le 24 décembre 2015. Le salarié l'a signé et accepté et n'a saisi la juridiction de première instance que près de deux ans après l'annonce de la rupture du contrat. Son accord est parfaitement matérialisé par sa signature. L'absence de mention « lu et approuvé ' bon pour accord » ne remet pas en cause l'accord express du salarié sur le renouvellement puis la fin de la période d'essai. Une partie des demandes de Monsieur DA C. est irrecevable comme celles tenant au rappel de salaire, à la requalification sollicitée et du travail dissimulé. Les conseillers prud'homaux ont statué sur des prétentions qui ne leur ont pas été soumises, ce qui constitue un excès de pouvoir. Le salarié n'a pas demandé à ce que soit constatée la nullité ou la remise en cause de la notification du renouvellement de la période d'essai. Le jugement doit être déclaré nul. Monsieur DA C. ne s'est pas retrouvé au chômage après la rupture, il occupe un poste de président au sein de son association FORMAROC de manière bénévole ainsi qu'une activité de photographe et vidéaste professionnel. Il était aussi photographe accompagnateur au sein de la société OSM'OZ. La procédure judiciaire engagée par Monsieur DA C. est parfaitement dilatoire et infamante. La SARL ALTER ECO 63 sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts eu égard à l'amitié de longue date entre Monsieur DA C. et Monsieur A. et les fausses allégations désobligeantes et blessantes soutenues par Monsieur DA C..

Dans ses dernières écritures, Monsieur Carlos DA C. demande à la cour de :

- débouter la SARL ALTER ECO 63 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 octobre 2018 en ce qu'il a débouté la SARL ALTER ECO 63 de sa demande reconventionnelle ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la rupture de son contrat de travail en date du 24 décembre 2015 est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SARL ALTER ECO 63 au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

- dire que, sur la relation de travail du 2 mars 2015 au 24 décembre 2015, le salarié doit se voir attribuer le niveau G de la convention collective applicable ;

- à titre principal, condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer les sommes suivantes :

* pour la période courant du 2 mars 2015 au 2 juin 2015 : 1.395,81 euros à titre de rappel de salaire sur qualification et 139,58 euros au titre des congés payés afférents,

* pour la période courant du 3 juin 2015 au 24 août 2015 : 6.692,22 euros à titre de rappel de salaire et 669,22 euros au titre des congés payés afférents, outre 2.475,27 euros à titre d'indemnité de requalification,

* pour la période courant du 25 août 2015 au 24 décembre 2015 : 1.876,58 euros à titre de rappel de salaire sur qualification et 187,65 euros au titre des congés payés afférents ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait rejeter la demande tendant à l'attribution du niveau G de la convention collective, condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer les sommes suivantes pour la période courant du 3 juin au 24 août 2015 : 2.010 euros à titre d'indemnité de requalification, 5.494 euros à titre de rappel de salaire et 549,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- à titre principal, sur la rupture du contrat de travail au 24 décembre 2015, réformant le quantum des condamnations tenant à la rupture abusive du contrat de travail, condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer les sommes suivantes : 2.475,27 euros à titre d'indemnité de préavis (art 8.1 CCN), 2.475,27 euros à titre de l'inobservation de la procédure de licenciement : 2.475,27 euros, 14.851,62 euros au titre d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- constater la reprise de la relation de travail aux mêmes conditions après la rupture, sur la période courant du 25 décembre 2015 au 15 décembre 2016 ;

- sur la période courant du 25 décembre 2015 au 15 décembre 2016, condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer les sommes suivantes : 28.465,60 euros à titre de rappel de salaire et 2.846,56 euros au titre des congés payés afférents ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date d'effet du 15 décembre 2016, faute de paiement des salaires ;

- condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer les sommes suivantes :

* à titre d'indemnité de préavis (art 8.1 CCN) : 2.475,27 euros,

* à titre d'indemnité de licenciement : 825,08 euros,

* au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 14.851,62 euros ;

- condamner la SARL ALTER ECO 63 à lui payer, au titre du travail dissimulé, la somme de 14.851,62 euros ;

- indiquer le salaire de référence en application de l'article R.1454-28 du contrat de travail ;

- ordonner à la SARL ALTER ECO 63 de lui transmettre les bulletins de salaire correspondants, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 5eme jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

