Cass. 3e civ., 8 juillet 2015, n° 13-14.348
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Georget
Avocat général :
M. Petit
Avocats :
Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2013), que la société civile immobilière dénommée Société de gestion X... et ses enfants (la SOGEB) a été constituée pour acquérir et exploiter un immeuble ; que la société Bruxys a acquis les deux tiers des parts sociales de la SOGEB, M. X... en détenant un tiers ; qu'une assemblée générale a voté, le 15 janvier 2009, une augmentation de capital social, destinée à financer le coût de travaux à entreprendre avant de remettre l'immeuble en location ; que cette augmentation de capital, réalisée avec droit préférentiel de souscription et sans prime d'émission, a été souscrite en totalité par la société Bruxys ; qu'une assemblée générale, réunie le 30 mars 2009, a modifié l'objet social pour que la gestion de « tous immeubles et biens immobiliers », et que la « cession » d'immeubles y soit explicitement prévues ; que le 15 avril 2009 la SOGEB a signé une promesse synallagmatique de vente de l'immeuble ; que les assemblées générales des 21 juin 2010, 23 juin 2011 et 10 juillet 2012, ont affecté la totalité du résultat en réserves ; que M. X... a assigné la société Bruxys, la SOGEB et ses trois gérants successifs aux fins, notamment, d'annulation de certaines décisions collectives, et de liquidation de la société avec désignation d'un liquidateur judiciaire ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que l'associé majoritaire avait entièrement souscrit à l'augmentation du capital à laquelle, nonobstant l'absence de prime d'émission, M. X... n'avait pu participer eu égard à sa situation de fortune, au très court délai imparti et à l'importance de l'augmentation, qu'auparavant détenteur du tiers du capital social, M. X... avait vu sa part réduite à 11, 1 % après l'opération, qu'alors que l'augmentation du capital social était exclusivement justifiée par la nécessité de financer le coût de travaux de rénovation, ces travaux n'avaient été réalisés qu'à hauteur de 5, 90 %, que la SOGEB avait régularisé une promesse de vente avec un tiers le 15 avril 2009, l'acte de vente ayant été signé le 9 juin suivant, que dès le 12 mars 2009 une assemblée générale était convoquée aux fins de modification des statuts pour permettre la cession de l'immeuble, et retenu, sans dénaturation, qu'il résultait du rapport de gestion pour l'exercice clos au 31 décembre 2009 que la perspective d'une vente, qui rendait inutile une entreprise de rénovation d'envergure, était envisagée dès le début de l'année 2009, qu'une facture d'une société spécialisée dans le diagnostic amiante-réglée par la SOGEB au mois d'avril 2009- avait été établie dans le courant du mois de mars précédent, comme l'ensemble des études et autres diagnostics obligatoires à la charge du vendeur, tous datés de la mi-mars, que compte tenu du délai normal d'établissement et d'obtention d'un tel nombre de documents, de nature et d'origine diverses, lesquels ne s'imposent que lorsque la vente est quasi parfaite, soit à l'issue de pourparlers dont la durée est nécessairement liée à l'importance de la transaction, la seule existence de ces pièces au mois de mars 2009 établissait qu'à la date à laquelle l'assemblée générale du 16 janvier 2009 avait décidé de l'augmentation du capital, le principe d'une vente de l'immeuble, à très court terme, était déjà acquis, la cour d'appel, qui a pu en déduire que l'augmentation de capital était contraire à l'intérêt social dès lors qu'elle se trouvait sans cause légitime, et n'avait pour seul objet que de diluer la participation de M. X... avant que le produit de la vente ne soit perçue par la SOGEB, a, par ces seuls motifs, sans statuer par des motifs dubitatifs ou hypothétiques ni être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision d'annuler la délibération pour abus de majorité ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Bruxys fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la résolution de l'assemblée générale du 30 mars 2009 relative à la modification de l'objet social, de prononcer la dissolution de la SOGEB, de désigner M. Y... en qualité d'administrateur avec mission de procéder aux opérations de liquidation, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ne peuvent pas refuser d'interpréter un acte ambigu ; qu'en l'espèce l'article 23 des statuts stipulait que les modifications statutaires « ne pourront être réalisées que si l'assemblée générale extraordinaire réunit un quorum non dégressif des trois/ quart des associés et statuant à une majorité des trois/ quart des associés » ; que cette clause nécessitait d'être interprétée dès lors que tout en affirmant comme suffisant un quorum des 3/ 4 des associés, sa mise oeuvre impliquait, de fait, la présence de tous dès lors que le nombre des associés devenait inférieur à quatre ; qu'en refusant cependant d'interpréter cette clause au prétexte qu'elle aurait été claire et non équivoque, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du titre X du livre III du code civil ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ; que dès lors n'est pas nulle la délibération prise en violation des règles statutaires relatives aux conditions de majorité requise dérogeant, tel qu'il l'autorise, à l'article 1836 du code civil qui n'est donc pas impératif ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1844-10, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le principe d'unanimité, sauf clause contraire, pour modifier les statuts, posé par l'article 1836 du code civil, relevait des dispositions impératives du titre visé par l'article 1844-10 du même code, la cour d'appel, sans être tenue d'interpréter un texte clair, en a déduit à bon droit que la méconnaissance des règles statutaires de majorité renforcée requise pour la modification des statuts était sanctionnée par la nullité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la décision systématique de report de la totalité du bénéfice privait sur plusieurs exercices l'associé minoritaire de la perception de tout dividende, alors que, de surcroît, l'objet social de la SOGEB, cantonné à l'achat et à la gestion d'un seul bien immobilier, désormais vendu, ne justifiait pas la réalisation de nouveaux investissements, et que les décisions prises ne pouvant s'autoriser ni de l'objet social, ni des perspectives financières de la société civile, et ayant eu pour seul objet d'affecter la totalité de la trésorerie de la SOGEB à des avances au bénéfice des sociétés de l'associé majoritaire, au détriment de l'associé minoritaire, la cour d'appel a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision d'annuler les résolutions pour abus de majorité ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche et le quatrième moyen, réunis, ci-après annexé :
Attendu que la cassation n'étant pas prononcée sur le deuxième moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.