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Décisions

Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-20.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Toulouse, du 21 mai 2010

21 mai 2010

Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été directeur général de la société GBE Bordeaux et salarié de cette société, est passé en janvier 1992 au service de la société GB Express, qui lui a confié les fonctions de directeur technique des transports, avec maintien des mandats d'administrateur et de directeur général, aux conditions approuvées le 30 avril 1992 par le conseil d'administration ; que des avenants au contrat de travail ont été conclus avec la société GB Express, le 11 février 1992 prévoyant une indemnité de congédiement, le 18 décembre 1992 stipulant une clause de revalorisation du salaire, le 21 juillet 1993 instaurant une prime d'objectif, à cette même date stipulant une clause de non-concurrence, le 23 décembre 1993 affiliant l'intéressé à un régime de retraite complémentaire et le 26 juin 1997 prévoyant un complément de rémunération à la suite de sa prise de responsabilité dans une société anglaise ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société GB Express, le juge commissaire a autorisé la cession de l'unité de production qu'elle exploitait à la société transalliance, devenue GBE transalliance, avec effet au 1er février 1998 ; que M. X..., passé au service du cessionnaire comme directeur technique, a été désigné le 2 février 1998 directeur général de la société GBE transalliance, puis président de la société, en octobre 2000 et, après avoir renoncé à ce mandat en février 2004, a exercé celui de directeur général jusqu'au 31 décembre 2004, date de la révocation de son mandat ; qu'ayant été licencié le 7 avril 2005, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement à titre de rappels de salaires, d'indemnité contractuelle de congédiement, de prime d'objectif, d'indemnité de non-concurrence, de l'engagement pris en matière de retraite complémentaire, d'une somme pour " management " d'une société anglaise et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par arrêt rendu le 25 mars 2008, la cour d'appel de Bordeaux a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a alloué au salarié diverses indemnités à ce titre et a débouté M. X...de ses demandes de rappels de salaire, de primes et d'indemnités relatives aux avenants ; que cette décision a été cassée par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 octobre 2009 (n° de pourvoi 08-42. 544), en ce qu'il a débouté M. X...de ses demandes en paiements de rappels de salaires et de primes, d'une indemnité contractuelle de congédiement, d'une indemnité au titre d'une retraite complémentaire et d'une indemnité de " management " d'une société anglaise ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt d'annuler l'avenant signé le 18 décembre 1992, stipulant une clause de revalorisation du salaire, alors, selon le moyen, que dans ses écritures, il avait fait valoir que l'avenant litigieux avait été appliqué jusqu'en 1998, son salaire ayant été régulièrement augmenté pour atteindre, en 1998, la somme de 57 793 francs bruts mensuels, de sorte que l'avenant n'avait pas été dissimulé et avait été exécuté ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-42 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il a été définitivement jugé, par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 25 mars 2008, qu'il n'était pas établi que M. X...avait exercé, pendant la durée de ses mandats sociaux, des fonctions techniques distinctes, dans un état de subordination à l'égard de la société qu'il administrait, de sorte que l'avenant relatif à une revalorisation de salaire n'ayant pu s'exécuter pendant la période de suspension du contrat de travail, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande formée au titre de l'avenant signé le 21 juillet 1993 instaurant une prime d'objectif, alors, selon le moyen, que cet avenant stipulait qu'« une prime annuelle sur objectif sera versée et évaluée selon deux critères … » ; qu'aucune limitation dans le temps de cette prime n'était prévue ; qu'en jugeant néanmoins qu'elle n'avait été stipulée que pour cinq ans, la cour d'appel a dénaturé l'avenant et violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, rendue nécessaire par les termes ambigus de l'avenant litigieux, que la cour d'appel a retenu que cet avenant, d'une part, arrêtait une stratégie d'augmentation du chiffre d'affaires et du résultat net de la société sur les cinq ans à venir, d'autre part, stipulait une prime sur objectif calculée, en fonction de cet objectif commercial, sur le chiffre d'affaires et le résultat, de sorte que cette prime n'avait été fixée que sur cinq années ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre de cotisations de retraite complémentaire, alors, selon le moyen, que seule peut faire obstacle à l'exception de nullité d'une convention visée aux articles 101 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 et conclue sans autorisation préalable au conseil d'administration, la notification de son exécution pour l'assemblée générale des actionnaires ; que pour écarter l'exception de nullité, soulevée par la société GBE transalliance, de l'avenant n° 5 du 23 décembre 1993 conclu sans l'accord du conseil d'administration, la cour d'appel a retenu qu'il avait été exécuté jusqu'en 1998 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si pour la période litigieuse (de 1993 à 1998) la convention avait été couverte par un vote de l'assemblée générale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966, devenus les articles L. 225-38 à L. 225-42 du code de commerce ;

Mais attendu que l'exception de nullité peut seulement être invoquée pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'avenant du 23 décembre 1993 affiliant M. X...à un régime de retraite complémentaire avait été exécuté par l'employeur jusqu'en février 1998, en a déduit, à bon droit, qu'il n'était plus recevable à opposer l'exception fondée sur la nullité de cet acte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 101 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-38 du code du commerce ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, toute convention intervenant entre une société et l'un de ses administrateurs ou directeurs généraux doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration ;

Attendu que pour annuler l'avenant signé le 11 février 1992 prévoyant une indemnité de congédiement, l'arrêt retient que si la désignation de M. X...comme administrateur et directeur général n'a été approuvée par le conseil d'administration que le 30 avril 1992, la qualité de mandataire social de fait doit lui être reconnue dès le mois de janvier 1992, puisque le 6 janvier 1992, il a signé en qualité de directeur général un contrat d'embauche d'un chauffeur routier et que le 18 mars 1992 il a signé en la même qualité une note de service adressée à tous les chauffeurs de la société ; que l'avenant du 11 février 1992 n'a pas été soumis à la procédure d'autorisation prévue par les articles 101 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 ; que cet avenant, qui fait bénéficier M. X...d'une somme disproportionnée par rapport au risque qu'un contentieux éventuel résultant de la rupture du contrat de travail fait subir à l'employeur, est dommageable pour ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'avenant litigieux avait été conclu à une date à laquelle M. X...n'était pas encore administrateur ou directeur général de la société, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence du 5 mars 1998 est nulle pour n'avoir prévu aucune contrepartie financière ; que M. X...ne justifiant pas avoir respecté cette clause, sa demande d'indemnisation du préjudice résultant du respect d'une clause non levée par son employeur doit être rejetée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X...de ses demandes en paiement à titre d'indemnité de congédiement et d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 21 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau.