Livv
Décisions

Cass. com., 27 février 2001, n° 98-14.206

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Gueguen

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

Me Garaud, Me Bouthors, Me Choucroy

Paris, du 6 févr. 1998

6 février 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 1998), que la société Cerus (Cerus), filiale de la société CIR International, a été, de 1986 à 1996, l'actionnaire le plus important de la société Valéo (Valéo), et l'un de ses administrateurs ; que Cerus a reçu chaque année, à compter de 1987, une somme égale à un pour mille du chiffre d'affaires réalisé par Valéo en rémunération de la fourniture à cette dernière d'aides et de services ; que M. Z..., actionnaire de Valéo, a assigné les deux sociétés devant le tribunal de commerce de Paris, en 1995, afin d'obtenir que Cerus soit condamnée à rembourser à Valéo la somme ainsi perçue au titre de 1994, en raison de l'absence d'autorisation préalable au versement de cette somme par le conseil d'administration de Valéo conformément aux dispositions de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966 ; que le tribunal de commerce de Paris ayant fait droit à cette demande par jugement du 7 mai 1996, les sociétés Cerus et Valéo ont fait appel de cette décision en rappelant que la participation de Cerus dans Valéo faisait suite à un protocole d'accord intervenu, le 18 juin 1986, entre les principaux actionnaires de cette dernière, et dont le contenu avait été soumis à l'approbation des pouvoirs publics appelés à autoriser un investissement étranger en France ; que la matérialisation de la mission d'opérateur industriel, qui lui avait été confiée à cette occasion, avait fait l'objet d'une convention avec Valéo, approuvée par le conseil d'administration de cette société le 25 septembre 1987, qui était restée en vigueur jusqu'en 1996, et qui était rappelée chaque année dans les rapports spéciaux des commissaires aux comptes ; que Cerus a, en outre, soulevé la prescription tirée de l'application des dispositions de l'article 105 de la loi du 24 juillet 1966 ; que M. Z... a étendu sa demande de restitution au profit de Valéo à l'ensemble des sommes versées par celle-ci à Cerus ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le second moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement du 7 mai 1996, et d'avoir déclaré prescrite l'action qu'il avait intentée, alors, selon les moyens :

1° que si dans ses motifs la cour d'appel retient que le protocole d'accord conclu entre actionnaires le 18 juin 1986 lors de l'entrée de la SA Cerus dans le capital de la SA Valéo a confié à la première de ces sociétés, désignée comme opérateur industriel, une mission de conseil consistant dans la fourniture de services spécifiques, distincts de ceux relatifs à ses fonctions d'administrateur de la société Valéo, et si la cour d'appel y retient encore qu'il résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société Valéo en date du 25 septembre 1987, que cette convention d'assistance, bien que non autrement formalisée, a été soumise aux administrateurs et approuvée par eux encore qu'ils se soient limités à accepter que " les aides et services que Cerus apporte à notre société soient rémunérés à l'issue de cet exercice (celui écoulé comme il est précisé dans l'arrêt) à hauteur de un pour mille du chiffre d'affaires du groupe ", la cour d'appel ne pouvait ajouter " que par sa nature et son objet dépourvus d'équivoque pour le conseil d'administration de la SA Valéo, cette convention a été unique, a prolongé ses effets dans le temps et s'analyse en une convention à durée indéterminée ne nécessitant donc pas aux termes de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, de nouvelles autorisations annuelles " sans -à défaut de s'en expliquer- dénaturer les termes clairs et précis du protocole conclu le 18 juin 1986 ; l'article 5 de celui-ci intitulé " durée" disposant " le présent protocole d'accord expirera le 31 décembre 1990 " ; ce dont il résultait qu'à compter au moins de cette dernière date, la SA Cerus avait reçu annuellement diverses sommes en exécution de conventions non autorisées et sans de ce fait qu'il puisse être opposé à M. Z... la prescription de son action ; d'où il suit qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2° qu'en se déterminant comme ci-dessus, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 105, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 ;

3° qu'il se prévalait du procès-verbal du conseil d'administration de la SA Cerus du 6 décembre 1991, non communiqué en première instance, lequel énonçait : " Par ailleurs, le président informe le conseil qu'afin de régulariser les redevances versées par Valéo et Cerus, les deux sociétés ont convenu de signer un contrat d'assistance et de prestations de service pour l'exercice en cours et les suivants, aux termes duquel Valéo verserait à Cerus une redevance assise sur le chiffre d'affaires consolidé hors taxe de l'exercice précédent et dont le taux serait de 1 pour 1 000. Cette convention sera également soumise au prochain conseil de Valéo, administrateurs et mandataire concernés : MM. Carlo de X..., Alain A..., et Jean-Pierre B.... Conformément à l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, le conseil sur proposition du président, après avoir passé au vote ces conventions, en approuve le principe... ", pour soutenir que la convention dont s'agit n'ayant été ni soumise au conseil d'administration de la SA Valéo, ni approuvée par lui, la preuve était ainsi rapportée que les redevances versées au titre de l'exercice en cours et les suivants à la SA Cerus l'avaient été par la SA Valéo au titre de conventions non autorisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en laissant sans réponse ce chef péremptoire de ses conclusions ;

