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Décisions

Cass. 3e civ., 12 mai 1999, n° 97-13.106

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Nivôse

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, SCP Thomas-Raquin et Benabent

Versailles, 12e ch. civ. sect 1, du 16 j…

16 janvier 1997

Sur le pourvoi formé par la société Entreprise générale Léon Grosse (EGLC), société anonyme, sise ..., et dont le siège social est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 16 janvier 1997 par la cour d'appel de Versailles (12e Chambre civile, 1re Section), au profit de la société SOS murs rideaux, société à responsabilité limitée dont le siège social est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 janvier 1997), que la société Entreprise générale Léon Grosse (société EGLG), entrepreneur principal, a sous-traité l'exécution du lot façades d'un bâtiment à la société Chamebel, depuis en redressement judiciaire, qui a elle-même sous-traité une partie de ces travaux à la société SOS murs rideaux (société SOS) ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Chamebel, celle-ci n'ayant pu obtenir de la société EGLG une délégation de paiement, l'a assignée en règlement du solde de ses travaux ;

Attendu que la société EGLG fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen,

1 ) qu'il résulte des articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1975 que seul l'entrepreneur qui a eu recours au sous-traitant, considéré à son égard comme entrepreneur principal, est tenu de faire accepter celui-ci et de faire agréer les conditions de paiement du sous-traité par le maître d'ouvrage ; qu'ainsi, en déclarant, en l'espèce, qu'il appartenait à la société Léon Grosse, entreprise générale située en tête de la chaîne de sous-traitance, de procéder à la demande d'acceptation de la société SOS murs rideaux, sous-traitant de second rang, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions susvisées ;

2 ) que la société Chamebel avait, certes, fait une demande de délégation auprès de la société Léon Grosse, mais n'avait pas demandé à cette dernière de procéder à la demande d'acceptation de son propre sous-traitant auprès du maître d'ouvrage ; qu'ainsi, en déclarant que la société Chamebel lui avait demandé d'intervenir à cet effet, la cour d'appel a tout à la fois méconnu les termes du litige et dénaturé la demande de délégation de la société Chamebel, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu'en vertu de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, les paiements des sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant doivent être garantis par une caution solidaire et personnelle ou, à défaut, par une délégation de paiement du maître de l'ouvrage dans les termes de l'article 1275 du Code civil ; que seul l'entrepreneur débiteur de son sous-traitant en exécution du sous-traité peut être tenu de garantir ainsi ces paiements ; qu'en mettant une telle obligation à la charge de la société Léon grosse, entrepreneur général à la tête de la chaîne de sous-traitance, en faveur de la société SOS murs rideaux, sous-traitant de second rang, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article susvisé ;

4 ) que la délégation de droit commun suppose le consentement du délégant, du délégué et du délégataire ; que la cour d'appel, qui a constaté que la société Léon grosse avait refusé la demande de délégation de la société Chamebel, a cependant déclaré que les conditions de la délégation de l'article 1275 étaient réunies ; qu'elle a ainsi méconnu de façon flagrante les dispositions de ce texte ;

5 ) que la délégation imparfaite de droit commun laisse subsister les rapports du délégant et du délégataire ; qu'ainsi, le paiement de la société Léon grosse à la société Chamebel ne faisait pas disparaître, dans l'hypothèse d'une délégation, la créance de la société SOS murs rideaux à l'égard de l'entrepreneur principal ; qu'ainsi, en déclarant que celui-ci avait payé le délégant en fraude des droits du délégataire, la cour d'appel a violé les articles 1275 et 1382 du Code civil ;

6 ) que pour tenter, malgré tout, de justifier la fraude, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que la société Léon Grosse "ne pouvait ignorer, en juillet 1992, qu'elle réglait une société en redressement judiciaire", ayant observé que ce redressement était intervenu également en juillet 1992, sans constater que la date de ce paiement ait été postérieure au redressement judiciaire de la société Chamebel et sans justifier, le cas échéant, de ce que la première ait nécessairement su, lors du prétendu paiement, que son sous-traitant venait d'être déclaré en redressement judiciaire ; qu'elle a, en statuant de la sorte, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

7 ) que la société SOS murs rideaux n'a nullement fait état d'un paiement frauduleux de la société Léon grosse à son égard ; qu'ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société EGLG était fautive d'avoir refusé la demande de délégation formulée le 26 mai 1992 par la société SOS, au motif que le sous-traitant n'avait pas été déclaré au maître de l'ouvrage et ne pouvait bénéficier d'une procédure spéciale de paiement, que la société Chamebel demandait cette délégation des sommes dues pour le compte du second sous-traitant la société SOS, non à l'intention du maître de l'ouvrage, mais comme une délégation des sommes dues en sa qualité de sous-traitant auprès de son propre entrepreneur principal la société EGLG, qu'en application de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, visé dans l'acte de délégation, cet entrepreneur principal avait l'obligation, à défaut de fournir caution, de saisir à son tour le maître de l'ouvrage, et retenu que la défaillance de la société EGLG, qui s'était abstenue de satisfaire aux obligations de cet article 14, avait constitué un abus, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, a, sans modifier l'objet du litige, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.