CA Colmar, 2eme ch. civ. A, 13 février 2015, n° 12/05946
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
LA SA SABLIERES J. L.
Défendeur :
LA SCI DU PARC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. LEIBER
Conseillers :
Mme DIEPENBROEK, Mme BLIND
Avocats :
Me Joëlle L.-W.,, Mes d'A. & B.
ARRET Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- Ouï Mme DIEPENBROEK, Conseiller, en son rapport.
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
La SCI du PARC a, pour le compte d'OPUS 67 maître d'ouvrage, confié à la SARL PAYEUR et FILS le lot gros œuvre dans le cadre de la construction d'un immeuble de 12 logements à Westhouse. La SARL PAYEUR et FILS s'est fournie auprès de la SA SABLIÈRES J. L. en béton et graviers.
Le 24 septembre 2010, la SCI du PARC, la SARL PAYEUR et FILS et la SA SABLIÈRES J. L. ont signé un document intitulé 'protocole d'accord pour le paiement des fournitures de l'entreprise sous-traitante par l'entreprise principale', aux termes duquel la SARL PAYEUR et FILS, agissant en qualité d'entreprise sous-traitante, autorisait la SCI du PARC, agissant en qualité d'entreprise principale, à imputer sur ses situations les sommes qu'elle aura réglé directement à la SA SABLIERES J. L., fournisseur, au titre de factures de fournitures dont le montant sera précisé sur ses situations.
Le 8 mars 2011, la SARL PAYEUR et FILS a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Le 19 juillet 2001, la SA SABLIÈRES J. L. a assigné la SCI du PARC devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, en paiement d'une somme de 18 006,82 € correspondant à trois factures impayées, invoquant une délégation de paiement résultant de l'accord susvisé et les dispositions de la loi du 31 décembre 1975.
Par jugement en date du 22 novembre 2012, le tribunal a débouté la SA SABLIÈRES J. L. de ses demandes et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré d'une part, que la SA SABLIÈRES J. L. et la SARL PAYEUR et FILS n'étant pas liées par un contrat d'entreprise, les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance ne pouvaient recevoir application et d'autre part, que la convention, non sujette à interprétation, ne s'analysait pas en une délégation de paiement, même imparfaite, mais en un simple paiement pour compte ne créant aucun lien contractuel direct entre la SCI du PARC et la SA SABLIÈRES J. L..
Le tribunal a ensuite constaté que la SCI du PARC avait réglé directement à la SA SABLIÈRES J. L. les trois premières factures de fournitures présentées, sur ordre de la SARL PAYEUR et FILS conformément aux termes de la convention, que les factures litigieuses n'avaient pas été mentionnées sur les situations de la SARL PAYEUR et FILS et a considéré que la SCI du PARC pouvait opposer à la SA SABLIÈRES J. L. l'exception d'inexécution de la SARL PAYEUR et FILS, qui a abandonné le chantier et se prévaloir de la compensation des créances connexes.
Le tribunal a également rejeté la demande en tant que fondée sur l'enrichissement sans cause en l'absence d'enrichissement de la SCI du PARC et sur la responsabilité contractuelle, en l'absence de lien contractuel direct entre la SA SABLIÈRES J. L. et la SCI du PARC et de preuve de ce que cette dernière aurait exécuté le protocole d'accord de mauvaise foi.
La SA SABLIÈRES J. L. a interjeté appel de ce jugement le 13 décembre 2012 et la SCI du PARC a formé appel incident.
Par conclusions du 20 décembre 2013, la SA SABLIÈRES J. L. conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de l'appel incident, réitère sa demande de première instance et sollicite le versement d'une indemnité de procédure de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que, certes elle est fournisseur et non pas sous traitant, mais que les parties se sont volontairement soumises à la loi sur la sous traitance et que la convention s'analyse en une délégation de paiement dans les termes de cette loi, même si les parties se sont trompées sur les qualifications indiquées dans le contrat.
Elle considère que la SCI du PARC, qui connaissait les montants dus, lesquels sont indiqués dans le contrat, est tenue au paiement des factures litigieuses, en vertu de la convention, le cas échéant pour ne pas avoir respecté les dispositions légales d'ordre public.
Elle ajoute que :
- elle avait attiré l'attention de la SCI du PARC sur la liquidation judiciaire de la SARL PAYEUR et FILS,
- celle-ci devait régler le sous-traitant en vertu de la délégation de paiement même en l'absence d'ordre de la SARL PAYEUR et FILS,
- elle ne peut opposer au sous-traitant la compensation avec une créance due par l'entreprise principale que si elle est certaine et déterminée, ce qui n'est pas le cas, d'autant plus que les matériaux ont été livrés.
Elle invoque également l'enrichissement sans cause et les dispositions de l'article 1134 du code civil, ainsi qu'un arrêt de cette cour ayant admis la délégation de paiement dans un litige ayant opposé une autre société du même groupe à la SCI du PARC.
Par conclusions du 18 décembre 2013, la SCI du PARC conclut au rejet de l'appel principal, à la confirmation du jugement, sauf sur l'article 700 du code de procédure civile et forme appel incident sur ce point pour réclamer un montant de 2500 €. Elle sollicite le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.
