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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 14 mai 2020, n° 19/01994

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sibel Bati (SARL)

Défendeur :

Soprotech (SARL), SPM (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caillard

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Michel

Avocats :

Me Moutier, Me Gruninger-Gouze, Me Garnier, Me Witukiewicz Sebban

T. com. Tours, du 24 mai 2019

24 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE :

La société SPM, qui exerce notamment sous l’enseigne « Sweet pants » une activité de vente d’articles de prêt à porter, a confié à la société Soprotech des travaux de rénovation d’une boutique située à […] , dans le centre commercial dénommé « […]».

Ces travaux, qui devaient être réalisés, pour partie de nuit, entre le 29 juin et le 5 août 2016, ont été réalisés sur la base d’un devis établi le 30 juin 2016 pour un prix TTC de 66600euros, sous la maîtrise d’œuvre de la société IR317.

Compte tenu des contraintes de temps, la société Soprotech a sous-traité la majeure partie du marché (démolition, plâtrerie, peinture et pose des sols en PVC) à la société Sibel Bati, avec laquelle elle entretenait des relations d’affaires.

L’accord des parties au contrat de sous-traitance a été scellé par le règlement d’un acompte de 8000 euros, sans être formalisé par aucun écrit.

Les travaux ont été facturés par la société Soprotech le 12 juillet puis le 28 septembre 2016 pour un montant total de 66600 euros TTC correspondant au prix convenu au devis initial. Ces travaux ont été intégralement payés par la société SPM -la facture de première situation par virements des 8 et 9 août 2016, la facture de situation finale du 28 septembre 2016 le 1er février 2017.

La société Sibel Bati a émis le 17 septembre, le 10 novembre et le 30 décembre 2016 trois factures d’un montant total TTC de 40067euros, soit 32067euros après déduction de l’acompte de 8000euros.

Ces factures portent sur les travaux de démolition, plâtrerie, peinture et pose des sols en PVC prévus au marché principal, outre sur des travaux complémentaires de plâtrerie et démolition. La société Sibel Bati a par ailleurs appliqué sur sa facture du 30 décembre 2016 une moins-value de 4329,60euros au titre d’une main-d’œuvre mise à disposition sur le chantier par la société Soprotech (intérimaires et auto-entrepreneurs).

Exposant n’avoir été réglée d’aucune de ses factures malgré ses relances et une ultime mise en demeure adressée par son conseil le 14 juin 2017, la société Sibel Bati a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Tours qui, par ordonnance du 18 mai 2017, l’a autorisée à procéder à une saisie-conservatoire sur les comptes bancaires de la société Soprotech pour sûreté de sa créance évaluée à 32067 euros, puis a fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce de Tours, avec la société Sweet pants et la société Sweet pants retail, identifiées dans un premier temps comme les maîtres de l’ouvrage, puis avec la société STM dont il est apparu qu’elle avait, seule, cette qualité, afin d’entendre condamner in solidum l’entreprise principale et le maître d’ouvrage au paiement des factures en cause.

Par jugement du 24 mai 2019, le tribunal a :

— débouté la société Sibel Bati de toutes ses demandes, fins et conclusions

— condamné la société Sibel Bati à payer à chacune des sociétés Sweet pants, Sweet pants retail et SPM la somme de 500euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté la société Soprotech de sa demande d’indemnisation présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

— condamné la société Sibel Bati aux dépens

Pour statuer comme ils l’ont fait, les premiers juges ont considéré qu’en l’absence de contrat ou d’accord écrit sur l’étendue de la prestation sous-traitée et sur son montant, les factures émises n’établissaient pas, par elles-mêmes, que la société Soprotech avait accepté de contracter aux conditions qui y figuraient et ne valaient pas non plus preuve des conditions financières auxquelles les parties avaient entendu contracter. Ils en ont déduit que la société Sibel Bati ne pouvait qu’être déboutée de sa demande en paiement dirigée contre l’entreprise principale et, par voie de conséquence, de sa demande indemnitaire dirigée contre le maître de l’ouvrage.

La société Sibel Bati a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 11 juin 2019, en intimant les sociétés Soprotech et SPM, et en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société Sibel Bati demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 (anciens) du code civil et de la loi no75-1334 du 31 décembre 1975, de :

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 24 mai 2019, en ce qu’il a :

Débouté la société Sibel Bati de toutes ses demandes fins et conclusions,

Condamné la société Sibel Bati à payer à chacune des sociétés Sweet pants, Sweet pants retail et SPM la somme de 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné la société Sibel Bati aux entiers dépens

Statuant à nouveau,

— condamner in solidum les sociétés Soprotech et SPM à payer à la société Sibel Bati une somme de 32 067 euros TTC correspondant au solde de ses factures

— subsidiairement, si par extraordinaire la cour ne devait pas retenir la responsabilité de la société SPM, condamner la société Soprotech à payer à la société Sibel Bati une somme de 32 067 euros TTC correspondant au solde de ses factures

En tout état de cause,

— condamner la société Soprotech à payer à la société Sibel Bati les intérêts de retard dus en raison du défaut de paiement des factures litigieuses, calculés à compter du 12 mars 2017

— condamner les sociétés Soprotech et SPM à payer à la société Sibel Bati la somme de 5000 euros au titre de leur résistance abusive

— débouter la société Soprotech de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

