Cass. 3e civ., 26 novembre 2003, n° 02-13.094
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Lardet
Avocat général :
M. Guérin
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 juin 2001), que la société civile immobilière La Tour d'Auvergne (la SCI), maître de l'ouvrage, a chargé de la réalisation du lot "cuisinettes" dans la construction d'un immeuble la société Alem, qui a sous-traité une partie de ces travaux à la société SD Pro ; que cette société, n'ayant pas été réglée de ses travaux, a sollicité du maître de l'ouvrage le bénéfice de l'action directe prévue par la loi du 31 décembre 1975, ou subsidiairement des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 14-1 de cette même loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société SD Pro fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action directe, alors, selon le moyen, que le maître de l'ouvrage, qui a méconnu l'obligation, mise à sa charge par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de mettre en demeure l'entrepreneur principal de faire procéder à l'agrément des conditions de paiement de son sous-traitant, ne peut opposer au sous-traitant qu'il a agréé le défaut d'acceptation de ses conditions de paiement pour faire obstacle à l'action directe exercée à son encontre ; qu'en constatant expressément que la SCI La Tour d'Auvergne avait manqué à son obligation de mettre en demeure l'entrepreneur principal de faire procéder à l'agrément des conditions de paiement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé les articles 3 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le maître de l'ouvrage, s'il avait bien accepté la société SD Pro en qualité de sous-traitant, n'avait pas agréé même tacitement les conditions de paiement du contrat de sous-traitance, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société SD Pro ne pouvait exercer l'action directe ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu que le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3, mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces obligations ; que si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution ;
Attendu que pour rejeter la demande des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, l'arrêt retient que la société SD Pro ne justifie ni même n'allègue qu'elle serait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance auprès de l'entrepreneur principal, et ne fait notamment pas état d'une suspension des poursuites à l'encontre de cet entrepreneur qui l'empêcherait d'exercer une action en recouvrement ; qu'elle n'établit donc pas que la faute de la SCI, qui n'a pas mis en demeure l'entrepreneur principal de faire agréer les conditions de paiement du sous-traité, lui a causé un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, une condition relative au recouvrement préalable infructueux de la créance qu'il ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société SD Pro en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, l'arrêt rendu le 25 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.