- condamner la SARL ALTER ECO 63 aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer, au titre de la procédure d'appel, somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Carlos DA C. présente l'argumentation qui suit. La demande de nullité du jugement formée in limine litis par la SARL ALTER ECO 63 est dépourvue de tout fondement juridique. Le conseil de prud'hommes n'a pas statué ultra petita. Sa qualification contractuelle ne correspondait pas à son activité principale ni aux responsabilités importantes qui lui étaient confiées. Il devait mettre en œuvre la réalisation du prototype de remorque et organiser sa commercialisation future. Le niveau D de la convention collective ne correspond pas aux tâches et responsabilités confiées. Son employeur lui faisait occuper la majorité de son temps à la mise au point et à la réalisation du prototype de remorque ainsi qu'à la commercialisation et à la promotion du produit. Le minium salarial conventionnel correspondant à son niveau de qualification est de 2.475,27 euros soit un différentiel de 465,27 euros par mois. La lettre cosignée en date du 8 avril 2015 limite l'absence de rémunération aux recherches graphiques et documentaires qui ont déjà été effectuées à la date de la signature de la lettre. Les sommes qu'il sollicite correspondent à des travaux qu'il a accomplis pour le compte de la SARL ALTER ECO pendant son temps de travail et à la demande de son employeur. Sur la poursuite du contrat de travail du 3 juin au 24 août 2015, malgré l'arrivée à terme du contrat à durée déterminée du 2 juin 2015, il a continué à travailler durant 3 mois en espérant voir réaliser les promesses d'embauche de son employeur ce qui constitue un travail dissimulé.

Le motif invoqué sur le contrat à durée déterminée du 2 mars au 2 juin 2015 est purement factice. Monsieur A. lui avait promis de l'embaucher à un poste de responsable développement et vente de remorques de loisirs au sein d'une nouvelle filiale de la société en cours de création. La rupture de son contrat de travail est abusive, la rupture de la période d'essai ainsi que son premier renouvellement ne lui ont jamais été régulièrement notifiés. La période d'essai ne se justifiait pas en raison de son précédent contrat dans l'entreprise durant 5 mois. La rupture de la période d'essai doit être explicite. La rupture qui ne repose sur aucune motivation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Il n'a pas souvenir qu'on lui ait présenté et avoir signé la prolongation de sa période d'essai en date du 23 octobre 2015. L'employeur ne justifie pas de lui en avoir remis un exemplaire. La mention « lu et approuvé » est manquante. La signature de la lettre de rupture de la part du salarié n'emporte pas reconnaissance du bien-fondé de cette rupture. L'entreprise compte moins de 11 salariés et il avait moins de 2 ans d'ancienneté. Les indemnités pour licenciement irrégulier et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont cumulables. Les condamnations qui lui ont été allouées sont pour des montants inférieurs à celles qui étaient réclamées. Il a poursuivi ses activités sans rémunération à la suite de la rupture de son contrat de travail de janvier à décembre 2016 eu égard aux promesses de son employeur, dans l'espoir d'une régularisation de sa situation et sa situation financière précaire. Il n'avait aucune maîtrise des conditions matérielles d'exercice de son activité qu'il exerçait dans les locaux de la société ALTER ECO 63. Cette dernière était la seule et unique bénéficiaire de cette opération. Il a subi un préjudice considérable que le juge est fondé à apprécier librement. Les allocations chômage perçues sont très modestes. Il est arrivé en fin de droits de chômage au 30 avril 2018. Son employeur doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, la saisine de la juridiction prud'homale est un droit fondamental qui ne justifie pas que le salarié soit condamné au versement d'une indemnité réparatrice à son adversaire.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.

MOTIFS

- Sur les relations entre les parties -

En l'espèce, deux versions contradictoires sont données s'agissant des relations entre la société ALTER ECO 63 d'une part, ou Monsieur Camel A. agissant en qualité de dirigeant de cette entreprise, et Monsieur Carlos DA C. d'autre part, pendant la période considérée (mars 2015 à décembre 2016), même si tous deux conviennent au moins être, ou avoir été, des amis depuis l'enfance.

Monsieur Carlos DA C. avait une activité de photographe ou vidéaste ou accompagnateur photo, exercée notamment par le biais d'une association FORMAROC et d'une société OSMOZ.

Monsieur Camel A. était le gérant d'une société ALTER ECO 63 dont l'activité était centrée sur la pose de fenêtres et autres équipements dans le bâtiment, avec ensuite une tentative de développement dans le secteur des alarmes et la vidéo-protection.

Monsieur Jean-Louis G. dirigeait une société JLG CONSULTING, sans autre précision.

Il n'est pas contesté que Monsieur Carlos DA C., Monsieur Camel A. et Monsieur Jean-Louis G., qui entretenaient alors des relations d'amitié, ont souhaité développer ensemble un projet de conception d'une remorque de loisir, avec l'espoir de pouvoir ensuite commercialiser ce produit si leurs recherches, études et travaux aboutissaient.

Monsieur Carlos DA C. soutient toutefois que pendant la période de mars 2015 à décembre 2016, il a presque exclusivement travaillé sur ce projet de remorque de loisir dans le cadre d'un contrat de travail, ou d'une relation salariale, le liant à la société ALTER ECO 63, en tout cas sous les ordres ou directives de Monsieur Camel A. agissant en qualité de dirigeant de la société ALTER ECO 63. Il désigne donc la société ALTER ECO 63 comme son employeur pendant toute la période considérée. Il relève le caractère fictif (ou très secondaire) du contrat à durée déterminée et du contrat à durée indéterminée susvisés dans la mesure où il indique avoir très peu oeuvré dans le cadre des emplois mentionnés dans les contrats de travail et avoir en fait toujours travaillé sur le projet de remorque pour le compte de son employeur.

La société ALTER ECO 63, représentée par Monsieur Camel A., soutient que les contrats de travail signés avec Monsieur Carlos DA C. n'étaient nullement fictifs et ont été exécutés de façon effective du 2 mars 2015 au 2 juin 2015 puis du 25 août 2015 au 24 décembre 2015, selon les termes contractuels, même si le salarié ne consacrait probablement pas un véritable temps plein à son employeur. L'employeur indique que si Monsieur Carlos DA C. continuait parallèlement à travailler sur leur projet commun de remorque, c'était hors contrat de travail et nullement sous les directives de la société ALTER ECO 63. Il affirme que le projet de développement de la remorque était une activité exercée par les trois associés en dehors de leurs autres occupations professionnelles et sans rapport avec la société ALTER ECO 63.

En l'absence de définition légale, la jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre (personne morale ou physique) moyennant rémunération.

Cette définition fait apparaître trois éléments :

- la prestation de travail, qui peut avoir pour objet les tâches les plus diverses (travaux manuels, intellectuels, artistiques...), dans tous les secteurs professionnels ;

- la rémunération, contrepartie de la prestation de travail, peu importe qu'elle soit versée en argent ou en nature et calculée au temps, aux pièces ou à la commission ;

- la subordination juridique, critère décisif pour lequel la jurisprudence donne une définition commune au droit du travail et de la sécurité sociale.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. La subordination juridique est un critère spécifique et fondamental du contrat de travail. La dépendance économique ou les liens économiques ne caractérisent pas à eux-seuls l'existence d'un contrat de travail, la subordination économique ne pouvant être assimilée à la subordination juridique. Le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur, qui marque l'existence d'un lien de subordination, peut apparaître à travers différentes contraintes ou obligations imposées par l'employeur (lieu de travail, horaires, fourniture du matériel, mise à disposition du personnel, intégration à une service organisé etc.) qui constituent des simples indices en la matière.

De l'existence d'un contrat de travail résulte la qualité de salarié qui permet au travailleur de bénéficier de la protection des lois sociales. C'est l'existence d'un contrat de travail qui permet l'application de la réglementation du travail aux relations contractuelles et confère à chacune des parties la qualité d'employeur et de salarié.

Il convient donc de distinguer le contrat de travail de contrats voisins tels que notamment : - le contrat de mandat par lequel une personne confie à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom et pour son compte ; - le contrat de société par lequel deux personnes ou plus conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager les bénéfices en résultant ; - le contrat d'entreprise par lequel une partie s'engage à accomplir pour l'autre un travail déterminé moyennant un prix convenu, en dehors de tout lien de subordination.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. Toutefois, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve. Mais des bulletins de paie établis par un tiers ne créent pas l'apparence d'un contrat de travail. La preuve du contrat de travail est libre. Tous les procédés de preuve peuvent donc être utilisés et tout élément matériel peut être pris en compte.

À la lecture des nombreuses pièces versées aux dossiers, nonobstant la complexité des relations entre les protagonistes, mélange apparemment instable de relations amicales et professionnelles, la cour est en mesure d'effectuer les constats ou appréciations qui suivent.

Primo, pendant les périodes visées par le contrat de travail à durée déterminée (2 mars 2015 au 2 juin 2015) et le contrat de travail à durée indéterminée (25 août 2015 au 24 décembre 2015) précités, Monsieur Carlos DA C. a bien exercé une activité professionnelle pour le compte de la société ALTER ECO 63 conformément aux postes ou emplois mentionnés dans les contrats de travail, c'est-à-dire dans le cadre de la commercialisation, la vente et l'installation d'alarmes et d'équipements de vidéo-protection. Cela résulte de nombreux bons de commande, mails, documents de démarchage, de publicité et d'installation, mais également de plusieurs témoignages. Cette activité n'était donc pas fictive mais réelle. La cour n'est pas en mesure de déterminer si cette activé salariale conforme aux mentions des contrats de travail occupait Monsieur Carlos DA C. à temps complet ou partiel. Par contre, la cour ne trouve pas d'éléments permettant de retenir que Monsieur Carlos DA C. aurait travaillé pour le compte de la société ALTER ECO 63 dans le cadre de la commercialisation, la vente et l'installation d'alarmes et d'équipements de vidéo-protection en dehors des périodes du 2 mars 2015 au 2 juin 2015 puis du 25 août 2015 au 24 décembre 2015.

Secundo, il résulte également de plusieurs témoignages (MORTHON, VERMOREL, PORTIER, BERTRAND...) que Monsieur Carlos DA C., Monsieur Camel A. et Monsieur Jean-Louis G. avaient la commune intention de travailler, à égalité et en association, sur un projet commun de conception, développement et fabrication d'une remorque de loisir. Cette collaboration entre les trois amis d'alors sur le projet de remorque baptisé 'NOMAD TRAILER', ou parfois 'NO MAD TRAILER', aurait débuté en septembre 2014 (cf courrier du 15 décembre 2016 de Carlos DA C. à Camel A.). Dans un document sous seing privé signé daté du 8 avril 2015, ces amis d'alors attestent d'ailleurs tous les trois de cette affectio societatis s'agissant d'un projet relevant dans un premier temps de l'ingénierie, mais avec un espoir commun d'arriver à un développement commercial rémunérateur. Dans le même document, ils affirment leur volonté de mener ce projet, et si possible de commercialiser leur produit commun en créant dans l'avenir une société commerciale spécifique, sans rapport ou lien avec leurs autres activités professionnelles et les sociétés, associations ou structures ALTER ECO 63, JLG CONSULTING et FORMAROC. Cette affectio societatis sur le projet de remorque apparaît également clairement et de façon constante dans les échanges écrits (lettres, courriels...) entre Monsieur Camel A. et Monsieur Carlos DA C.. Des dissensions sont apparues ensuite entre Monsieur Camel A. d'une part, Monsieur Carlos DA C. et Monsieur Jean-Louis G. d'autre part, s'agissant notamment de l'entreprise à laquelle confier la construction de la remorque (le premier voulant sous-traiter avec l'entreprise française ROCHER, les deux autres préférant une entreprise espagnole moins chère) et la structure juridique devant encadrer le développement commercial du projet de remorque. Cette rupture entre Monsieur Camel A. et Monsieur Carlos DA C. sur le projet de remorque apparaît très clairement à la lecture de certains de leurs échanges écrits, notamment en décembre 2015. Monsieur Camel A., apparemment celui qui aurait financé l'essentiel du projet de remorque dans un premier temps, a envisagé de créer une filiale de la société ALTER ECO 63 pour assurer la future commercialisation de la remorque de loisir. Toutefois, la société ALTER ECO 63 n'a en tout état de cause pas créé de filiale, NOMAD TRAILER ou autres, pour intégrer ou prendre en charge le projet portant sur la remorque de loisir.

Finalement, une scission des associés s'est opérée, Monsieur Carlos DA C. et Monsieur Jean-Louis G. créant de leur coté, sans y associer Monsieur Camel A., une SAS JACK BUSHMAN IMPORT (Monsieur Carlos DA C. étant président, Monsieur Jean-Louis G. étant directeur général / siège social à CLERMONT-FERRAND) en avril 2017 avec notamment pour objet la création, l'aménagement et la commercialisation de biens, matériels et véhicules liés aux sports et activités de plein air, de camping et de bivouac, ce qui peut englober le projet de remorque de loisir. Ainsi, pendant la période considérée (mars 2015 à décembre 2016), s'agissant du projet de conception et de commercialisation d'une remorque de loisir, l'apparence est bien celle d'une intention commune de s'associer à égalité (affectio societatis ou contrat de société) entre Monsieur Camel A. et Monsieur Carlos DA C. et non d'une relation employeur-salarié en exécution d'un contrat de travail.

