Cass. com., 4 novembre 2020, n° 18-20.409
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 mai 2018), la SARL [...] (la société) a pour associés quatre frères, MM. E..., K..., W... et F... O..., le premier détenant 40 % du capital et les trois autres associés 20 % chacun. MM. W... et F... O... sont cogérants de la société. Chacun des associés est salarié de la société.
2. Reprochant à ses frères d'avoir décidé, au cours des assemblées générales de 2010 à 2016, l'affectation systématique des bénéfices en réserves, M. E... O... les a assignés, ainsi que la société, en paiement de dommages-intérêts pour abus de majorité et en réparation de son préjudice moral.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. E... O... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que M. E... O... soutenait que les importantes augmentations de salaires ne pouvaient trouver une justification dans les heures supplémentaires effectuées par ses trois associés dès lors qu'en leur qualité de « cadres dirigeants », ils ne pouvaient, sauf à méconnaître l'article L. 3111-2 du code du travail, s'octroyer une rémunération à raison de ces heures de travail supplémentaires ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces conclusions de nature à établir un abus de majorité, dès lors que ces importantes augmentations – concomitantes à une mise en réserve systématique des bénéfices –, ne trouvaient pas d'autres justifications, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'abus de majorité est caractérisé dès lors que les associés majoritaires salariés mettent systématiquement en réserve les bénéfices de la société tout en augmentant très fortement leurs salaires –, ce qui prive de tout revenu l'associé minoritaire non salarié –, sans qu'importe la circonstance inopérante prise de ce que les réserves viennent garantir les investissements réalisés par la société ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté une mise en réserve systématique des bénéfices depuis l'exercice 2009, concomitante à des augmentations de salaires très élevées des trois associés, privant ainsi M. E... O... de tout revenu provenant de la société, ne pouvait, dès lors qu'étaient sans importance les besoins de garantir les investissements réalisés, écarter tout abus de majorité sans violer les articles 1382 devenu 1241, 1832 et 1844-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé que l'abus de majorité est caractérisé lorsque la décision d'assemblée générale contestée est contraire à l'intérêt social et qu'elle a pour but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires, l'arrêt relève que la société avait entrepris des travaux de construction d'une centrale d'assainissement, projet pour lequel elle avait souscrit, en 2013, un emprunt de 1,7 millions d'euros sur quinze ans, garanti par une hypothèque et par un nantissement sur le compte-titres de la société à hauteur d'un million d'euros et dont M. E... O..., qui l'avait initié lorsqu'il était gérant, ne contestait pas le grand intérêt. L'arrêt retient ensuite qu'il était nécessaire, pour obtenir le prêt, et au vu du montant de l'investissement et des revenus de la société, que cette dernière mette en réserve ses bénéfices, afin d'offrir des garanties aux banques puis, qu'une fois le prêt obtenu, il était de bonne et prudente gestion de continuer à mettre en réserve les bénéfices afin d'assurer à la société une capacité de remboursement sûre et durable, et ce d'autant plus qu'il était établi que dès l'année 2000, la société avait également conclu des contrats de crédit-bail pour financer l'acquisition de nouveaux véhicules.
5. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que les décisions de mise en réserve des bénéfices n'étaient pas contraires à l'intérêt social, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions, dès lors inopérantes, invoquées par la première branche, a pu retenir que l'abus de majorité allégué n'était pas constitué.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.