— débouter la société SPM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

— condamner in solidum les sociétés Soprotech et SPM à payer à la société Sibel Bati la somme de 6000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel

La société Sibel Bati commence par rappeler que la validité du contrat de sous-traitance, comme celle de tout contrat d’entreprise, n’est soumise à aucune forme particulière, qu’entre commerçants, la preuve du sous-traité peut être rapportée par tous moyens, y compris lorsque l’obligation dépasse la valeur de 1500euros prévue à l’article 1341 ancien du code civil, que le contrat est valable dès lors que la prestation est, sinon déterminée, en tous cas déterminable et ajoute, concernant le prix, que l’accord préalable des parties sur celui-ci n’est pas une condition de validité du contrat et qu’en cas de désaccord entre elles sur sa détermination a posteriori, comme en l’espèce, il revient au juge d’évaluer la prestation et d’en fixer le prix en considération des éléments qui lui sont soumis.

L’appelante indique ensuite que l’existence d’une relation de sous-traitance conclue à titre onéreux entre elle-même et la société Soprotech est établie par l’acompte de 8000euros que lui a payé cette dernière, les factures qu’elle a émises à l’attention de la Soprotech, qui n’ont fait l’objet d’aucune protestation et sur lesquelles figure le détail des travaux réalisés, lesquels coïncident avec les travaux confiés à la société Soprotech par le maître de l’ouvrage, les nombreux courriels qui lui ont été adressés par le maître d’œuvre, qui présentait son gérant, M. Y…, comme le chef d’équipe de la société Soprotech, ou encore la reconnaissance par la société Soprotech de l’étendue des tâches qu’elle lui a confiées, dans le courriel qu’elle lui a adressé pour lui demander de lever les réserves formulées par le maître.

Au regard du coût du marché conclu entre la société Soprotech et le maître de l’ouvrage, fixé à 70798,80 euros TTC puis ramené à 66600 euros TTC après remise commerciale, des lots que la société Soprotech reconnaît lui avoir sous-traité (démolition, plâtrerie, peintures, sols) et des travaux complémentaires rendus nécessaires en cours de chantier et demandés par le maître d’œuvre, l’appelante demande à la cour d’évaluer sa prestation au prix tel qu’il a été fixé dans ses factures.

En réplique aux moyens développés par la société Soprotech, la société Sibel Bati commence par indiquer que l’entreprise principale ne peut tirer argument de son absence d’agrément et fait valoir que, par application de l’article 3, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975, elle ne peut lui opposer l’exception d’inexécution pour échapper à son obligation de paiement alors qu’en l’absence d’agrément, la société Soprotech ne peut invoquer le contrat de sous-traitance à son encontre.

Concernant les comptes à faire entre les parties, la société Sibel Bati ajoute que la société Soprotech ne peut lui imputer aucun retard sur le chantier, alors qu’elle ne démontre pas l’avoir mise en demeure de prendre des mesures pour respecter le planning de livraison, et n’établit pas non plus que le retard pris lui serait exclusivement imputable, puis indique qu’aucune malfaçon ne peut non plus lui être imputée, alors qu’elle est intervenue pour lever les réserves formulées à la réception, ce que la société Soprotech reconnaît elle-même.

Se prévalant enfin des dispositions de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la société Sibel Bati assure qu’il résulte des comptes rendus de chantier que la société SPM avait une parfaite connaissance de sa présence sur le chantier et, lui imputant à faute de ne pas avoir mis en demeure l’entreprise principale de la faire accepter et de faire agréer ses conditions de paiement, sollicite en application de l’article 1382 ancien du code civil la condamnation du maître de l’ouvrage, in solidum avec la société Soprotech, à lui régler des dommages et intérêts équivalant au montant de sa créance, outre 5000 euros pour résistance abusive en faisant valoir que le défaut de paiement des intimées l’a privée d’une importante trésorerie, indispensable au fonctionnement de son activité et au paiement de ses créanciers.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2020, auxquelles il est également renvoyé pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société Soprotech demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1184 anciens du code civil et de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, de :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 24 mai 2019 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— le confirmer en toutes ses autres dispositions

Statuant à nouveau sur le chef infirmé :

— condamner la société Sibel Bati à lui payer, au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

En tout état de cause :

— débouter purement et simplement la Société Sibel Bati de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

— condamner la Société Sibel Bati à lui régler, au titre des frais irrépétibles engagés en appel, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la Société Sibel Bati aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Maître Aude Gruninger-Gouze, avocat aux offres de droit

La société Soprotech commence par expliquer que compte tenu du calendrier des travaux fixé par le maître d’œuvre, elle a dû sous-traiter une partie du marché qui lui avait été confié par la société Sweet plants [en réalité SPM], que compte tenu de ses relations habituelles avec la société Sibel Bati, elle lui a versé un acompte de 8000 euros pour le travail à accomplir, sans formaliser de contrat par écrit et que, rapidement alertée des lacunes de son sous-traitant et du retard pris sur le chantier, son gérant a dû se déplacer à Marseille, puis faire appel à deux intérimaires et à deux auto-entrepreneurs pour achever le chantier dans les temps et remédier aux désordres dénoncés par sa cliente, cela pour un coût de 14934,51 euros.

