Cass. com., 10 novembre 2015, n° 14-20.301
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 avril 2014), que M. X... occupait, au sein du groupe Vacances bleues, des fonctions salariées auprès de la société Vacances bleues gestion ainsi que celles de membre du directoire de la société Vacances bleues holding et de directeur général de la société Vacances bleues patrimoine ; que par délibération du 16 octobre 2009, le conseil d'administration de la société Vacances bleues patrimoine a chargé sa présidente de procéder à l'acquisition d'un bien immobilier et de souscrire les emprunts et garanties nécessaires ; que la Société marseillaise de crédit (la SMC), établissement financier qui était déjà en relation avec le groupe, a été approchée pour l'octroi d'un cautionnement solidaire ; que ce cautionnement a été par la suite souscrit par M. X... auprès d'un autre établissement bancaire ; que la SMC a demandé le remboursement anticipé de trois prêts qu'elle avait accordés au groupe ; qu'à la suite de son licenciement et estimant avoir été révoqué sans juste motif et de manière abusive de ses fonctions de membre du directoire et de directeur général, M. X... a assigné les sociétés Vacances bleues patrimoine et Vacances bleues holding en indemnisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour révocation sans juste motif et abusive de ses fonctions de directeur général de la société Vacances bleues patrimoine alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au juge, pour retenir le bien fondé de la révocation pour justes motifs, de caractériser en quoi les agissements du mandataire sont de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les agissements de M. X... avaient mis en péril les bonnes relations de l'entreprise avec les banques historiques et notamment la Société marseillaise de crédit puisque celle-ci avait sollicité le remboursement prématuré de trois prêts eu égard au choix de la société de la banque Martin Maurel pour la constitution d'une caution ; qu'en se déterminant de la sorte, sans prendre en compte, comme elle y était pourtant invitée, la circonstance tirée de ce que le remboursement immédiat de trois prêts de 1 396 000 euros, 912 000 euros et 135 000 euros avait été demandé à des sociétés distinctes de la société Vacances bleues patrimoine, et à raison du retrait de la société Financière Duval du groupe Vacances bleues et de l'information tardive de changement d'actionnariat du groupe sans donc découler du choix d'une autre banque pour le cautionnement de l'acquisition de l'hôtel Royal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 225-55 du code de commerce ;
2°/ qu'il appartient au juge de caractériser en quoi les agissements du mandataire sont de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société ; qu'en l'espèce, en considérant que les agissements reprochés à M. X... étaient constitutifs d'un juste motif de révocation de son mandat au sein de la société Vacances bleues patrimoine, sans caractériser en quoi l'éventuel non-respect de la procédure pour la mise en place d'instruments de garantie avait eu pour effet de compromettre l'intérêt social de l'entreprise ou le fonctionnement de la société, quand les premiers juges avaient pourtant fait ressortir que M. X..., qui de par son mandat social de directeur général avait le pouvoir légal de signer les extraits de procès-verbaux, avait au contraire cherché à préserver au mieux les intérêts de la société et du groupe, et que l'utilisation d'une copie de la signature du représentant légal de la société était usuelle au sein du groupe et compréhensible vu l'urgence, sans que cela n'ait nullement porté atteinte à l'intérêt social, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
3°/ que les juges du fond sont tenus de procéder à l'analyse des documents régulièrement soumis à leur examen ; qu'en affirmant péremptoirement qu'aucun précédent d'utilisation des copies de signature pour des actes d'une certaine importance n'était caractérisé, cependant que M. X... versait aux débats deux courriels des 22 et 23 juillet 2009 relatifs à la mise en place d'un financement, desquels il ressortait que la responsable juridique avait modifié des extraits de procès-verbaux dans les mêmes conditions que celles reprochées à M. X... pour chercher à fonder sa révocation, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;
4°/ qu'en énonçant qu'aucune urgence ne justifiait le choix de la banque Martin Maurel, ni la confection du « faux » extrait de procès-verbal, puisque la caution devait être donnée au plus tard le 24 janvier 2010, et que la confection du procès-verbal avait été réalisé le 19 janvier 2010, sans rechercher comme elle y était invitée si la prise en compte du week-end et des délais d'expédition ne commandaient pas une telle urgence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
5°/ que le juge doit préciser la nature et l'origine des éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; que M. X... faisait valoir que la Société marseillaise de crédit devait faire une proposition de service, sans avoir été d'ores et déjà retenue comme établissement devant délivré la caution, aucune délibération n'actant en particulier un tel choix arrêté ; qu'en énonçant toutefois que M. X... ne pouvait sérieusement prétendre que la société Marseillaise de Crédit n'avait pas été choisie pour l'octroi de la garantie, dès lors que cette dernière l'avait informé dès le 17 décembre 2009 qu'elle traitait le dossier, sans à aucun moment indiquer de quel élément, notamment une délibération de la société Vacances Bleues Patrimoine, elle déduisait un supposé choix arrêté de recourir à la société Marseillaise de Crédit, quand ce point était contesté par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la faute justifiant le licenciement au titre des fonctions salariées ne peut pas constituer un juste motif de révocation des fonctions d'un membre du directoire ; qu'en considérant pourtant que les motifs invoqués à l'appui de la révocation de M. X... de son mandat de membre du directoire constituaient de justes motifs de révocation, cependant que les motifs invoqués à l'appui de la révocation étaient identiques à ceux figurant dans la lettre de licenciement de M. X... par la société Vacances bleues gestion, la cour d'appel a violé L. 225-61 du code de commerce.
Mais attendu, en premier lieu, que les motifs critiqués par la sixième branche concernent la révocation de M. X... de ses fonctions de membre du directoire de la société Vacances bleues holding ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que M. X... a souscrit le cautionnement à l'aide d'un procès-verbal de délibération du conseil d'administration qu'il avait confectionné et sur lequel figurait, reproduite par photocopie, la signature de la présidente de ce conseil ; qu'il relève que M. X... avait nécessairement connaissance de ce que cette dernière était seule habilitée à souscrire le cautionnement et n'avait pas donné son accord ; qu'il ajoute qu'aucune urgence ne justifiait le choix de la banque Martin Maurel et la confection du faux procès-verbal, que l'intérêt de la société Vacances bleues patrimoine et du groupe auquel elle appartenait ne justifiait pas davantage cet engagement au regard de ses conditions économiques et que les courriers et messages de la SMC font clairement ressortir la dégradation de ses relations avec le groupe Vacances bleues ainsi que le lien entre les agissements en cause et l'invocation de l'exigibilité anticipée de trois prêts ; qu'il en déduit que M. X... se voit à juste titre reprocher cette exigibilité ainsi que la dégradation de l'image du groupe auprès de la SMC ; qu'en l'état de ces motifs, déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a pu retenir que la révocation de M. X..., en qualité de directeur général de la société Vacances bleues patrimoine, était fondée sur un juste motif ;
D'où il suit que le moyen, partiellement inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour révocation sans juste motif et abusive en sa qualité de membre du directoire de la société Vacances bleues holding alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a estimé que les faits justifiant, selon elle, la révocation du mandat exercé par M. X... au sein de la société Vacances Bleues Patrimoine, justifiaient sa révocation du mandat exercé au sein de la société Vacances bleues holding, compte tenu de l'intégration du groupe et de la perte de confiance induite ; qu'il s'en évince que, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure sur le deuxième moyen, eu égard au lien de dépendance nécessaire unissant les chefs de dispositif visés par les deux moyens ;
2°/ que le fait reproché au mandataire doit lui être imputable, en relation avec ses fonctions et commis en cette qualité ; qu'en considérant que les répercussions des agissements de M. X... au sein de la société Vacances bleues patrimoine suffisaient à entraîner la perte de confiance à son égard dans les autres entités du groupe, notamment dans la société Vacances bleues holding, dès lors que le groupe était constituée de sociétés à spécificité purement fonctionnelle concourant toutes à la réalisation d'un objectif commun, quand le motif allégué était extérieur et sans lien avec la société Vacances bleues holding, et ne pouvait donc justifier la révocation de M. X... de son mandat exercé au sein de cette société, la cour d'appel a violé l'article L. 225-61 du code de commerce ;
3°/ que par des écritures demeurées sans réponse, M. X... faisait observer que le conseil d'administration de Vacances bleues patrimoine s'était réuni le 4 mars 2010 pour examiner les griefs qui lui étaient reprochés ; qu'il expliquait que cette réunion était ainsi intervenue huit jours après le conseil de surveillance de Vacances bleues holding du 24 février 2010 lequel justifiait la révocation suite à « la perte de confiance liée à des agissements dans une autre entité du groupe Vacances bleues », à savoir Vacances bleues patrimoine ; que M. X... déduisait de la circonstance que la réunion du surveillance de Vacances bleues holding soit intervenue huit jours avant celle du conseil d'administration de Vacances bleues patrimoine, qu'il était impossible de lui reprocher les agissements commis dans une autre société du groupe pour lesquels il n'avait pas été sanctionné ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant et de nature à démontrer que le motif invoqué par la société Vacances bleues holding était extérieur à cette société, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en décidant que la société Vacances bleues holding était fondée à reprocher à M. X... de manifester avec constance son désir de ne plus participer aux réunions du directoire dès lors qu'aucun démenti n'était rapporté à ce reproche, sans répondre aux motifs du jugement dont M. X... sollicitait la confirmation et par lesquels le premier juge avait retenu que le grief tiré des demandes répétées de ne plus participer aux réunions du directoire et les divergences de vue avec la politique générale de l'entreprise ne constituait pas un motif légitime de révocation puisque que M. X... avait accepté de participer aux réunions sur demande de la Présidente et se contentait de faire acte de présence, et que cette présence aux réunions sur demande de la présidente malgré des divergences de vues sur la politique de l'entreprise ne traduisait pas un désintérêt manifeste pour la gestion des affaires allant à l'encontre de l'intérêt social, d'autant qu'il s'était avéré par la suite que le partenariat avec Odalys n'avait été que de très courte durée et qu'il avait engendré de lourdes pertes financières pour le groupe Vacances bleues, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile ;
