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Décisions

Cass. com., 4 novembre 2020, n° 18-50.057

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Mollard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Bertrand, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Aix-en-Provence, du 7 juin 2018

7 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juin 2018) et les productions, M. I..., directeur de branche au sein de la société par actions simplifiée Lisapl (la société), a, le 10 juillet 2017, adressé à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) deux déclarations de renonciation aux marques verbales « L'Ami-canin » et « L'Ami Félin », dont la société était titulaire. Ces déclarations sont intervenues alors que le contrat de travail de M. I... avait fait l'objet d'une rupture conventionnelle signée le 27 avril 2017, fixant la fin du contrat au 31 juillet 2017.

2. Les renonciations totales aux marques ont été inscrites par l'INPI les 10 et 20 juillet 2017, et publiées aux Bulletins officiels de la propriété industrielle des 11 août et 22 septembre 2017.

3. La société ayant sollicité le rétablissement des marques, sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'INPI du 5 octobre 2017 au motif que M. I..., qui avait lui-même procédé, en 2008 et 2013, aux dépôts des marques pour le compte de la société et faisait partie de ses effectifs au 10 juillet 2017, avait les qualités requises pour procéder aux déclarations de renonciation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le directeur général de l'INPI fait grief à l'arrêt d'annuler sa décision du 5 octobre 2017 et de dire qu'il doit procéder au rétablissement des marques « L'Ami-canin » et « L'Ami Félin », alors « que l'auteur d'une demande d'enregistrement ou le propriétaire d'une marque enregistrée peut renoncer aux effets de cette demande ou de cet enregistrement pour tout ou partie des produits ou services auxquels s'applique la marque ; que la déclaration de renonciation doit, pour être recevable, émaner du titulaire de la marque inscrit, au jour de la déclaration, sur le Registre national des marques, ou de son mandataire ; qu'en affirmant que "M. I..., qui n'était pas titulaire des marques inscrites dont la renonciation était sollicitée, ne pouvait intervenir, conformément aux dispositions de l'article R. 714-1 du code de la propriété intellectuelle, que comme mandataire de la société titulaire des marques", quand M. I..., qui occupait à la date de dépôt des déclarations de renonciation aux marques litigieuses le poste de directeur de branche de la société, n'avait pas signé ces déclarations en qualité de mandataire de cette société, mais en qualité de salarié de celle-ci, habilité en raison de ses fonctions à représenter son employeur, titulaire de la marque, pour la signature d'un acte entrant dans le champ de ses attributions, la cour d'appel, qui a appliqué les règles du mandat à l'intervention de M. I... laquelle ne s'inscrivait pas dans un rapport de mandant à mandataire, a violé, par fausse application, l'article 1984 du code civil, et, par refus d'application, l'article R. 714-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

5. Si, selon l'article L. 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, lorsque les statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer à une tierce personne le pouvoir d'effectuer des actes déterminés, une telle délégation de pouvoir revêtant les caractères d'un mandat.

6. M. I..., directeur de branche, n'étant ni président, ni directeur général, ni directeur général délégué de la société, ne pouvait engager cette dernière qu'en qualité de mandataire.

7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. Le directeur général de l'INPI fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que la nature même des fonctions exercées par le salarié d'une société par actions simplifiée lui confère qualité pour représenter celle-ci auprès des tiers, sans qu'il soit besoin d'un mandat exprès ; qu'en annulant la décision du directeur général de l'INPI du 5 octobre 2017 au motif que M. I... n'avait "justifié d'aucun mandat" pour procéder aux déclarations de renonciation litigieuses et que "rien n'indique que ses fonctions lui auraient permis d'intervenir sans mandat" tout en constatant que M. I... occupait les fonctions de directeur de branche au sein de la société, d'où il résultait que les fonctions exercées par l'intéressé lui conféraient nécessairement qualité pour représenter cette société auprès de l'INPI, sans nécessité d'avoir à justifier d'un mandat ou d'une délégation de pouvoir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 227-6 du code de commerce et L. 714-2 et R. 714-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que, dans son mémoire du 18 avril 2018, le directeur général de l'INPI faisait valoir que "M. I... a lui-même signé, pour le compte de la société Lisalp, les formulaires de dépôt des marques ‘L'Ami-canin' et ‘L'Ami Félin' et de la marque ‘E-Jardin.com'. De la même façon, il a signé les formulaires de renonciation aux marques, non pas en qualité de mandataire de la société Lisalp, mais en (celle de) simple signataire (...)" ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, qui établissaient que M. I... avait déjà, sans contestation de la société, pris en charge la gestion du portefeuille de marques de cette dernière, de sorte que l'INPI était fondé à considérer qu'il était habilité à régulariser une déclaration de renonciation aux marques "L'Ami-canin" et "L'Ami Félin" qu'il avait lui-même déposées, sans avoir à exiger la production d'un quelconque mandat ou d'une délégation de pouvoir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de la combinaison des articles R. 714-1 et R. 712-21 du code de la propriété intellectuelle que le mandataire du titulaire d'une marque qui formule une déclaration de renonciation à cette marque doit, s'il n'a pas la qualité de conseil en propriété industrielle ou d'avocat, joindre à cette déclaration un pouvoir spécial.

10. Il s'ensuit que, quand bien même un salarié du titulaire de la marque a reçu délégation de pouvoir de son employeur pour gérer le portefeuille de marques de ce dernier, il doit joindre à la déclaration de renonciation à la marque qu'il formule un pouvoir spécial de renoncer à cette marque.

11. Ayant constaté que rien n'indiquait que les fonctions de M. I... lui permettaient d'intervenir sans mandat et qu'il ne justifiait d'aucun mandat, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions, inopérantes, invoquées par la troisième branche, a annulé la décision du directeur de l'INPI du 5 octobre 2017 et dit que ce dernier devait procéder au rétablissement des deux marques litigieuses.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.