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Décisions

Cass. com., 16 mai 2018, n° 16-13.207

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

Me Haas, SCP Ortscheidt

Caen, du 7 janv. 2016

7 janvier 2016

Sur le moyen unique, pris en ses septième, huitième, neuvième et dixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 janvier 2016), que, le 12 mars 2004, M. X... a signé une convention, qualifiée de contrat de travail, avec la société anonyme C... (la société) ; que le 19 avril 2004, il a été nommé membre puis, à compter du 28 juin 2004, président du directoire de la société ; qu'il a été révoqué de ses fonctions par décision du conseil de surveillance du 12 novembre 2008 et, en tant que de besoin, la société contestant la validité du contrat de travail, licencié le 27 novembre 2008 ; que, M. X... ayant saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement, de réintégration et de dommages-intérêts, par un arrêt devenu irrévocable du 7 avril 2011, la cour d'appel, aux motifs que la convention n'était pas un contrat de travail, a déclaré la juridiction prud'homale incompétente et désigné la juridiction commerciale pour connaître des demandes de M. X... ; que, le 8 janvier 2013, se prévalant de la clause d'indemnité de rupture figurant dans la convention du 12 mars 2004, M. X... a assigné la société pour en demander l'exécution ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une certaine somme au titre de l'indemnité contractuelle de rupture alors, selon le moyen :

1°/ qu'en considérant que l'approbation du conseil de surveillance qui est normalement requise dans le cadre de la procédure propre aux conventions réglementées n'était pas exigée, motifs pris que l'indemnité litigieuse avait été consentie le 12 mars 2004, soit antérieurement à la nomination de M. X..., d'abord en qualité de membre du directoire de la société C... par le conseil de surveillance réuni le 19 avril 2004, puis de président du directoire le 28 juin suivant, après avoir pourtant constaté qu'il avait été définitivement jugé que la relation entre M. X... et la société C... s'analysait exclusivement en l'exercice d'un mandat social, ce dont il s'inférait que la clause litigieuse prévoyant l'indemnité de rupture de M. X... devait être soumise à l'approbation du conseil de surveillance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations relatives à l'existence exclusive d'un mandat social et a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;

2°/ que le contrat de travail et l'indemnité de départ qui lui est accessoire, conclus dans la perspective de l'existence du mandat social et qui s'inscrivent dans la dépendance de celui-ci, relèvent du régime des conventions réglementées de l'article L. 225-86 du code de commerce ; qu'en considérant que l'approbation du conseil de surveillance, normalement requise dans le cadre de la procédure propre aux conventions réglementées n'était pas exigée, motifs pris que l'indemnité litigieuse avait été consentie le 12 mars 2004, soit antérieurement aux nominations de M. X..., d'abord en qualité de membre du directoire de la société C... le 19 avril 2004 puis de président du directoire, le 28 juin suivant, sans tenir compte de la circonstance que les deux mandats sociaux avaient été conclus peu de temps après la signature du contrat de travail et s'inscrivaient dans sa dépendance, de sorte qu'était requise une approbation spéciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-86 du code de commerce ;

3°/ que tout nouveau mandat attribué à un mandataire social est soumis au régime des conventions réglementées ; qu'à supposer que la nomination de M. X... en qualité de membre du directoire le 19 avril 2004, aux mêmes conditions que celles initialement prévues dans le contrat de travail du 12 mars 2004, n'ait pas été soumise au régime des conventions réglementées, sa nomination en qualité de président du directoire intervenue le 28 juin suivant constituait une modification de son mandat social initial relevant du régime des conventions réglementées, ce dont il s'inférait que l'indemnité de rupture, à supposer qu'elle ait été maintenue au profit de M. X... en qualité de nouveau président du directoire nommé le 28 juin 2004, devait impérativement faire l'objet d'une autorisation spéciale du conseil de surveillance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;

4°/ que la société C... faisait valoir que l'augmentation substantielle de la rémunération annuelle brute versée à M. X... en qualité de mandataire social portant le titre de « directeur général », initialement de 225 000 euros et portée à la somme de 338 000 euros par « avenant-rémunération » du 22 novembre 2006, avait de facto entraîné une modification de la clause d'indemnité de rupture, celle-ci étant calculée sur la base d'une année de rémunération ; qu'elle soulignait que la modification de l'indemnité de rupture nécessitait le recours à la procédure des conventions réglementées ; qu'en considérant que la société C... avait « confirmé en l'exécutant » la clause litigieuse au motif inopérant qu'elle avait exécuté l'avenant portant la majoration de la rémunération, cependant que l'acceptation des nouvelles conditions de rémunération du mandat social était indépendante de l'octroi d'une nouvelle indemnité de départ fixée sur la base de cette rémunération, qui n'avait vocation à être exécutée qu'au moment de la cessation des fonctions de M. X... et qui devait faire l'objet d'une autorisation préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 225-86 du code de commerce que n'est pas soumise à la procédure spéciale d'autorisation des conventions conclues entre une société et l'un des membres du directoire, la convention conclue régulièrement et sans fraude à une date à laquelle le bénéficiaire n'était pas encore mandataire social ; qu'ayant constaté que lors de la signature, le 12 mars 2004, du contrat intégrant la clause discutée, M. X... n'était pas déjà membre du directoire, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors qu'aucune fraude n'était alléguée, que la convention litigieuse n'était pas soumise à la procédure des conventions réglementées ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant rappelé que l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, l'arrêt constate qu'aux termes d'un avenant au contrat du 12 mars 2004, conclu le 22 novembre 2006, la rémunération annuelle de M. X... a été portée à 318 000 euros et majorée d'un supplément de 20 000 euros, et relève que la société a exécuté cet avenant en versant à M. X... la rémunération majorée qu'il prévoit jusqu'à la rupture de leurs relations contractuelles au mois de novembre 2008 ; que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la société était irrecevable à se prévaloir, après l'expiration du délai de prescription, de la nullité de la convention qu'elle avait exécutée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, onzième et douzième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.