Tertio, il résulte de plusieurs témoignages que Monsieur Carlos DA C. a effectivement travaillé sur le projet de remorque susvisé pendant la période considérée (mars 2015 à décembre 2016), y compris pendant les périodes où il était lié par un contrat de travail à durée déterminée puis un contrat de travail à durée indéterminée à la société ALTER ECO 63, et ce alors en parallèle avec son emploi de technicien ou vendeur-installateur de systèmes d'alarme et de vidéo protection (cf supra). Dans ce cadre, Monsieur Carlos DA C. a parfois effectué des démarches alors qu'il était dans les locaux de la société ALTER ECO 63 et utilisé certains moyens (ordinateurs, mails, téléphone..) de cette entreprise. De même des discussions et réunions entre les trois associés, ou le plus souvent entre Monsieur Camel A. et Monsieur Carlos DA C., ont eu lieu à propos du projet de remorque tant dans les locaux de la société ALTER ECO 63 qu'avec les moyens de communications de cette entreprise. Il est également établi que Monsieur Camel A., en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63, a contracté avec une entreprise ROCHER en avril-mai 2015 pour faire fabriquer un prototype de la remorque, ce qui a entraîné ensuite un litige commercial puis un contentieux judiciaire avec le sous-traitant. Une expertise a été ordonnée et Monsieur Carlos DA C. se serait présenté à l'expert comme directeur commercial ou chargé du projet remorque de la société ALTER ECO 63. Cette implication ponctuelle de Monsieur Camel A. agissant en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63, et non à titre personnel, dans le financement de la conception du prototype est intervenue à une époque où il était envisagé, par un ou plusieurs associés, de créer une filiale ''NOMAD TRAILER' de la société ALTER ECO 63 pour prendre en charge la finalisation ou commercialisation du projet de remorque. Il est d'ailleurs produit une promesse d'embauche signé par Monsieur Camel A., en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63, en date du 24 juin 2015 mentionnant que Monsieur Carlos DA C. intégrera la nouvelle filiale de la société ALTER ECO 63, la société 'NOMAD TRAILER' en voie de création, dès le 24 août 2015 en tant que responsable développement et vente de remorques de loisirs, mais ce projet n'a pas connu de suite sur le plan juridique. Toutefois, ces quelques indices avancés par Monsieur Carlos DA C. ne résistent pas à l'analyse des relations entre les protagonistes s'agissant du projet de remorque.

En effet, il résulte de la lecture des très nombreux échanges (lettres et mails) entre les parties à l'époque considérée que le travail de Monsieur Carlos DA C. sur le projet de remorque n'a jamais été effectué sous les ordres ou les directives de la société ALTER ECO 63 ou de Monsieur Camel A. agissant en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63. De même, les nombreuses démarches et opérations réalisées par Monsieur Carlos DA C. pour faire avancer le projet commun de remorque n'ont jamais été réalisées sur les instructions de la société ALTER ECO 63, ou de Monsieur Camel A. agissant en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63, mais toujours de façon autonome ou après concertation avec ses deux associés ou son associé le plus proche physiquement, Monsieur Camel A.. Enfin, les conditions dans lesquelles Monsieur Carlos DA C. a travaillé sur le projet de remorque n'ont jamais été imposées ou encadrées par la société ALTER ECO 63 ou Monsieur Camel A. agissant en qualité de gérant de la société ALTER ECO 63. Monsieur Carlos DA C. n'a jamais été intégré dans un service organisé de la société ALTER ECO 63 au titre du projet de remorque. Il apparaît ainsi que si Monsieur Camel A. a pu tolérer ou même proposer, et non subir comme il le prétend, que Monsieur Carlos DA C. travaille sur le projet commun de remorque, en parallèle avec son emploi réel de technicien-vendeur- installateur d'alarmes et d'équipements de vidéo-protection pour le compte de la société ALTER ECO 63 du 2 mars 2015 au 2 juin 2015 puis du 25 août 2015 au 24 décembre 2015, en utilisant certains moyens ou biens de la société ALTER ECO 63, il ne s'est jamais comporté comme un employeur dans ce cadre mais toujours en associé.

Vu les principes et observations susvisés, en l'absence de lien de subordination caractérisé entre Monsieur Carlos DA C. et la société ALTER ECO 63 s'agissant du travail effectué par l'intimé sur le projet de remorque pendant la période considérée (mars 2015 à décembre 2016), Monsieur Carlos DA C. sera débouté de toutes ses demandes en rapport avec la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail le liant à la société ALTER ECO 63 dans ce cadre.

Monsieur Carlos DA C. sera donc débouté de ses demandes de rappel de salaires au titre de l'exécution d'un contrat de travail avec la société ALTER ECO 63 pour la période du 2 mars 2015 au 15 décembre 2016, d'indemnités pour travail dissimulé, de résiliation judiciaire, de documents rectifiés dans ce cadre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

- Sur la classification -

Le contrat à durée déterminée signé par les parties le 2 mars 2015 mentionne que Monsieur Carlos DA C. est embauché par la SARL ALTER ECO 63 en qualité de technicien alarmes et vidéo-protection (catégorie employé, niveau D), avec un salaire brut mensuel contractuel de base de 2.010 euros. Le contrat de travail mentionne que Monsieur Carlos DA C. est embauché pour remplacer partiellement Monsieur Camel A., le gérant de l'entreprise, sur la commercialisation et l'installation de systèmes d'alarmes et vidéo-protection, alors que Monsieur A. s'occupera pendant cette période de développer le créneau 'véranda'.

Il est précisé que Monsieur DA C. prospectera, commercialisera, installera des systèmes d'alarmes et vidéo-protection.

Les bulletins de paie et documents de fin de contrat établis par l'employeur pour la période d'emploi de Monsieur DA C., soit du 2 mars 2015 au 2 juin 2015, sont conformes aux mentions du contrat de travail à durée déterminée.

Le contrat à durée indéterminée non daté signé par les parties mentionne que Monsieur DA C. est engagé par la SARL ALTER ECO 63 à compter du 25 août 2015, à temps plein, en qualité de vendeur (catégorie employé niveau A), avec un salaire brut mensuel contractuel de base de 2.010 euros. Le contrat de travail indique que le salarié occupera un poste de vendeur pour assurer la vente et l'installation de systèmes d'alarme et de vidéo protection.

Les bulletins de paie et documents de fin de contrat établis par l'employeur pour la période d'emploi de Monsieur DA C., soit du 25 août 2015 au 24 décembre 2015, sont conformes aux mentions du contrat de travail à durée indéterminée.

Lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées par ce salarié. Le juge doit donc comparer les fonctions réellement exercées par le salarié à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l'emploi occupé ou exercé par ce salarié. Le juge peut ainsi rectifier la qualification du salarié en faveur comme au détriment de celui-ci. Un salarié ne peut pas revendiquer une qualification professionnelle subordonnée à un diplôme qu'il n'a pas ou à des fonctions qu'il n'exerce pas.

Il appartient au salarié d'établir que les fonctions qu'il exerce réellement correspondent à la classification revendiquée.

Le juge doit appliquer les dispositions des conventions collectives à la lettre et ne peut les dénaturer. Lorsque la convention collective prête à interprétations, le juge fait prévaloir la classification qui se rapproche des fonctions exercées par le salarié. Si l'emploi ou le poste occupé par le salarié n'est pas prévu par la convention collective, le classement se fait au niveau correspondant au poste le plus proche.

En cas de litige, il appartient donc au juge d'apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié.

En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minium conventionnel afférent à ce coefficient et à des dommages-intérêts s'il justifie d'un préjudice particulier, comme la perte d'une partie de ses droits à retraite.

Vu les attendus qui précèdent, Monsieur Carlos DA C. fondant ses demandes de reclassification sur la seule argumentation selon laquelle il aurait effectué des tâches de mise au point et de réalisation du prototype de remorque ainsi que de commercialisation et de promotion de ce produit pour le compte de la SARL ALTER ECO 63, et ce dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'intimé sera débouté de toutes ses demandes de rappel de salaires sur classification et de documents rectifiés dans ce cadre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

- Sur la rupture du contrat de travail -

En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée prévoit une première période d'essai de deux mois à compter du 25 août 2015, renouvelable une fois.

Selon courrier daté du 23 octobre 2015, l'employeur s'adressait à Monsieur DA C. dans les termes suivants : 'Conformément à votre contrat de travail, nous vous signalons que votre période d'essai est prolongée de deux mois. Elle se terminera par conséquence le 24 décembre 2015". Ce courrier présente une signature sous le nom de Monsieur DA C. pré-imprimé par l'employeur, mais aucune mention écrite de la main du salarié, alors que le courrier précise bien que le salarié doit apposer la mention « Lu et approuvé - Bon pour accord ». Il n'est pas mentionné de remise en main propre de ce courrier non recommandé.

Selon courrier daté du 20 novembre 2015, l'employeur s'adressait à Monsieur DA C. dans les termes suivants : « Vous avez intégré notre entreprise en tant que vendeur depuis le 25 août 2015. Votre contrat prévoit une période d'essai de deux mois, renouvelable une fois. Nous sommes au regret de vous informer que cet essai n'est pas concluant. Par conséquent, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat à compter du 24 décembre 2015... » Ce courrier présente une signature sous le nom de Monsieur DA C. pré-imprimé par l'employeur mais aucune mention écrite de la main du salarié. Il est mentionné une remise en main propre du salarié en date du 20 novembre 2015.

La période d'essai, qui se situe nécessairement au début de l'exécution du contrat de travail, permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié et à ce dernier d'apprécier si ses fonctions lui conviennent.

Facultative, la période d'essai constitue une première phase du contrat de travail durant laquelle l'une ou l'autre des parties peut en principe décider de rompre la relation contractuelle sans indemnité, ni motif ou procédure particulière (sauf respect d'un délai de prévenance, ou préavis, et sauf abus), sauf stipulations conventionnelles contraires ou statut protecteur particulier.

Excepté cette liberté de rupture, le contrat de travail reçoit pleine application dès l'engagement.

Les parties ne peuvent pas différer le début de la période d'essai, même si le contrat de travail débute par une période de formation.

