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Décisions

CA Versailles, 4e ch., 14 novembre 2016, n° 15/06177

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Gertop Polytechnique du CCS (SARL)

Défendeur :

Société La Crêperie du Port (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Azogui Chokron

Conseillers :

Mme Manes, Mme Daunis

Avocat :

Me Benitez De Lugo

T. com. Pontoise, du 12 juin 2015, n° 20…

12 juin 2015

FAITS ET PROCEDURE,

La société Mac a confié à la société Gertop Polytechnique du CCS (la société Gertop), spécialisée dans les travaux d'eau et de gaz, la sous traitance de travaux de plomberie d'un chantier situé rue du Diablotin à Pontoise (Val d'Oise).

Par acte signifié le 30 avril 2004, la société Gertop a fait assigner la société La Crêperie du Port, maître d'ouvrage, à comparaître devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer le montant de la facture des travaux réalisés et non réglés par l'entrepreneur principal.

Par jugement rendu le 12 juin 2015, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- Déclaré la société Gertop mal fondée en son action directe contre la société La crêperie du port, prise en sa qualité de maître d'ouvrage ;

- Débouté la société Gertop de toutes ses demandes au titre de sa créance envers la société MAC, y compris sa demande à hauteur de 3.000 euros en réparation de son préjudice économique ;

- Débouté la société Gertop de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Gertop aux dépens de l'instance ;

- Dit sans objet l'exécution provisoire du présent jugement.

La société Gertop a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la société La Crêperie du Port les 9 juillet 2015 (affaire enregistrée sous le n° RG 15/5100) et 20 août 2015 (affaire enregistrée sous le n° RG 15/6177).

Par ordonnance rendue le 1er septembre 2015, la jonction de ces procédures a été prononcée. Elles se poursuivent désormais sous le seul numéro n° 15/6177.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 septembre 2015, la société Gertop Polytechnique du CCS demande à la cour, au visa des articles 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, 1382 et 1153 du code civil, de :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Condamner la société La Crêperie du Port à lui verser les sommes de :

* 13.014,29 € au principal, assortie des intérêts à taux légal à compter de la mise en demeure du 6 février 2014, et à titre subsidiaire à compter du 30 avril 2014, date de saisine du tribunal de commerce,

* 3.000 € en réparation de son préjudice économique subi,

A titre subsidiaire,

- Condamner la société La Crêperie du Port à lui régler la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations définies à l'article 14-1 de la loi n°75-13-34 du 31 décembre 1975,

- Condamner la société La Crêperie du Port à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel et aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions de la société Gertop ont été signifiées à personne habilitée par acte d'huissier de justice en date du 22 octobre 2015.

La société La Crêperie du Port n'ayant pas constitué avocat, le présent arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 septembre 2016.

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SUR CE :

Sur les demandes principales

La société Gertop fait valoir que l'absence de remise de la copie de la mise en demeure adressée au maître d'ouvrage par le sous-traitant est sans incidence sur l'action directe de ce dernier.

Au surplus, selon elle, la production de sa créance auprès du mandataire judiciaire de la société Mac, entreprise principale, vaut mise en demeure.

L'article 12, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975 dispose que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.

Il résulte expressément de cette disposition que le sous-traitant n'a d'action directe contre le maître de l'ouvrage que si l'entrepreneur ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure.

La mise en demeure de l'entrepreneur principal constitue donc une exigence préalable à l'exercice de l'action directe du sous-traitant contre le maître d'ouvrage.

On sait que le débiteur n'est constitué en demeure que par une sommation ou un acte équivalent contenant interpellation suffisante sur la nature et la portée des obligations contractuelles que le créancier lui demande d'exécuter.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, la déclaration de créance (pièce 6) ne peut valoir mise en demeure en ce qu'elle se borne à 'produire une créance' entre les mains du mandataire judiciaire de la société Mac, entreprise principale, mais n'interpelle nullement le débiteur sur l'obligation qui lui est faire d'avoir à s'exécuter.

En outre, l'assignation devant le tribunal de commerce en date du 30 avril 2014 faite à la société La Crêperie du Port, maître d'ouvrage, concerne les rapports entre le sous-traitant et le maître d'ouvrage de sorte qu'un tel acte, qui n'a pas été signifié à l'entrepreneur principal, lequel n'est pas partie à cette procédure, ne peut constituer la mise en demeure préalable requise par l'article 12 susvisé et ne satisfait donc pas aux exigences de ce texte.

Il découle de ce qui précède que les conditions d'application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ne sont pas réunies.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Force est de constater, en outre, que la société Gertop ne développe aucuns moyens ni arguments pour justifier la réformation du jugement qui a rejeté sa demande en paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice économique allégué.

Dans ces conditions et compte tenu des développements qui précèdent, cette demande injustifiée ne saurait être accueillie.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur la demande subsidiaire

Devant cette cour, se fondant sur les dispositions de l'article 14-1 de la loi précitée, la société Gertop sollicite la condamnation de la société La Crêperie du Port, en sa qualité de maître d'ouvrage, à lui régler la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 14-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations.

Le maître d'ouvrage, qui reste passif alors qu'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant que l'entreprise principale n'a pas soumis à son acceptation, doit, dès lors, indemniser le préjudice subi par le sous-traitant impayé.

Cette action indemnitaire est ouverte aux seuls sous-traitants qui ont été personnellement identifiés par le maître de l'ouvrage.

La preuve de cette connaissance incombe au sous-traitant.

En l'espèce, force est de constater que la société Gertop se borne à affirmer que le maître d'ouvrage a eu 'connaissance de la présence d'un sous-traitant sur son chantier' sans le démontrer. A cet égard, la seule production d'une lettre (pièce 7) dactylographiée, qui émanerait de M. L., gérant de la société La Crêperie du Port, mais dont la signature ne figure pas sur celle-ci et dont le cachet est lui-même illisible, ne saurait satisfaire aux exigences du texte susvisé.

Il découle de ce qui précède que la société Gertop, sur qui pèse la charge de la preuve, est défaillante et ne saurait dans ses conditions obtenir la condamnation de la société La Crêperie du Port à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'appelante n'est pas fondée à critiquer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Succombant à la procédure d'appel, elle en supportera les dépens et sera, en équité, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous traitance,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Gertop Polytechnique du CCS aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.