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Décisions

Cass. com., 3 décembre 2002, n° 00-14.704

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Paris, 5e ch. civ. A, du 23 févr. 2000

23 février 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'avant sa mise en redressement puis en liquidation judiciaires, la société Comex BTP a cédé, selon les modalités de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, à la Banque de l'entreprise, aux droits de laquelle se trouve le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), les créances qu'elle détenait sur la société Stim Bâtir, aux droits de laquelle se trouve la société Bouygues immobilier au titre de travaux de construction que celle-ci lui avait confiés et qu'elle avait pour partie sous-traités ; qu'à la demande de règlement de la banque, la société Stim Bâtir a opposé les paiements effectués par elle au profit de la société Comex BTP, postérieurement à la notification des cessions litigieuses, en faisant valoir que les créances étaient exclusivement afférentes à des prestations sous-traitées et s'est en outre prévalue d'une exception de compensation entre les créances cédées et celles, connexes, dont elle se prétendait titulaire au titre d'indemnités dues par l'entrepreneur pour retards et abandon de chantier ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Bouygues immobilier fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses contestations, alors, selon le moyen :

1 ) que sauf constitution d'une caution personnelle et solidaire donnée par un établissement qualifié, est nulle toute cession à un tiers par un entrepreneur d'une créance correspondant au prix de travaux sous-traités ; que, dès lors, en condamnant le maître de l'ouvrage à payer à la banque cessionnaire une somme incluant les créances nées de travaux sous-traités, la cour d'appel a violé ensemble les articles 13-1, 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 ainsi que les articles 5 et 6 de la loi du 2 janvier 1981 ;

2 ) qu'à supposer que la sanction de l'interdiction de la cession par un entrepreneur d'une créance représentant des travaux sous-traités réside dans la seule inopposabilité de l'acte, le maître de l'ouvrage, qui a intérêt à ne pas payer deux fois les mêmes sommes, a nécessairement qualité pour s'en prévaloir ; qu'en réservant aux seuls sous-traitants le bénéfice de l'inopposabilité de la cession des créances ne correspondant pas aux travaux effectués personnellement par l'entrepreneur principal, la cour d'appel a derechef violé les articles 13-1, 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 ainsi que les articles 5 et 6 de la loi du 2 janvier 1981 ;

Mais attendu, d'une part, que loin d'avoir violé les textes visés au moyen, la cour d'appel a, au contraire, exactement décidé que les cessions de créances pratiquées en contravention à l'interdiction édictée par l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, n'étaient pas nulles mais seulement inopposables aux sous-traitants concernés ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le litige ne concernait que les rapports entre le créancier cédant, le débiteur cédé et le banquier cessionnaire des créances litigieuses mais qu'aucun sous-traitant, dont la disposition précitée de la loi du 31 décembre 1975 a pour objet de préserver le droit d'action directe, n'exerçait cette action, la cour d'appel en a déduit à bon droit, qu'en l'absence de tout conflit entre les sous-traitants et le banquier cessionnaire, le débiteur cédé n'était pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 13-1, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1981, qui étaient sans application en l'espèce ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981, devenu l'article L. 313-28 du Code monétaire et financier, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la société Bouygues Immobilier à payer le montant intégral des créances cédées, l'arrêt décide qu'elle n'est pas fondée à opposer la compensation à la banque dès lors qu'en réglant directement la société Comex BTP elle avait renoncé à faire valoir les exceptions fondées sur ses rapports avec cette dernière résultant d'événements postérieurs à ce paiement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la notification de la cession de créance, dès lors que cette cession n'a pas été acceptée par le débiteur, ne met pas obstacle à l'exercice ultérieur par lui des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, en particulier sur la compensation entre créances connexes dont ils seraient réciproquement titulaires, et que le fait d'avoir payé des situations de travaux à la date de leur établissement n'impliquait pas nécessairement renonciation du maître de l'ouvrage à demander ultérieurement à l'entrepreneur l'indemnisation de préjudices liés à la mauvaise exécution du contrat pouvant être nés ou avoir été révélés postérieurement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les paiements effectués par la société Stim Bâtir à la société Comex BTP postérieurement à la notification des cessions de créance avait valu renonciation de la première à se prévaloir contre la seconde de l'exception de compensation pour des événements survenus postérieurement à ces paiements, l'arrêt rendu le 23 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.