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Décisions

Cass. com., 15 mars 2017, n° 14-26.970

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 23 sept. 2014

23 septembre 2014

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société D... B... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2014), qu'à la suite de l'interruption de l'activité du commissaire aux comptes de la société D... B..         (la société BFG) et de l'impossibilité de lui désigner un remplaçant, constatée lors d'une première assemblée générale ordinaire des associés, une seconde assemblée générale ordinaire a été convoquée le 10 septembre 2009 ; qu'un procès-verbal de cette assemblée générale mentionne la désignation de M. Y... en qualité de commissaire aux comptes titulaire tandis qu'un second procès-verbal du même jour fait état de la nomination à cette même fonction de la société NSK Fiduciaire, représentée par M. Y... ; que reprochant à ce dernier de s'être substitué à la société NSK Fiduciaire et d'avoir, à cette occasion, commis divers manquements, dont la révélation injustifiée de faits délictueux au procureur de la République, la société D... B... a assigné M. Y... afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à l'accomplissement des formalités permettant la régularisation de cette situation ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société D... B... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'il est de la compétence souveraine de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de désigner les commissaires aux comptes de la société ; que l'arrêt attaqué ayant constaté que le procès-verbal dressé immédiatement après la clôture de l'assemblée générale ordinaire du 10 septembre 2009 désignait "M. Jean-Marc Y..., demeurant à [...], en qualité de commissaire aux comptes titulaire", la cour d'appel, dès lors, en passant outre l'expression de cette décision souveraine de l'assemblée générale ordinaire de la société D... B... de désigner M. Y... à titre personnel en qualité de commissaire aux comptes, et en considérant, au contraire, à la lecture d'une retranscription erronée de cette délibération dans un procès-verbal ultérieur, que M. Y... avait été désigné par l'assemblée générale du 10 septembre 2009 en sa qualité de représentant de la société NSK Fiduciaire et non à titre personnel, a méconnu les articles L. 225-98 et L. 823-1 du code de commerce ;

2°/ que la novation par changement de débiteur ne se réalise que si le créancier accepte, tout à la fois, de substituer un nouveau débiteur à son débiteur primitif et de décharger ce dernier ; que l'arrêt attaqué ayant constaté que le procès-verbal dressé après la clôture de l'assemblée générale ordinaire du 10 septembre 2009 désignait "M. Jean-Marc Y..., demeurant à [...], en qualité de commissaire aux comptes titulaire", la cour d'appel, dès lors, en déboutant la société D... B... de ses demandes, sans cependant constater qu'elle avait accepté, de manière expresse ou tacite, de substituer la société NSK Fiduciaire à M. Y... dans les fonctions de commissaire aux comptes, comme encore de décharger de ces fonctions M. Y..., désigné à titre personnel par l'assemblée générale du 10 septembre 2009, la cour d'appel a méconnu les articles 1271 et 1273 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'abord, que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la société BFG du 10 septembre 2009, certifié conforme par le président de cette société et déposé au registre du commerce et des sociétés, mentionnait, au titre de la première résolution, la décision de nommer la société NSK Fiduciaire, représentée par M. Y..., en qualité de commissaire aux comptes titulaire, ensuite, que cette décision était conforme à la lettre antérieure d'acceptation de mission de la société NSK Fiduciaire, la cour d'appel a pu retenir que le commissaire aux comptes désigné par l'assemblée générale des actionnaires de la société BFG était non M. Y... à titre personnel mais la société NSK Fiduciaire, représentée par M. Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la société D... B... alors, selon le moyen, que les commissaires aux comptes révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation ; que ce texte ne prévoit pas d'exception à l'irresponsabilité qu'il institue ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 823-12 du code de commerce par refus d'application ;

Mais attendu que si la révélation au procureur de la République, par un commissaire aux comptes, de faits délictueux dont il a connaissance, ne peut engager sa responsabilité, cette immunité cède lorsque la révélation procède d'une intention malveillante ; que l'arrêt relève, tout d'abord, que M. Y... a, en application de l'article L. 823-12, alinéa 2, du code de commerce, révélé le 30 mai 2012 au procureur de la République, un projet d'achat par la société BFG, à un prix surévalué, d'un ensemble immobilier à son président, jusqu'alors indivisaire avec son frère, également associé de la société D... B..., tandis que le rapport de certification des comptes ne comportait aucune mention de ce projet qui, par surcroît, n'avait eu aucune suite à la date de la révélation ; que l'arrêt retient, ensuite, que le commissaire aux comptes a également dénoncé l'ajournement de l'assemblée générale annuelle d'approbation de l'exercice clos au 30 septembre 2011 dont il ne pouvait cependant ignorer qu'il trouvait son origine dans son refus, injustifié, de certification des comptes ; que l'arrêt retient, enfin, que M. Y... dénonçait un litige, ne touchant pas à la régularité et à la sincérité des comptes et étranger, en soi, à toute qualification pénale, qui opposait la société contrôlée à son commissaire aux comptes à propos de sa désignation et des honoraires ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la dénonciation de la société contrôlée, dès le lendemain de la remise du rapport de certification, procédait manifestement d'une intention de nuire, exclusive de l'immunité légale prévue par l'article L. 823-12, alinéa 2, du code de commerce, et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.