La société Soprotech rappelle ensuite les dispositions des articles 1115 et 1341 anciens du code civil et, en reconnaissant que la preuve est libre entre commerçants, soutient que la société Sibel Bati n’apporte pas la preuve des conditions contractuelles dans lesquelles elles ont entendu contracter, ajoutant que les factures émises par l’appelante ne peuvent suffire à établir l’existence et la consistance du contrat d’entreprise conclu entre elles, ce dont elle déduit que les premiers juges ont à raison rejeté les demandes en paiement de la société Sibel Bati, qui ne prouve ni la nature et l’étendue des prestations qui lui ont été confiées, ni les conditions financières dans lesquelles elles ont souhaité s’engager.

Sans indiquer quelles conséquences juridiques elle entend en tirer, la société Soprotech ajoute que le prix des prestations de la société Sibel Bati est indéterminé, que c’est la raison pour laquelle ladite société n’a jamais demandé au maître de l’ouvrage d’agréer ses conditions de paiement et affirme que la société Sibel Bati, qui se prévaut de trois factures d’un montant global de 32000 euros, ne peut sérieusement soutenir qu’elle lui aurait sous-traité des travaux pour un prix représentant près de 60 % du marché global qu’elle avait conclu au prix de 55000 euros avec le maître de l’ouvrage.

A titre subsidiaire, la société Soprotech fait valoir que le caractère irrégulier de la sous-traitance n’exonère pas le sous-traitant de son obligation de résultat et, indiquant de nouveau que la société Sibel Bati a livré, avec retard, des travaux affectés de nombreuses malfaçons, qu’elle a dû reprendre ou faire reprendre pour un coût total de 20880,51euros (14934,51€ + 5946€), soutient qu’aucune somme supplémentaire ne saurait être allouée à l’appelante en sus des sommes qu’elle a déjà dépensées pour pallier à ses manquements.

Relevant ensuite, en reconnaissant avoir demandé à la société Sibel Bati de réaliser les travaux de démolition, de plâtrerie, menuiserie et pose des sols en PVC, que l’appelante a été incapable d’exécuter ses obligations dans les délais et de manière satisfaisante, ainsi qu’il résulte des attestations produites aux débats, des courriers que lui a adressés le maître d’œuvre et des réserves formulées à la réception, la société Soprotech indique qu’il est hors de question pour elle de payer une prestation si imparfaitement exécutée et soutient être fondée à opposer à sa co-contractante, en application de l’article 1184 ancien du code civil, l’exception d’inexécution.

A titre infiniment subsidiaire enfin, la société Soprotech demande à la cour de faire les comptes entre les parties en déduisant des factures de la société Sibel Bati, outre son acompte de 8000 euros, les sommes correspondants à des prestations indument facturées et les sommes qu’elle a déboursées pour remédier à la carence de l’appelante dans l’exécution de ses obligations.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société SPM demande à la cour, au visa de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, de :

— déclarer la société Sibel Bat irrecevable, en tous cas mal fondée, en son appel et le rejeter,

— confirmer le jugement du 24 mai 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant au besoin,

— constater le caractère mal fondé de la demande en paiement de la société Sibel Bati à son encontre

— débouter la société Sibel Bati de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre

— condamner la société Sibel Bati à lui verser la somme de 5000 euros pour les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour sa défense, au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la société Sibel Bati aux entiers dépens d’appel, et accorder à Me Garnier le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile

La société SPM commence par rappeler qu’à la date à laquelle elle a reçu la mise en demeure du conseil de la société Sibel Bati, elle avait intégralement réglé la société Soprotech, en sorte que l’action directe en paiement qu’avait initiée la sous-traitante à son encontre, avant de s’en désister en première instance, ne pouvait assurément pas prospérer.

Concernant l’action indemnitaire maintenue à son encontre sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la société SPM soutient qu’elle ne peut qu’être rejetée dès lors que, contrairement à ce que soutient la société Sibel Bati sans preuve, elle n’a jamais eu connaissance de sa présence sur le chantier, que ladite société n’apparaît pas sur les comptes rendus de chantier sur lesquels figure uniquement la société Soprotech, et qu’on ne saurait déduire de ce que la société Sibel Bati figurait parmi les destinataires des comptes-rendus de chantier que le maître d’œuvre adressait par courriels à une vingtaine de personnes qu’elle aurait été informée de l’intervention de cette société sur le chantier, alors même qu’elle n’a jamais envoyé le moindre courriel à la société Sibel Bati qui, de son côté, ne lui en a pas davantage adressé.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2020, pour l’affaire être plaidée à l’audience du 19 mars suivant.

Compte tenu de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, l’audience du 19 mars 2020 n’a pu être tenue. Un courrier a été adressé aux parties en ce sens le 18 mars 2020. Par courriers ou messages électroniques des 16, 17 et 18 mars 2020, les parties toutes représentées ont donné leur accord express pour que la procédure se déroule sans audience.

SUR CE, LA COUR :

La cour indique qu’en raison de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020, elle statue sans tenue de l’audience, avec l’accord de toutes les parties ayant constitué avocat en application des articles 799 et 907 du code de procédure civile.

La cour observe à titre liminaire que nonobstant le dispositif de ses dernières écritures, la société SPM ne développe dans le corps de celles-ci aucun moyen d’irrecevabilité de l’appel formé par la société Sibel Sati.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur la recevabilité de l’appel, qui sera tenue comme non contestée.