5°/ que la révocation d'un mandataire social est abusive si elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction, et l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ; que M. X... faisait valoir à ce titre devant la cour d'appel qu'il avait été convoqué à une réunion du conseil de surveillance de Vacances bleues holding le 24 février 2010 portant sur sa révocation, qu'il avait sollicité l'accès à ses dossiers pour préparer sa défense, mais qu'il n'avait obtenu une réponse que le 26 février 2010, soit postérieurement à la date fixée pour la réunion, d'où il s'évinçait qu'il n'avait pu préparer régulièrement et loyalement sa défense ; qu'en décidant que M. X... soutenait en vain de pas avoir pu préparer sa défense, au motif inopérant qu'il ne précisait pas quel document il n'aurait pu consulter qui l'aurait fait échapper de manière certaine à une sanction, sans faire ressortir qu'il avait effectivement pu consulter son dossier avant la réunion au cours de laquelle sa révocation a été examinée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-61 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que la société Vacances bleues holding appartenait à un groupe de sociétés concourant à la réalisation d'un objectif commun ; qu'il retient que les répercussions des agissements de M. X... au sein de la société Vacances bleues patrimoine suffisaient à entraîner la perte de confiance à son égard des autres entités du groupe, notamment de la société Vacances bleues holding et que cette dernière était fondée à lui reprocher également de manifester avec constance son désir de ne plus participer aux réunions du directoire, qu'il n'a pas démenti ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a pu retenir que la révocation de M. X... de son mandat de membre du directoire de la société Vacances bleues holding était fondée sur un juste motif ;
Et, attendu, en troisième lieu, que l'arrêt relève que M. X... a été convoqué par chacune des entités dont il dépendait plusieurs jours avant d'être entendu et a disposé d'un temps suffisant pour se défendre ; qu'il retient que M. X... soutient en vain qu'il n'a pas eu accès à tous les documents nécessaires à une défense efficace dès lors qu'il ne désigne pas avec précision ceux qui lui auraient permis avec certitude d'échapper à une sanction ; qu'il en déduit que la révocation n'avait pas de caractère abusif ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a estimé que les demandes indemnitaires de M. X... concernant les conditions des révocations de ses mandats au sein des sociétés Vacances bleues patrimoine et Vacances bleues holding devaient être écartées du fait du bien fondé de ces révocations ; qu'il s'en évince que, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier et/ou le deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure sur le troisième moyen, eu égard au lien de dépendance nécessaire unissant les chefs de dispositif en cause ;
2°/ que la révocation est abusive lorsqu'elle est accompagnée d'une atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant révoqué ; que M. X... faisait valoir que le 2 mars 2010, soit avant même la réunion du conseil d'administration de Vacances bleues patrimoine qui devait statuer sur sa révocation, Monsieur Y..., président du directoire de la société Vacances Bleues Holding avait adressé un courriel à de nombreux salariés, indiquant que « Daniel X... a quitté Vacances Bleues ; de graves agissements de sa part ont malheureusement rendu impossible toute poursuite de notre collaboration et m'ont contraint à mettre fin à celle-ci » ; qu'en déboutant M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour révocation abusive, sans même rechercher si ce courriel qui avait été adressé aux salariés du groupe à un moment où le conseil d'administration de Vacances bleues patrimoine n'avait pas encore décidé de la révocation, n'était pas de nature à porter atteinte à la réputation de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code du commerce ;
3°/ que M. X... faisait valoir devant la cour d'appel que le caractère vexatoire et attentatoire à sa réputation de sa révocation résultait de la publicité donnée à ses motifs, de par la publication au greffe du tribunal de commerce des extraits de procès-verbal des délibérations y afférentes ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de l'exposant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Mais attendu, en premier lieu, que le premier et le deuxième moyens ayant été rejetés, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est inopérant ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que M. X... ne saurait faire état d'un préjudice tenant à la diffusion d'un courrier annonçant, aux seules fins d'information des membres du groupe, son départ en raison de fautes graves, aucune imputation diffamatoire n'y figurant et les faits sanctionnés ne s'y trouvant pas détaillés ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.