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Décisions

Cass. 3e civ., 18 juin 2003, n° 00-22.578

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Paris, 23e ch. civ. A, du 27 sept. 2000

27 septembre 2000

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2000), qu'en 1996, la société Zurich Assurances, maître de l'ouvrage, a, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Bureau Technique et de Vérification (société BTAV), assurée par la société Axa Assurances venant aux droits de la compagnie Union des Assurances de Paris, chargé la société Seci, entrepreneur, des travaux de "démolition, structures, maçonnerie, plâtrerie" dans la rénovation d'un groupe de bâtiments ; que cette dernière a sous-traité des travaux de flocage à la société Ruaud Industries ; qu'après mise en redressement judiciaire de la société Seci qui avait été payée de l'intégralité de ses travaux, la société Ruaud Industries a sollicité du maître de l'ouvrage des dommages-intérêts fondés sur l'article 14-1 de la loi du 31 janvier 1975 ; que la société Zurich Assurances a formé un recours en garantie contre la société BTAV ;

Attendu que la société Zurich Assurances fait grief à l'arrêt de rejeter ce recours, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel, d'une part, que le "CCAP" mettait à la charge du maître d'oeuvre BTAV le "rôle" de "recevoir des entreprises les demandes des entrepreneurs principaux et de les transmettre au maître de l'ouvrage (voir article 14-2-2)" ; d'autre part, que "l'imprimé intitulé demandes d'acceptation du sous-traitant et d'agrément de ses conditions de paiement en date du 4 juin 1996 signé par l'entrepreneur principal et son sous-traitant", a été "transmis par le maître d'oeuvre à la société Zurich Assurances par courrier du 29 novembre 1996" et donc que le maître d'oeuvre BTAV "a transmis tardivement" le "dossier de demande d'agrément" au maître d'ouvrage Zurich, qui ne l'a signé que le 5 décembre 1996 ; enfin, que l'entrepreneur principal Seci "a été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du 10 avril 1997" ; que, par ailleurs, il était acquis aux débats que le maître de l'ouvrage Zurich avait payé le 18 novembre 1996 à l'entrepreneur principal Seci le montant des travaux réalisés par le sous-traitant au 31 octobre 1996 et que l'entrepreneur principal Seci avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 26 novembre 1996 ; qu'il résultait de ce qui précède que le maître d'oeuvre BTAV devait sa garantie au maître de l'ouvrage Zurich, pour avoir commis envers lui la faute causale d'avoir exécuté tardivement son obligation de transmission de la demande d'acceptation du sous-traitant, près de six mois après l'avoir reçue, deux mois après avoir reçu les attestations de l'assureur Axa et du GARP, onze jours après le paiement des travaux sous-traités et trois jours après l'ouverture de la procédure collective de l'entrepreneur principal Seci ayant contraint le sous-traitant Ruaud Industries à produire au passif chirographaire et conduit à assigner en responsabilité le maître de l'ouvrage Zurich ; que, dès lors, en rejetant le recours en garantie, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

2 / qu'au surplus, en rejetant le recours en garantie, sans rechercher si le maître d'oeuvre BTAV n'avait pas commis une faute causale envers le maître de l'ouvrage Zurich, en ayant omis, à réception de la demande d'acceptation du sous-traitant Ruaud Industrie du 4 juin 1996, de mettre en demeure celui-ci de produire les attestations de son assureur Axa et du GARP, sans attendre de les recevoir les 16 et 24 septembre 1996, soit trois mois plus tard, à une époque où la situation financière de l'entrepreneur principal Seci annonçait la procédure collective ouverte le 26 novembre 1996, soit deux mois plus tard, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

3 / qu'en outre, en rejetant le recours en garantie, sans rechercher si le maître d'oeuvre BTAV n'avait pas commis une faute causale envers le maître de l'ouvrage Zurich en ayant transmis à sa signature une demande d'acceptation insusceptible d'ouvrir au sous-traitant Ruaud Industries les droits prévus par la loi du 31 décembre 1975, en ce que, comme le constate la cour d'appel, avait été rayée "la rubrique : b) agrément de ses conditions de paiement de son marché", la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134,1147 et 1149 du Code civil ;