4° que la cour d'appel étant saisie de trois pièces faisant preuve contre les sociétés appelantes ainsi qu'en dispose l'article 1330 du Code civil, à savoir : - un protocole d'actionnaires en date du 18 juin 1986 spécifiant au nombre de ses dispositions, que la société CIR International, et elle seule, aurait la mission " d'opérateur industriel " de la SA Valéo dans le capital duquel entrait la SA Cerus, ce jusqu'au 31 décembre 1990, date d'expiration dudit protocole ; - un procès-verbal du conseil d'administration de la SA Valéo en date du 25 septembre 1987, portant approbation de la proposition de son président ainsi libellée : " M. Y... propose au conseil que les aides et services que Cerus apporte à notre société soient rémunérées à l'issue de cet exercice à hauteur de un pour mille du chiffre d'affaires du groupe " ; - un procès-verbal du conseil d'administration de la SA Cerus en date du 6 décembre 1991 portant approbation en son " principe " de la " convention " dont le président l'informait comme suit : " Par ailleurs, le président informe qu'afin de régulariser les redevances versées par Valéo et Cerus, les deux sociétés ont convenu de signer un contrat d'assistance et de prestation de services pour l'exercice en cours et les suivants... " ; pièces, dont il résultait qu'en l'absence de toute production aux débats d'un procès-verbal du conseil d'administration de la SA Valéo ayant approuvé en son principe ladite convention, et du contrat nécessairement écrit que les deux sociétés étaient convenues de signer afin de régulariser les redevances versées à la SA Cerus tant pour l'exercice en cours que pour les suivants, la cour d'appel ne pouvait se déterminer comme elle l'a fait sans violer l'article susvisé ;

5° qu'en se déterminant comme ci-dessus la cour d'appel n'a pas donné davantage de base légale à sa décision au regard des dispositions des articles 101 et suivants de la loi du 24 juillet 1966, ensemble les articles 91 et 92 du décret du 23 mars 1967 ;

Mais attendu que la cour d'appel a tout d'abord rappelé qu'il résultait, tant des attestations délivrées par les dirigeants des plus grands groupes industriels, fournisseurs et clients de Valéo, que des dispositions du protocole conclu le 18 juin 1986, et soumis à l'approbation des pouvoirs publics appelés à autoriser un investissement étranger en France, que l'entrée de Cerus dans le capital de Valéo avait eu lieu dans le but d'en restructurer et développer l'activité, avec des recherches particulières pour la définition et la mise en place de modes opératoires commerciaux et industriels nouveaux, de sorte que, contrairement aux affirmations de M. Z..., il avait été confié à Cerus, désignée, sous couvert de sa société mère, comme opérateur industriel, une mission de conseil avec fournitures de services spécifiques distincts de ceux relatifs à ses fonctions d'administrateur de la société Valéo, mission qui a été effectivement remplie ; qu'au titre de cette mission, et indépendamment du protocole précité, dont l'objet était autre, elle a, par ailleurs, estimé qu'une convention non écrite était intervenue entre Cerus et Valéo, dont le contenu n'était contesté par aucune des deux sociétés, et qui avait été expressément approuvée par le conseil d'administration de Valéo, en toute connaissance de cause, le 25 septembre 1987 ; que la cour d'appel a, en outre, considéré que par sa nature et son objet, dépourvus d'équivoque pour le conseil d'administration de la société Valéo, et compte tenu de la formulation de l'autorisation donnée par celui-ci le 25 septembre 1987, cette convention qui avait été unique, et avait prolongé ses effets dans le temps, s'analysait en une convention à durée indéterminée ne nécessitant pas de nouvelles autorisations annuelles aux termes de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-38 du Code de commerce, qui n'impose, par ailleurs, aucune forme particulière aux conventions réglementées ; qu'en l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel, hors toute dénaturation, a, par là même, répondu aux conclusions invoquées et a légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés, sans en méconnaître le sens et la portée ; d'où il suit que le premier et le second moyen, pris en leurs diverses branches, ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.