Cass. 1re civ., 10 juin 1986, n° 84-17.087
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Bornay
Avocat général :
M. Charbonnier
Avocats :
Me Vincent, Me Defrénois, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Attendu que le 21 juillet 1978, un incendie a endommagé un bâtiment d'exploitation du domaine de la Maucuêche, dont M. Y..., originairement fermier, était devenu également nu-propriétaire à la suite de deux actes d'acquisition par lesquels M. Bernard d'X..., le 12 juin 71, puis Mme Isabelle d'X... épouse d'Urbal, le 2 août 1973, lui avaient cédé leurs droits respectifs de nu-propriétaires sur ce domaine dont leur mère, Mme veuve d'X... s'était réservé l'usufruit ; que M. Y..., qui avait souscrit le 16 juin 1971 une assurance incendie en sa qualité de " nu-propriétaire exploitant " auprès de la caisse régionale des Mutuelles agricoles Drôme-Ardèche (la Caisse) a assigné en indemnisation : 1° ladite Caisse, 2° la compagnie G.A.N., venant aux droits de la compagnie La Nationale auprès de laquelle M. Bruno d'X..., père de Bernard et d'Isabelle, décédé en 1965, avait souscrit le 20 juillet 1963 une police incendie en sa qualité de " propriétaire non exploitant " du domaine loué à ferme, police dont ses héritiers avaient acquitté sans interruption les primes à chaque échéance annuelle ; que la Cour d'appel a accueilli le recours de M. Y... dirigé contre la Caisse et a mis hors de cause la compagnie G.A.N. ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse reproche à la Cour d'appel de l'avoir seule condamnée à indemniser M. Y... au motif que l'assurance souscrite en 1963 par M. d'X... a été transmise à son décès à sa veuve et que celle-ci n'a pu la transmettre à ses enfants en vertu de l'acte de donation-partage du 11 juillet 1966 puisqu'elle s'y réservait l'usufruit de l'intégralité du domaine, alors que, selon le moyen, l'arrêt attaqué a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que toutes les parties s'étaient accordées pour admettre que la police souscrite en 1963 avait été transmise en 1965 non pas à Mme veuve d'X... mais à l'indivision successorale de feu Bruno d'X..., en application de l'article L. 121-10 du Code des assurances, aux termes duquel en cas de décès de l'assuré ou d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'héritier ou de l'acquéreur à charge par celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis à vis de l'assureur en vertu du contrat ;
Mais attendu que l'opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige et que le juge ne saurait être lié par cette opinion ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Le rejette ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 121-10 du Code des assurances ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, en cas de décès de l'assuré ou d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'héritier ou de l'acquéreur à charge par celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat ; que cette disposition impérative s'applique en cas de pluralité d'héritiers ou d'acquéreurs, notamment en matière de donation-partage aux acquéreurs successifs, ainsi qu'aux cessions de nue-propriété ou d'usufruit ;
Attendu que la police souscrite auprès de la compagnie G.A.N. par Bruno d'X... couvrait non seulement l'usufruit mais la nue-propriété du domaine et qu'en se déterminant au motif que Mme veuve d'X... n'avait pu transmettre à ses enfants, lors de la donation-partage de 1966, le bénéfice de l'assurance parce qu'elle s'y réservait l'usufruit sur l'intégralité du domaine, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie GAN et, par voie de conséquence, en ce qu'il a condamné pour le tout la Caisse Régionale des Mutuelles Agricoles Drôme-Ardêche, l'arrêt rendu le 9 octobre 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Chambéry.