4 / qu'en outre, comme le faisait valoir le maître d'ouvrage Zurich dans ses conclusions d'appel, l'architecte et maître d'oeuvre avec mission complète BTAV était débiteur envers lui d'une obligation contractuelle d'information et de conseil, qui lui imposait d'attirer l'attention de son mandant sur la nécessité de mettre en demeure l'entrepreneur principal Seci de présenter une demande d'acceptation du sous-traitant Ruaud Industries et d'agrément de ses conditions de paiement, puis de mettre ce dernier en demeure de produire les attestations de son assureur Axa et du GARP, enfin de signer sans délai la demande, afin de régulariser la situation du sous-traitant Ruaud Industries sur le chantier et de lui ouvrir le bénéfice des droits prévus à la loi du 31 décembre 1975 ;

qu'il n'importait que le maître de l'ouvrage Zurich fût ou non compétent en matière de gestion de parc immobilier de compagnie d'assurances, dès lors qu'il avait donné mandat au maître d'oeuvre BTAV dont, au surplus, la mission complète couvrait la transmission des demandes d'acceptation des sous-traitants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147, 1149 et 1984 du Code civil ;

5 / qu'en rejetant le recours en garantie, sans rechercher si le maître d'oeuvre BTAV n'avait pas commis une faute causale envers le maître de l'ouvrage Zurich en lui ayant demandé de régler à l'entrepreneur principal Seci le montant des travaux de flocage du sous-traitant Ruaud Industries, sans s'être préalablement assuré de la régularisation de ce dernier sur le chantier au regard de la loi du 31 décembre 1975 ni s'assurer de la solvabilité de l'entrepreneur principal Seci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

Mais attendu que, saisie de conclusions de la société Zurich Assurances soutenant que la société BTAV avait manqué à son devoir de conseil et à son obligation de renseignement, en ne l'informant pas de l'obligation légale lui incombant au titre de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 autrement qu'en lui adressant tardivement sans explication la demande d'agrément de la société Ruaud Industries, et ayant constaté que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) contractuel disposait, dans un article sur la sous-traitance visant expressément les lois des 31 décembre 1975 et 6 janvier 1986, que le rôle du maître d'oeuvre était de recevoir les demandes des entrepreneurs principaux et de les transmettre au maître de l'ouvrage et que la société BTAV avait rappelé leurs obligations aux entrepreneurs souhaitant faire appel à des sous-traitants ainsi que la liste des pièces devant nécessairement accompagner les demandes dans un document annexé à chaque procès-verbal de chantier diffusé au maître de l'ouvrage et que la transmission tardive par le maître d'oeuvre du dossier incomplet de la société Ruaud Industries avait pour origine la carence de la société Seci, et ayant retenu, appréciant souverainement la portée des engagements des parties, que, parfaitement à même, en raison de sa compétence en matière de droit immobilier et de passation des marchés, de savoir, par la diffusion de ces procès-verbaux de chantier, quelles entreprises principales avaient satisfait à leurs obligations légales, la compagnie Zurich Assurances seule personnellement obligée par l'article 14-1 n'était pas tenue d'attendre, pour réagir par une mise en demeure adressée à la société Seci, la transmission du dossier d'agrément de la société Ruaud Industrie par l'architecte, auquel le CCAP ne conférait aucun mandat de substituer le maître de l'ouvrage dans l'exercice de ses prérogatives, droits et obligations, alors qu'il n'en est pas de plein droit le mandataire, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la violation par la société Zurich Assurances de ses obligations légales ne se rattachait pas à une négligence de la société BTAV dans l'exécution de sa mission complète de maîtrise d'oeuvre ou à des manquements à son devoir de conseil et à son obligation de

renseignement subsistant à l'égard d'un maître de l'ouvrage averti, a, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.