Cass. 3e civ., 29 octobre 2003, n° 02-10.734
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 juin 2001), que la société Effort rémois (ER), maître de l'ouvrage, a, pour la construction d'un groupe d'immeubles, confié le lot "fondations spéciales-Béton armé" à la société Remco Europe (Remco), qui a sous-traité les fondations spéciales à la société Soletanche ; que cette dernière a été acceptée en qualité de sous-traitante et ses conditions de payement agréées par le maître de l'ouvrage le 13 mai 1998 ; que, n'ayant pas été réglée du prix de ses travaux par l'entrepreneur principal, placé en liquidation judiciaire le 30 juin 1998, et ayant vainement tenté d'exercer l'action directe contre le maître de l'ouvrage, la société Solétanche a assigné ce dernier en réparation ;
Attendu que la société ER fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et de la condamner à verser une certaine somme à la société Solétanche, alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation du maître de l'ouvrage de mettre en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter des obligations qui lui incombent aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 doit être exécutée dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle le maître de l'ouvrage a eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier ; que l'exécution par l'entrepreneur de ses obligations dispense le maître de l'ouvrage de formuler ladite mise en demeure, en sorte que le maître de l'ouvrage peut être regardé comme ayant satisfait à son obligation de mise en demeure au jour de la demande d'agrément formulée par l'entrepreneur principal, ou au plus tard au jour de cet agrément; que pour retenir la faute de la société Effort rémois pour inexécution de son obligation de mise en demeure, les juges du fond ont relevé qu'elle avait eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier dès le début des travaux sous-traités, soit le 20 mars 1998, et que l'agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage était intervenu le 13 mai 1998 ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le délai entre ces deux dates n'était pas raisonnable, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2 / que le maître de l'ouvrage a pour obligation, lorsqu'il a connaissance de la présence d'un sous-traitant sur le chantier, de mettre en demeure l'entrepreneur de faire accepter ce sous-traitant, et une fois ce sous-traitant accepté, d'exiger de l'entrepreneur qu'il justifie avoir fourni une caution si le sous-traitant ne bénéficie pas d'une délégation de paiement ; que le maître de l'ouvrage n'est pas tenu, en revanche, d'exiger la mise en place d'une délégation de paiement ; qu'en retenant pourtant la responsabilité de la société Effort rémois, faute par elle d'avoir exigé la mise en place d'une délégation de paiement, les juges du fond violent l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
3 / que pour écarter le moyen par lequel la société Effort rémois faisait valoir que, aurait-elle manqué à ses obligations, sa faute n'avait généré aucun préjudice pour le sous traitant dés lors que l'entrepreneur principal n'était pas en mesure, eu égard à sa situation financière, d'obtenir une garantie bancaire, les juges du fond ont estimé qu'il convenait, pour apprécier la responsabilité de la société Effort rémois à l'égard du sous-traitant, de se placer non au jour de l'acceptation de ce sous-traitant par le maître de l'ouvrage, mais au jour où ce dernier avait eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier ; qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que la situation financière de la société REMCO, entrepreneur principal, au jour où la société Effort rémois avait eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier, lui aurait permis d'obtenir une garantie bancaire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil.
Mais attendu qu'ayant relevé que la société ER, qui avait accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de payement, s'était abstenue d'exiger de la société Remco, entrepreneur principal, la fourniture du cautionnement bancaire imposé par la loi, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la mise en place d'une délégation de payement, a légalement justifié sa décision en retenant que la faute ainsi commise par le maître de l'ouvrage avait causé à la société Solétanche un préjudice direct en la privant du règlement de sa facture de travaux ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.