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Décisions

Cass. 3e civ., 25 juin 2003, n° 01-15.364

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Saint-Denis la Réunion, ch. civ., du 11 …

11 mai 2001

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 11 mai 2001), que les consorts Ismaël X... (les consorts X...) ont donné à bail pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 1979 divers locaux à usage commercial à la société compagnie Bordelaise de la Réunion (la compagnie Bordelaise) ; que le bail s'est poursuivi au-delà de son terme par tacite reconduction ; que, le 10 juin 1989, les parties ont conclu un nouveau bail ; que, par acte du 30 juin 1998, les bailleurs ont fait assigner la compagnie Bordelaise aux fins de voir constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, obtenir son expulsion et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et d'un arriéré de loyers et de charges ; que la compagnie Bordelaise s'est opposée à ces prétentions et, reconventionnellement, a demandé que le bail du 10 juin 1989 soit déclaré nul et que les bailleurs soient condamnés à lui rembourser diverses sommes ;

Attendu que la compagnie Bordelaise fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande reconventionnelle en nullité du bail et d'accueillir la demande principale des bailleurs, alors, selon le moyen, que tant qu'un congé ne lui a pas été délivré, le preneur a droit à la poursuite du bail au-delà du terme fixé par le contrat, ce, aux clauses et conditions du bail expiré ; que s'il est toujours possible de renoncer à un droit, fût-il d'ordre public, la renonciation ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté ; qu'au cas d'espèce, à défaut de tout congé délivré par le bailleur, la compagnie Bordelaise de la Réunion avait incontestablement droit à la poursuite du bail conclu le 29 juin 1979 aux clauses et conditions fixées par ce contrat ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait déclarer valable et efficace le nouveau bail conclu le 10 juin 1989, sans préciser les éléments desquels il résultait que le preneur avait abdiqué les droits qu'il tenait du statut protecteur des baux commerciaux ; que son arrêt n'est donc pas légalement justifié au regard de l'article L. 145-9 du nouveau Code de commerce (anciennement article 5 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953) ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'aucune disposition légale n'imposait aux parties de respecter une quelconque procédure comme la délivrance d'un congé dès lors qu'elles avaient décidé d'un commun accord de conclure un nouveau bail à des conditions différentes du précédent et que le bail du 10 juin 1989, dans lequel elles avaient fixé le nouveau prix du loyer sans référence à l'ancien, faisait la loi des parties, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que, si des infiltrations ayant endommagé à plusieurs reprises les locaux loués avaient été constatées, il résultait des pièces produites que les dommages avaient été minimes, que, lors de chaque sinistre, les bailleurs avaient effectué une déclaration à leur compagnie d'assurance et que les travaux destinés à remédier aux causes des infiltrations avaient été réalisés et ayant retenu qu'il résultait des plans et photographies que les quatre places de parking face à la vitrine existaient toujours sauf que le marquage au sol avait disparu en raison des travaux de voierie effectués par la commune auxquels le preneur avait donné son accord, la cour d'appel a souverainement déduit de ses constatations que le preneur ne pouvait invoquer l'exception d'inexécution dès lors qu'il ne s'était pas trouvé dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à la destination du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que le bail prévoyait dans la désignation des lieux la mise à disposition de parkings en façade et non de parkings situés à l'arrière, que ces emplacements existaient toujours sauf qu'ils étaient dépourvus de marquage et qu'il résultait du calcul précis gardé sur les actes de propriété que la mention portait sur 184/1000èmes, la cour d'appel, qui a effectué les recherches prétendûment délaissées et qui n'était pas tenue de suivre la compagnie Bordelaise dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la compagnie Bordelaise fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la restitution d'un trop-perçu de loyers et de charges chiffré à la somme de 353 803,50 francs, de constater la résiliation du bail, d'ordonner son expulsion et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1 / que l'action en répétition de sommes versées indûment à titre de loyers ou de charges locatives n'est pas soumise à la prescription abrégée des actions en paiement de loyers et de charges ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole, par fausse application, l'article 2277, alinéas 4, et 6, du Code civil ;

2 / que l'autorité de chose jugée ne s'étend qu'aux points qui ont été contradictoirement débattus par les parties ou sur lesquels les parties ont été, à tout le moins, à même de débattre lors de la précédente instance ; que dans son arrêt du 21 mars 1995, la cour d'appel de Saint-Denis se borne à statuer sur la révision triennale du loyer sans nullement prendre parti, ni sur la validité du bail conclu le 10 juin 1989, ni sur le bien-fondé de la récupération des charges opérée par le bailleur ;

qu'en décidant néanmoins que la fixation judiciaire du loyer par cet arrêt s'opposait à l'action en répétition qui puisait sa raison d'être dans la répercussion vicieuse des charges locatives et dans la nullité même du bail, points qui n'avaient pas même été abordés à l'occasion de la précédente procédure, la cour d'appel viole les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile, ensemble méconnaît les règles et principes qui gouvernent l'autorité de la chose jugée ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond que la compagnie Bordelaise avait chiffré sa demande en restitution d'un trop-perçu par référence aux loyers et charges qu'elle aurait dû acquitter en application du bail initial, que la cour d'appel ayant dit valable le nouveau bail conclu le 10 juin 1989 et fixé le montant des loyers et charges dus par la société locataire en fonction de ce bail, la demande en répétition de l'indû formée par la Compagnie Bordelaise se trouve par là même privée de son fondement juridique ; que, par ce motif de pur droit, substitué au motif erroné de la cour d'appel tiré de la prescription de l'action, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.