La cour relève par ailleurs que les sociétés Sweet pants et Sweet pant retail, qui n’ont pas été intimées, ne sont pas partie à la présente instance d’appel, en sorte que la société Sibel Bati ne peut demander que le jugement du 24 mai 2019 soit remis en cause à leur égard, notamment en ce qu’il l’a condamnée à régler à ces deux sociétés une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la validité et sur la preuve du contrat de sous-traitance

Au sens de l’article 1 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975, dont toutes les prescriptions sont réputées d’ordre public par l’article 15, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage.

Constituant lui-même un contrat d’entreprise, le sous-traité est soumis au droit commun qui en résulte, s’agissant de sa conclusion et de ses conditions intrinsèques de validité.

Le principe du consensualisme n’étant écarté que dans des secteurs particuliers étrangers au présent litige, le droit commun conduit à exclure toute condition de forme ; un sous-traité non écrit est parfaitement valable et produira tous ses effets si la preuve en est rapportée.

Conformément aux règles communes encore, la preuve du sous-traité entre les parties dépend de leur qualité respective et, par application de l’article L. 110-3 du code de commerce, cette preuve est libre contre une partie qui, comme la société Soprotech, a la qualité de commerçant.

Au cas particulier, la société Soprotech ne peut sérieusement soutenir que la société Sibel Bati ne rapporterait pas la preuve de l’existence entre elles d’un contrat de sous-traitance, alors qu’elle explique elle-même que, contrainte par le temps, elle a dû sous-traiter à l’appelante une partie du marché qui lui avait été confié par la société SPM et que, compte tenu des relations qu’elle entretenait de manière habituelle avec la société Sibel Bati, leur accord a été scellé par le versement d’un acompte de 8000 euros, sans être matérialisé par la conclusion d’un écrit.

Sans soulever d’exception de nullité et sans indiquer quelle conséquence elle entend voir tirer de cette affirmation, mais en sollicitant la confirmation de la décision de première instance qui en a déduit que dans ces circonstances la demande en paiement de la société Sibel Bati devait être rejetée, la société Soprotech souligne que le prix du sous-traité est, selon ses termes, «indéterminé».

Il est constant, au cas particulier, que les parties ont entendu s’engager dans les liens d’un contrat conclu à titre onéreux, dont la société Soprotech a réglé une fraction du prix en versant lors de sa conclusion un acompte de 8000 euros à la société Sibel Bati.

Selon le droit commun, la fixation préalable d’un prix n’est pas une condition de validité du contrat d’entreprise. Si en matière de sous-traitance cette règle se trouve en principe paralysée par l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975, qui impose que les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance soient soumises à l’agrément du maître de l’ouvrage, la société Soprotech ne peut en déduire qu’au cas particulier, faute de fixation préalable du prix, le sous-traité serait nul ou privé d’effets obligatoires.

La loi du 31 décembre 1975 a pour unique objet en effet de protéger les sous-traitants contre les défauts de paiement et lorsque l’entrepreneur principal manque à ses obligations, comme en l’espèce, en omettant de faire accepter son sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître, l’article 3, alinéa 2, de ladite loi, prévoit que l’entrepreneur reste tenu envers le sous-traitant mais ne peut invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant.

Autrement dit, puisque l’agrément repose sur l’initiative de l’entrepreneur principal et ne tend qu’à la protection du sous-traitant, l’entrepreneur principal ne peut exciper d’un défaut d’agrément pour échapper à ses obligations. Comme pour tout contrat d’entreprise en conséquence, la fixation préalable du prix du sous-traité n’est pas une condition de sa validité, ni même de son effectivité ; le prix pouvant être ultérieurement fixé par le juge en cas de contestation.

C’est donc de manière inexacte que les premiers juges ont considéré que, faute d’apporter la preuve des conditions financières, c’est-à-dire du prix auquel les sociétés Soprotech et l’appelante avaient entendu contracter, la société Sibel Bati ne pouvait qu’être déboutée de sa demande de paiement.

Sur la consistance du sous-traité et son prix

De manière contradictoire là encore, la société Soprotech soutient que les premiers juges ont retenu à raison, pour écarter ses demandes en paiement, que la société Sibel Bati n’apportait la preuve ni de la nature, ni de l’étendue des prestations qui lui avaient été confiées, mais écrit en page 21 de ses dernières écritures, au soutien de son exception d’inexécution : «il était demandé [à la société Sibel Bati] par la société Soprotech, tout simplement, de réaliser les travaux de démolition, de plâtrerie, de peinture, menuiserie et de pose des sols en PVC».

Ce faisant, la société Soprotech reconnaît de manière non équivoque avoir sous-traité à l’appelante les travaux de démolition, plâtrerie, peinture, menuiserie et pose des sols PVC qui lui avaient été confiés par la société SPM.

La société Soprotech avait déjà reconnu la nature et l’étendue des travaux sous-traités en transmettant purement et simplement à la société Sibel Bati, le 16 août 2016 à 16 h 52, le courriel que le maître d’œuvre lui avait adressé le même jour à 16 h 26 ensuite de la réception prononcée le 24 août, à fin de levée des réserves lui incombant. La société Soprotech n’a en effet opéré aucune distinction, parmi les réserves formulées par le maître d’ouvrage, entre celles relevant de la partie du marché qu’elle aurait conservé, et celles relevant de la partie sous-traitée, mais transmis littéralement le courrier du maître d’œuvre et la synthèse des réserves qui l’accompagnait à son sous-traitant, tenant ainsi pour acquis que tous les désordres dénoncés, qui concernaient les plâtres, les peintures et les sols, devaient être repris par la société Sibel Bati, ce qui vaut reconnaissance de ce que tous ces travaux avaient été confiés à cette dernière.

C’est de mauvaise foi, au vu de l’ensemble de ces éléments, que la société Soprotech maintient devant la cour que la preuve de la consistance des prestations sous-traitées à la société Sibel Bati ne serait pas établie, alors que les éléments sus-énoncés sont encore corroborés par les nombreux courriels que le maître d’œuvre a adressés à la société Sibel Bati tout au long du chantier, et par le fait que dans plusieurs des courriels produits, le maître d’œuvre présentait le gérant de la société Sibel Bati aux autres intervenants comme le «chef d’équipe» de la société Soprotech, ce qui est particulièrement révélateur de la place qu’occupait la société Sibel Bati sur le chantier.

Il est donc établi que la société Soprotech a sous-traité à la société Sibel Bati les travaux de démolition, plâtrerie, peinture, menuiserie et pose des sols PVC qui lui avaient été confiés par la société SPM, autrement dit tous les travaux prévus au devis du 30 juin 2016, hormis les lots « protection incendie » et «nettoyage».

S’agissant du prix des travaux sous-traités, qui doit être évalué par la cour faute de fixation préalable ou d’accord des parties, il convient de relever que sur le prix global du marché confié à la société Soprotech par la société STM (66600euros TTC), la partie du marché sous-traitée correspond, déduction faite du prix du lot « protection incendie » (960euros TTC) et du lot « nettoyage » (1080 euros TTC), à64560eurosTTC.

Si l’on écarte des trois factures de la société Sibel Bati, pour les besoins du raisonnement, les «plus-values» (- 8928euros TTC), les «travaux complémentaires» (- 3600 euros TTC) et les «moins values» (+ 4329,60 euros TTC) sur lesquels il conviendra de revenir plus en avant, pour ne retenir que les postes qui correspondent à ceux figurant au devis du marché principal, les prestations sous-traitées facturées par la société Sibel Bati s’élèvent à la somme totale de 31868,60euros TTC.

Le prix facturé par le sous-traitant (31868,60euros TTC) représente donc, par comparaison, 49 % du prix pratiqué par l’entrepreneur principal pour les mêmes prestations (64560 euros TTC).

Etant observé que la société Soprotech postule que la sous-traitance serait nécessairement bénéficiaire pour l’entrepreneur principal, ce qui ne peut être admis, ni dans la sous-traitance dite de spécialité, qui permet à l’opérateur principal de confier une part de son travail à un tiers particulièrement compétent, ni dans la sous-traitance dite de capacité qui, comme en l’espèce, permet à l’opérateur principal débordé par un marché urgent ou trop important pour ses propres structures de confier une partie de son travail à un tiers pour respecter ses engagements, le prix facturé par la société Sibel Bati n’apparaît pas saugrenu par comparaison au prix facturé au maître de l’ouvrage par l’entrepreneur principal.

Les prix unitaires facturés par la société Sibel Bati apparaissant par ailleurs conformes aux prix habituellement pratiqués sur le marché, le prix des prestations réalisées par la société Sibel Bati sera évalué sur la base des prix facturés par l’intéressée.

Sur l’obligation à paiement de l’entreprise principale

— sur l’exception d’inexécution soulevée par la société Soprotech

L’article 3, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975 énonce que lorsque le sous-traitant n’a pas été accepté ni ses conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant.

La société Sibel-Bati ne peut faire valoir ces dispositions pour soutenir qu’en l’absence d’acceptation et d’agrément par le maître, la société Soprotech ne peut invoquer le contrat de sous-traitance à son encontre et, par voie de conséquence, se prévaloir de sa mauvaise exécution pour échapper à son obligation réciproque de paiement, alors qu’il est acquis de longue date que le sous-traitant qui n’a pas été agréé ne peut, à la fois, se prévaloir du contrat de sous-traitance pour obtenir le paiement des travaux qu’il a exécutés, et le rejeter pour échapper à ses obligations contractuelles (v. par ex. Civ. 3, 13 avril 1988, no 86-18.961).

Dans sa signification ordinaire, l’exception d’inexécution, qui conduit à une suspension du contrat, est purement provisoire. Il s’agit en effet d’une solution d’attente qui permet à son auteur de faire pression sur son cocontractant pour obtenir satisfaction, mais ne résout pas la question définitivement -le contrat, simplement suspendu, reste valable et n’est pas anéanti.

La cour observe qu’au cas particulier, la société Soprotech ne demande pas, par la voie reconventionnelle, à être dégagée indirectement de ses obligations en sollicitant des dommages et intérêts puis la compensation entre le montant de sa dette et celui de ces dommages et intérêts, mais demande à être déchargée de son obligation en raison de la faute commise par le sous-traitant, sans obtenir un avantage autre que le rejet, total ou partiel, des prétentions de la société Sibel Bati.

Il est aujourd’hui admis que, poursuivi par son sous-traitant en paiement du prix de travaux sous-traités, un entrepreneur a la faculté de demander à être déchargé de cette obligation en invoquant la faute du cocontractant dans l’exécution de ses propres obligations, sans prétendre à un autre avantage que le simple rejet de la prétention adverse, autrement dit sans être tenu de formuler une demande reconventionnelle en dommages et intérêts (v. par ex. Civ. 3, 3 mai 2001, no 00-10.053).

Il reste que, pour obtenir la déchéance complète ou partielle du bénéfice de la créance que la société Sibel Bati possède contre elle, en contrepartie de l’obligation mal exécutée, il appartient à la société Soprotech de rapporter la preuve de la mauvaise exécution des obligations de la société Sibel Bati.

A cet effet, la société Soprotech produit un courrier du maître d’œuvre en date du 25 juillet 2016, se plaignant de la qualité médiocre du travail réalisé par la société Sibel Bati, et la mettant en demeure de faire réaliser la fin des travaux par des sous-traitants qualifiés, puis des attestations de différents intervenants sur le chantier indiquant, pour l’essentiel d’entre eux que la société Sibel Bati avait pris du retard, pour quelques autres que le travail réalisé était de piètre qualité.

La synthèse des réserves formulées le 24 août 2016 à la réception de l’ouvrage transmise le 26 août 2016 par le maître d’œuvre, accompagnée de nombreuses photographies des désordres dénoncés, confirme la mauvaise qualité des travaux réalisés.

La cour observe néanmoins que les travaux livrés le 24 août 2016 ont été achevés, non pas par la société Sibel Bati, mais avec l’aide de deux intérimaires et de deux auto-entrepreneurs recrutés par la société Soprotech, et que cette dernière, qui a été payée par le maître de l’intégralité du marché au prix initialement convenu, n’établit pas que les réserves n’auraient pas été levées par la société Sibel Bati elle-même. Les factures des intérimaires versées aux débats portent en effet exclusivement sur des heures de travail réalisées entre le 26 juillet et le 7 août 2016, bien avant la réception intervenue le 24 août 2016, et aucune des attestations produites, qui portent davantage sur le retard pris par la société Sibel Bati que sur la qualité de ses travaux, ne démontre que l’un ou l’autre des auto-entrepreneurs qui indiquent avoir procédé à des reprises des peintures seraient intervenus après le 24 août 2016, pour lever les réserves. Rien ne permet donc d’écarter que, comme elle l’affirme, la société Sibel Bati n’a pas elle-même procédé à la levée des réserves qui a permis à l’entrepreneur principal d’être intégralement réglé par le maître de l’ouvrage.

A supposer, pour les besoins du raisonnement, que la société Soprotech ait effectivement supporté une dépense de 20880,51 euros pour assurer la livraison de l’ouvrage, ce sur quoi il conviendra de revenir ultérieurement, la société Soprotech ne peut en déduire, d’un point de vue économique, qu’aucune somme ne pourrait être accordée à la société Sibel Bati en rémunération de ses prestations, alors que la société Soprotech a perçu du maître une somme de 64560 euros TTC au titre des lots de travaux sous-traités à la société Sibel Bati, qu’elle a réglé à cette dernière un acompte limité à 8000 euros en sorte que, même à ajouter la somme de 20880,51euros sus-mentionnée, la société Soprotech n’établit nullement que la marge réalisée sur ce chantier, dont il a d’ailleurs déjà été dit que le caractère bénéficiaire relevait d’un simple postulat, serait anormalement basse, étant précisé qu’elle ne justifie d’aucune manière avoir fait travailler ses propres salariés sur le chantier en cause, sur lequel il apparaît normal que son gérant se soit déplacé, ne serait-ce que pour les réunions de chantier, puisqu’elle était titulaire du marché et avait conservé la réalisation de certains lots.

De l’ensemble de ces éléments, il appert que la société Soprotech ne démontre pas une inexécution suffisamment grave du sous-traité pour être déchargée de la totalité de ses obligations.

Les défauts d’exécution n’étant pas pour autant indifférents, il convient d’établir un compte entre les parties en considération, notamment, des manquements de nature à décharger partiellement la société Soprotech de ses obligations.

— sur le quantum de la créance de la société Sibel Bati

L’évaluation de la prestation de l’appelante doit être réalisée, on l’a dit, sur la base des prix auxquels elle a facturé à la société Soprotech les prestations qui lui ont été sous-traitées.

Sur la facturation totale de la société Sibel Bati, qui s’élève à 40067euros, deux postes critiqués, qui ne figurent pas sur le marché principal, doivent être examinés : les « plus-values » (8928euros TTC) et les « travaux complémentaires » (3600 euros TTC).

La « plus-value » de 8928 euros TTC comptabilisée sur la facture no 505/2016 du 30 décembre 2016 porte sur des travaux réalisés en façade (dépose et découpe palissade, ouverture, découpe et rebouchage de la façade, restructuration de la façade ensuite de la dépose d’un poteau, moulures décoratives). La société Soprotech s’oppose au paiement de cette plus-value au motif qu’il ne peut y avoir de travaux supplémentaires là où la prestation initiale n’a pas été définie. Dès lors qu’il a été retenu, en l’espèce, que la consistance de la prestation initiale était définie, la critique élevée par la société Soprotech est sans emport.

La société Soprotech ne conteste pas que ces travaux de modification de façade, qui n’étaient pas prévus au marché initial sous-traité, ont été réalisés à la demande du maître de l’ouvrage et qu’elle en a confié l’exécution à son sous-traitant. La « plus-value » de 8928euros TTC en résultant sera donc admise.

A titre de travaux supplémentaires, la société Sibel Bati a comptabilisé une somme de 2400 euros TTC sur la facture no 500/2016 du 17 septembre 2016, pour la démolition d’un mur en parpaings scellé au sol et l’évacuation des gravats, puis une somme de 1200 euros TTC sur la facture no 502/2016 du 10 novembre 2016, pour un «déplacement de deux jours et des travaux complémentaires de plâtrerie réalisés à la demande de Soprotech ensuite de l’arrachage du rideau et d’une barre de rideau dans la cabine d’essayage».

Concernant les travaux de démolition, la société Soprotech relève à raison que la société Sibel Bati a facturé deux fois sur la facture du 17 septembre 2016 la démolition d’un mur en parpaing scellé et l’évacuation des gravats, une fois au poste démolition incluant expressément cette prestation et une autre fois à titre de travaux complémentaires. La somme de 2 400 euros TTC comptabilisée au titre de ces travaux complémentaires de démolition sera donc déduite de la facturation.

S’agissant des travaux de plâtrerie facturés le 10 novembre 2016 à hauteur de 1200euros TTC à titre de travaux supplémentaires, la société Sibel Bati ne justifie d’aucune manière que ces travaux lui ont été commandés à titre complémentaire par la société Soprotech et qu’ils ne correspondent pas plutôt, comme le soutient l’entreprise principale, à des travaux qu’elle a réalisés pour lever les réserves du maître de l’ouvrage et qu’elle ne peut facturer à la société Soprotech alors que, ce faisant, elle n’a fait que remédier à sa propre défaillance dans l’exécution de ses obligations.

Dans le doute, et dès lors que la société Sibel Bati n’apporte pas la preuve qui lui incombe de la commande de ces travaux de plâtrerie supplémentaires, la somme de 1200 euros TTC y afférent doit être déduite de la facturation.

Ces rectifications opérées, il apparaît que, avant examen des retards et malfaçons dénoncés par la société Soprotech, le prix des prestations exécutées par la société Sibel Bati peut être fixé à 36467euros TTC (40067€ – 3600€).

La société Soprotech demande que soit déduite de la créance de la société Sibel Bati une somme de 14934,51 euros correspondant aux frais qu’elle indique avoir exposés pour remédier au retard et aux malfaçons imputables à sa sous-traitante, puis une somme de 5946euros correspondant au coût de la main d’œuvre qu’elle a dépêchée pour finir le chantier dans les temps (intérimaires).

La cour relève que la somme de 5946 euros, qui correspond à une facture émise le 12 août 2016 par la société Soprotech elle-même, n’est étayée par aucun élément probant. Le coût supporté pour le paiement d’intérimaires étant déjà intégré dans la demande formée à hauteur de 14934,51euros, il convient d’écarter cette facture de 5946 euros.

La société Sibel Bati ne conteste pas que la société Soprotec a été contrainte de faire appel à des intérimaires et à deux peintres auto-entrepreneurs pour pallier son incapacité à réaliser convenablement les travaux qui lui avaient été commandés dans les délais fixés au marché.

Sur sa facture du 30 décembre 2016, la société Sibel Bati a d’ailleurs appliqué une moins-value de 4329,60 euros TTC, au titre de la mise à disposition sur le chantier, par la société Soprotech, de deux intérimaires (105 heures) et de deux auto-entrepreneurs (35 heures pour un intervenant prénommé T…, 24 heures pour un intervenant prénommé D…).

La société Sopropech justifie avoir réglé, pour deux peintres intérimaires ayant effectué entre le 26 juillet et le 7 août 2016, non pas 75, mais 121 heures de travail, la somme totale de 3591,02euros TTC.

L’entreprise principale justifie en outre avoir réglé à à M. C… et à un autre peintre auto-entrepreneur exerçant sous la dénomination DM Déco, la somme totale de 3850euros.

La société Sibel Bati n’expliquant pas la raison pour laquelle elle a appliqué sur sa facture une moins-value limitée à 4329,60euros alors que la société Soprotech justifie d’une dépense de 7441,02euros, c’est cette somme de 7441,02euros qui sera retenue et déduite de la créance du sous-traitant.

La société Soprotech établit qu’en cours de chantier, la société Sibel Bati, qui ne le conteste pas, a endommagé une enseigne lumineuse qui a dû être remplacée d’urgence par l’entreprise d’électricité générale L…, laquelle a facturé à l’entreprise principale, le 5 septembre 2016, la somme de 1987euros pour la fourniture et le remplacement, de nuit, de l’enseigne en cause. Cette somme de 1987euros sera elle aussi déduite de la créance de la société Sibel Bati.

La société Soprotech produit par ailleurs deux factures Véolia de 1672,79 euros et 859,36 euros portant sur la location mensuelle d’une benne, une facture AFDR 13 de 1500euros portant sur la réalisation d’un poteau, une facture Actif signal de 680,40euros portant sur la fourniture de Leds et une facture […] de 67,03 euros portant sur l’achat de menues fournitures.

La société Soprotech, qui omet sa qualité d’entreprise principale et le fait qu’elle a conservé la réalisation de certains lots du marché, ne justifie ni même n’explique la raison pour laquelle la société Sibel Bati devrait lui rembourser ces dépenses, qui ne seront en conséquence pas pris en compte.

La société Soprotech produit enfin deux factures correspondant à six nuits d’hôtel (486,20 euros) et une série de factures de restauration rapide (240,71euros).

La société Soprotech ne peut sérieusement prétendre, au soutien de sa demande de prise en compte de ces factures, que c’est par la faute de la société Sibel Bati que son gérant a été obligé de se déplacer à plusieurs reprises sur le chantier, à Marseille, alors qu’en tant que titulaire du marché principal, elle en était seule responsable envers le maître de l’ouvrage, qu’elle s’était réservée l’exécution de certains lots et que son gérant était tenu, chaque semaine, de se rendre aux réunions de chantier auxquelles elle était convoquée par le maître d’œuvre en sa qualité d’entreprise principale.

Rien ne justifie en conséquence de déduire de la créance de la société Sibel Bati ces dépenses d’hôtellerie et de restauration.

Au vu de ces éléments, la créance de la société Sibel Bati sera fixée, déduction faite de l’acompte reçu à hauteur de 8000 euros, à la somme de 19038,98euros (40067€ – 8000€ – 3600€ – 7441,02 € – 1987€).

En application de l’article 1134 du code civil pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, par infirmation du jugement entrepris, la société Soprotech sera condamnée à régler à la société Sibel Bati, pour solde du sous-traité litigieux, la somme sus-énoncée de 19038,98euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.

Sur les demandes indemnitaires dirigées contre le maître de l’ouvrage

L’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 énonce en son paragraphe premier que, pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître de l’ouvrage [autre que la personne physique qui construit un logement pour ses besoins personnels] doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 [acceptation et agrément], mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations.

Si cet article 14-1 instaure une obligation dont la méconnaissance engage, sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil, la responsabilité du maître de l’ouvrage, c’est à la condition que celui-ci ait su, d’une manière ou d’une autre, qu’un sous-traitant exécutait tout ou partie des travaux qu’il avait confiés à un entrepreneur principal et que ce sous-traitant ait pu être personnellement identifié par le maître.

La preuve de cette connaissance est libre, mais doit reposer sur des éléments vraisemblables.

Au cas particulier, la société Sibel Bati ne justifie ni même n’allègue s’être manifestée auprès de la société SPM pour l’informer de sa présence sur le chantier ou lui avoir été présentée par la société Soprotech ou le maître d’œuvre.

Il ne résulte pas davantage des comptes rendus de réunions chantier produits aux débats que le maître de l’ouvrage ait participé à ces réunions.

L’examen des comptes rendus montre en effet que le maître de l’ouvrage a été convié à toutes les réunions de chantier, mais que la société SPM n’a participé à aucune de ces réunions, pas même à la première réunion du 11 juillet 2016 à laquelle a assisté M. J… W…, qui n’est pas le représentant légal de la société SPM, mais de la société Sweet pants retails, qui n’est pas le maître de l’ouvrage

Même à admettre que M. W… avait pouvoir de représenter le maître de l’ouvrage, puisque tous les comptes-rendus de chantier lui étaient adressés et qu’il donnait régulièrement des consignes en se présentant comme le représentant du maître, la présence de M. W… à la première réunion de chantier du 11 juillet 2016 ne peut suffire à établir que le maître de l’ouvrage a eu connaissance de l’intervention de la société Sibel Bati sur le chantier alors que la sous-traitante n’a participé à aucune des réunions de chantier, que son intervention ou même son nom n’ont été mentionnés dans aucun des comptes rendus de ces réunions, sur lesquels n’apparaissait que la société Soprotech, et que dans les courriels dont la copie était adressée à M. W… ou à M. S…, le représentant légal de la société SPM, lorsque le maître d’œuvre évoquait la présence de la société Sibel Bati sur le chantier, il le faisait de manière totalement opaque, en présentant M. Y…, le gérant de la société Sibel Bati, comme le «chef d’équipe» de la société Soprotech.

Le seul fait que la société SPM ait été destinataire de courriels dans lesquels, parmi de nombreux autres destinataires, figurait l’adresse « […]» ne peut suffire à établir que le maître de l’ouvrage avait connaissance de la présence sur le chantier de la société Sibel Bati.

Dans ces circonstances, les demandes indemnitaires dirigées contre la société SPM ne peuvent qu’être rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

L’appelante ne justifie pas d’un préjudice indépendant du retard de paiement de la société Soprotech, déjà réparé par l’allocation d’intérêts moratoires.

Les dispositions de l’article 1153 alinéa 4 ancien du code civil ne permettent donc pas de faire droit à sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

La société Soprotech, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et régler à la société Sibel Bati, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait pareillement inéquitable de laisser à la société SPM la charge de la totalité de ses frais irrépétibles.

Nonobstant la charge des dépens, la société Sibel Bati, qui perd son procès contre la société SPM, sera condamnée à lui régler une indemnité de procédure de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision entreprise, mais SEULEMENT en ses dispositions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

L’INFIRME pour le surplus de ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Soprotech à payer à la société Sibel Bati, pour solde du contrat de sous-traitance litigieux, la somme de 19038,98euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017,

DEBOUTE la société Sibel Bati de toutes ses demandes dirigées contre la société SPM,

DEBOUTE la société Sibel Bati de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

CONDAMNE la société Soprotech à payer à la société Sibel Bati la somme de 5000euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Sibel Bati à payer à la société SPM la somme de 2 500euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Soprotech aux dépens de première instance et d’appel,

ACCORDE à Maître Estelle Garnier, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.