Cass. 3e civ., 10 janvier 2001, n° 99-13.897
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Rapporteur :
M. Martin
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Boré, Xavier et Boré, Me Cossa, Me Odent
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 1999), que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont chargé de la construction d'une maison un entrepreneur, qui a sous-traité les lots plomberie et étanchéité de la terrasse à la société Guichard, assurée par la compagnie La Concorde ; que des désordres d'humidité étant apparus sous la terrasse, les époux X... ont assigné en réparation la société Guichard, qui a appelé en garantie son assureur, aux droits duquel vient la compagnie Generali France Assurances (compagnie Generali France) ;
Attendu que la société Guichard fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande dirigée contre elle, alors, selon le moyen :
1° qu'elle faisait valoir que l'exécution de l'étanchéité verticale avait été confiée à la société LTG, versant à cette fin aux débats, outre l'avenant au devis initial et le marché de travaux la concernant, le compte rendu de chantier du 7 janvier 1991 ainsi que le procès-verbal de réception ; qu'en délaissant ces écritures de nature à faire la preuve que sa responsabilité ne pouvait être engagée du chef de ces travaux, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que le juge doit se prononcer sur les éléments régulièrement versés aux débats et soumis à son examen ; qu'en déniant tout caractère provisoire aux reprises effectuées par l'entreprise initialement chargée de l'étanchéité horizontale, tout en s'abstenant de se prononcer sur le procès-verbal de réception imputant les réserves d'humidité à la seule entreprise ayant exécuté l'étanchéité verticale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par une interprétation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, que l'étanchéité horizontale, dont la société Guichard était chargée, avait été aussi mal réalisée que l'étanchéité verticale des murs qui lui avait été demandée par la suite et que les désordres étaient dus essentiellement au non-respect des règles de l'art élémentaires quant aux liaisons entre étanchéités horizontale et verticale, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à des recherches concernant le caractère provisoire des reprises de l'étanchéité verticale et de l'imputation des réserves à la réception que ses constatations rendaient inopérantes, a retenu la responsabilité délictuelle de la société Guichard compte tenu des fautes d'exécution relevées contre elle et de l'existence des infiltrations en rapport direct avec ces fautes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la compagnie Generali France fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel en garantie de la société Guichard, alors, selon le moyen, que l'assignation en référé de l'assuré par le tiers victime en vue de la nomination d'un expert constitue une action en justice et fait courir le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances ; que, dès lors, en décidant que ce délai n'avait couru en l'espèce à l'encontre de la société Guichard qu'à compter du jour où elle avait été assignée au fond par les époux X..., après avoir constaté que ces derniers l'avaient précédemment assignée en référé-expertise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard du texte susvisé qu'elle a ainsi violé ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, dès qu'elle avait été assignée en référé, la société Guichard avait appelé à la cause la compagnie La Concorde, la cour d'appel en a exactement déduit que son action avait été exercée dans le délai prévu par l'article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, qui est recevable :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter l'appel en garantie de la société Guichard contre son assureur, l'arrêt retient que la police responsabilité civile ne peut trouver application puisqu'il ne s'agit pas d'un dommage causé à un tiers mais d'un dommage causé dans le cadre de la réalisation de l'ouvrage faisant l'objet de la garantie obligatoire du constructeur et que les travaux supplémentaires d'étanchéité verticale qui ont été confiés dans un second temps à la société Guichard sont intervenus dans le cadre de la réalisation de l'ouvrage avant réception et font partie intégrante de l'opération relevant de l'assurance obligatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage est de nature quasi délictuelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie de la société Guichard contre sa compagnie d'assurance, l'arrêt rendu le 26 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.