La SCI du PARC conteste toute soumission volontaire à la loi du 31 décembre 1975, le protocole d'accord n'y faisant aucune référence, ne mentionnant aucune délégation de paiement mais un simple paiement pour compte et qualifiant la SA SABLIERES J. L. de fournisseur et la SCI du PARC, d'entreprise générale.
Elle indique que les décisions invoquées par la SA SABLIÈRES J. L., notamment l'arrêt de cette cour du 28 octobre 2013, ne sont pas transposables car concernant des actes dont le contenu est différent.
Pour le surplus, elle approuve les motifs du jugement et souligne que la convention prévoit que le montant des factures de la SA SABLIÈRES J. L. devait être porté sur les situations de la SARL PAYEUR et FILS et qu'elle a réglé l'intégralité des factures présentées par la SARL PAYEUR et FILS incluant les fournitures de la SA SABLIERES J. L..
Elle ajoute qu'elle est fondée à se prévaloir de l'inexécution par la SARL PAYEUR et FILS de ses engagements, celle-ci ayant abandonné le chantier et ses prestations étant affectées de malfaçons et à invoquer la compensation des créances connexes.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 février 2014.
MOTIFS
Le tribunal a exactement retenu que la SA SABLIÈRES J. L. ne pouvait se prévaloir d'une délégation de paiement consentie conformément à la loi du 31 décembre 1975, alors qu'elle n'était pas liée à la SARL PAYEUR et FILS par un contrat de louage d'ouvrage mais par un contrat de fourniture, la sous-traitance supposant en effet la conclusion de deux contrats d'entreprise successifs.
La SA SABLIÈRES J. L. invoque vainement une soumission volontaire des parties aux dispositions de cette loi alors que l'acte en date du 24 septembre 2010 intitulé 'protocole d'accord pour le paiement des fournitures de l'entreprise sous-traitante par l'entreprise principale' n'y fait aucune référence expresse, qu'elle est désignée à l'acte en la qualité de 'fournisseur' et que la convention exclut expressément tout délégation de paiement précisant en son article 3 : 'les présentes conventions s'analysent comme simple paiement pour compte, ne créant aucun lien contractuel entre l'entreprise principale et le fournisseur et concernent les fournitures à venir, à compter de ce jour'.
En l'absence de consentement certain et non équivoque à une délégation de créance de la SCI du PARC, improprement qualifiée dans l'acte d'entreprise générale alors qu'il résulte de l'ensemble des pièces produites qu'elle intervenait en réalité en qualité de maître d'ouvrage délégué, le premier juge a exactement analysé la convention, dont il a rappelé les termes, en une simple indication de paiement pour compte ne créant aucun lien contractuel direct entre la SA SABLIÈRES J. L. et la SCI du PARC et n'emportant pas novation.
L'appelante ne peut utilement se prévaloir ni d'un jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 29 avril 2013 concernant un autre fournisseur, la société Béton du Ried, la convention liant les parties étant différente du présent protocole d'accord et la délégation de paiement ayant été expressément acceptée par le délégué, ni d'un arrêt de cette cour en date du 28 octobre 2013 dans un litige similaire ayant opposé la SCI du PARC à la SAS SPURGIN L., dont il résulte que l'existence d'une délégation de paiement n'était pas contestée (cf p 4 de l'arrêt).
C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu, qu'en application de l'article 5 du protocole, la SCI du PARC n'était tenue de payer les factures émises par la SA SABLIÈRES J. L. que sur présentation des situations de la SARL PAYEUR et FILS et dans la limite des montants dus à celle-ci. Or il est constant que les trois factures litigieuses datées du 31 décembre 2010 et du 31 janvier 2011 n'ont pas été portées sur les situations de la SARL PAYEUR et FILS.
Il résulte du décompte définitif de la SARL PAYEUR et FILS établi le 1er février 2011 par le maître d'oeuvre qu'un solde de 3265,34 € restait dû par le maître d'ouvrage, déduction faite de la retenue de garantie. Néanmoins, la SCI du PARC qui justifie de l'abandon du chantier par la SARL PAYEUR et FILS (constat d'huissier des 10 et 11 mars 2011), de l'inachèvement des travaux et de l'existence de malfaçons par un document intitulé 'procès verbal de réception' établi le 15 mars 2011 par le maître d'oeuvre et qui a déclaré au passif de la SARL PAYEUR et FILS une créance d'un montant de 61 560 €, est fondée à opposer la compensation des créances réciproques, s'agissant de créances connexes quand bien même l'une d'elles ne serait-elle pas liquide et exigible.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SA SABLIÈRES J. L. en tant que fondée sur le protocole d'accord susvisé, en l'absence de preuve d'une délégation de créance et d'un manquement de la SCI du PARC à ses obligations contractuelles.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur l'enrichissement sans cause, dès lors que la cause de l'enrichissement prétendu à le supposer démontré, ce qui n'est pas le cas, la SCI du PARC ayant dû faire appel à une entreprise tierce pour reprendre et achever les travaux, réside dans le contrat de louage d'ouvrage conclu entre la SCI du PARC et la SARL PAYEUR et FILS.
Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
La SA SABLIÈRES J. L. qui succombe supportera la charge des dépens d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande de ce chef étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel principal et l'appel incident mal fondés ;
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 22 novembre 2012 en toutes ses dispositions ;
DÉBOUTE la SA SABLIÈRES J. L. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA SABLIÈRES J. L. aux dépens ainsi qu'à payer à la SCI du PARC la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.