L'employeur ne peut pas prévoir une période d'essai s'il a déjà pu tester le salarié antérieurement, notamment les compétences de celui-ci. Dans ce cas, la stipulation d'une période d'essai est abusive et une rupture intervenue à l'initiative de l'employeur au titre d'une rupture d'une période d'essai non opposable au salarié constituerait un licenciement abusif.

La période d'essai et la possibilité de renouveler celle-ci ne se présument pas et doivent être expressément prévues dès le début dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail. La période d'essai doit être fixée dans son principe et sa durée. La période d'essai n'est opposable au salarié que si celui-ci a signé le contrat de travail. Un engagement verbal exclut donc l'existence d'une période d'essai.

La durée initiale de la période d'essai ne peut pas excéder (code du travail) : - 2 mois pour les ouvriers et employés ; - 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ; - 4 mois pour les cadres. Ces durées ont un caractère impératif, sauf durées plus longues fixées par des accords de banche conclus avant le 26 février 2008, ou durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après cette date ou par lettre d'engagement ou par le contrat de travail.

Le renouvellement de la période d'essai a nécessairement pour objet d'apprécier les compétences du salarié. Est abusif le renouvellement systématique de l'essai ou prévu dès l'origine dans le contrat de travail.

La période d'essai peut être renouvelée, mais une seule fois, si un accord de branche étendu ainsi que la lettre d'engagement ou le contrat de travail en prévoient expressément la possibilité. L'accord de branche étendu fixe les conditions et les durées du renouvellement de la période d'essai. Si la convention collective ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d'essai, la clause contractuelle le prévoyant est nulle.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser (code du travail) : - 4 mois pour les ouvriers et employés ; - 6 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ; - 8 mois pour les cadres. Ces durées ont un caractère impératif, sauf durées plus longues fixées par des accords de banche conclus avant le 26 février 2008, ou durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après cette date ou par lettre d'engagement ou par le contrat de travail.

Le renouvellement de l'essai ne peut résulter que d'un accord exprès des parties, employeur et salarié, intervenu au cours de la période initiale d'essai. Si l'employeur entend renouveler la période d'essai, il doit le faire savoir au salarié avant l'expiration de la première période d'essai.

Même lorsqu'il est prévu par la convention collective de branche étendue et le contrat de travail, le renouvellement (ou la prolongation) de la période d'essai requiert l'accord exprès du salarié sollicité au cours de la période d'essai initiale. Ce renouvellement ne peut donc pas résulter d'une décision unilatérale de l'employeur. Les parties ne peuvent pas convenir d'un renouvellement ou d'une prolongation tacite de la période d'essai. L'accord du salarié concernant le renouvellement de la période d'essai est nécessaire et il doit être exprès, soit clair et non équivoque. L'accord du salarié ne saurait donc résulter de la seule poursuite de son activité, de sa passivité ou de son absence de réserve sur le contenu de la lettre l'avisant du renouvellement de la période d'essai, de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l'employeur. L'accord exprès du salarié quant au renouvellement de la période d'essai doit donc en principe être matérialisé par écrit.

L'accord exprès des parties concernant le renouvellement de la période d'essai doit impérativement intervenir avant le terme de la période d'essai initiale.

En cas de rupture du contrat de travail avant le terme de la période d'essai, les règles relatives à la résiliation du contrat à durée indéterminée (notamment le licenciement) ne sont pas applicables.

Les parties n'ont donc pas en principe à motiver leur décision de rompre le contrat de travail avant le terme de la période d'essai et elles ne sont tenues à aucune obligation d'ordre procédural, sous réserve du respect du délai de prévenance.

Toutefois, pour des questions de preuve, il est nécessaire de notifier la rupture de la période d'essai soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par remise en main propre au salarié en double exemplaire, avec mention de la date de remise. La date de la rupture se situe au jour de l'envoi ou de la remise de cette lettre. En tout état de cause, la rupture du contrat de travail doit être explicite.

Il ne peut être valablement convenu que le contrat de travail prendra fin du seul fait de l'arrivée à son terme de l'essai, ou en cas de refus du salarié de prolonger la période d'essai.

La rupture de l'essai ne saurait se réduire à l'envoi au salarié de l'attestation Pôle Emploi ou à une déclaration orale en présence du personnel de l'entreprise.

La rupture du contrat de travail en cours d'essai met fin aux relations de travail sans effacer rétroactivement les obligations des parties.

La rupture de l'essai doit impérativement être portée à la connaissance du salarié avant l'expiration de la période d'essai. La notification de la rupture du contrat de travail intervenant après l'expiration de la période d'essai donne à cette rupture la nature d'un licenciement, cette rupture étant alors requalifiée en licenciement prononcé sans observation de la procédure légale de licenciement et nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute d'une lettre de licenciement motivée et dûment notifiée.

À titre liminaire, la société ALTER ECO 63 conclut que la cour doit déclarer nul et de nul effet le jugement du conseil de prud'hommes du 4 octobre 2018 en ce qu'il a statué ultra petita sur la question de la rupture du contrat de travail puisqu'en première instance Monsieur Carlos DA C. ne contestait que la notification du renouvellement de la période d'essai et non son acceptation.

Il y a ultra petita ou extra petita lorsque le juge se prononce sur ce qui n'est pas demandé ou sur plus qu'il n'est demandé. Le fait de statuer sur une chose non demandée, s'il ne s'accompagne pas d'une autre violation de la loi, par exemple une violation du principe du contradictoire, ne constitue pas une nullité mais une irrégularité qui ne peut être réparée et ne peut donner lieu qu'à la procédure prévue par l'article 464 du code de procédure civile. En cas d'appel, une partie peut relever le fait que le premier juge s'est prononcé ultra petita dans le cadre d'une demande de réformation.

En outre, en première instance, Monsieur Carlos DA C. contestait la régularité ou validité de la notification du renouvellement de la période d'essai et soutenait qu'en conséquence la rupture du contrat de travail était intervenue après la fin de la période d'essai, ce qui incluait la question de l'acceptation exprès par le salarié du renouvellement de la période d'essai. Le premier juge n'a donc pas statué ultra petita.

Surabondamment, cette question de l'ultra petita est inopérante dans le cadre d'une procédure d'appel-réformation où les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins ou lorsqu'elles étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge, alors que les parties peuvent également en cause d'appel, d'une part, ajouter des demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions de première instance, d'autre part, invoquer des moyens nouveaux.

Nonobstant la question litigieuse de l'auteur de la signature apposée sur le courrier daté du 23 octobre 2015 sous le nom de Monsieur DA C. pré-imprimé par l'employeur, vu les principes susvisés, il n'est pas justifié en l'espèce d'un accord exprès du salarié concernant le renouvellement de la période d'essai, la seule apposition par le salarié de sa signature sur un document établi par l'employeur l'avisant du renouvellement de la période d'essai étant insuffisante à caractériser un accord clair et non équivoque. En conséquence, ce renouvellement de la période d'essai est inopposable à Monsieur Carlos DA C. et il échet de constater que l'essai a pris fin le 25 octobre 2015.

La notification de la rupture du contrat de travail est donc intervenue en l'espèce après l'expiration de la période d'essai. La rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur DA C. constitue en conséquence un licenciement prononcé sans observation de la procédure légale de licenciement et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Comme suite à la rupture du contrat de travail, Monsieur Carlos DA C.a perçu des allocations de chômage de la part de Pôle Emploi (418,21 euros pour la période du 18 juin 2015 au 30 juin 2015), pouvant prétendre à 615 allocations journalières. Monsieur Carlos DA C.a déclaré fiscalement un revenu de 16.855 euros pour l'année 2015, un revenu de 11.973 euros pour l'année 2016, un revenu de 11.932 euros pour l'année 2017, un revenu nul en 2018.

Le salaire de référence (mensuel brut) de Monsieur Carlos DA C. est de 2.010 euros et celui-ci a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant équivalent à un mois de salaire.

Monsieur Carlos DA C. ayant moins de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, il est en droit de cumuler indemnité pour procédure irrégulière de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu du montant du salaire mensuel brut du salarié (cf supra), de l'âge de Monsieur Carlos DA C. au jour du licenciement (49 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (quelques mois), il lui sera alloué la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 2.010 euros pour irrégularité de procédure.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

- Sur l'abus de droit -

La SARL ALTER ECO 63 fait valoir que la procédure judiciaire engagée par Monsieur DA C. est parfaitement dilatoire et infamante, que l'intimé a trahi son ami de longue date, Monsieur A., avec des allégations désobligeantes et blessantes.

En première instance comme en appel, il n'est pas démontré que Monsieur DA C. ait agi dans une intention dilatoire ou fait dégénérer en abus l'exercice de recours et que la société ALTER ECO 63 ait subi dans ce cadre un préjudice ouvrant droit à réparation. En conséquence, la société ALTER ECO 63 sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société ALTER ECO 63, qui succombe au principal en son recours sur la question de la rupture du contrat de travail, sera condamnée aux entiers dépens d'appel. En équité, il n'y a pas lieu en l'espèce à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Réformant, condamne la SARL ALTER ECO 63 à payer à Monsieur DA C. les sommes suivantes au titre de la rupture du contrat de travail : 2.010 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.010 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

- Condamne la société ALTER ECO 63 aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires..