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Décisions

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-17.104

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Spinosi et Sureau

Amiens, du 16 nov. 2017

16 novembre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 novembre 2017), rendu en matière de référé, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 septembre 2015, pourvoi n° 13-25.275), après avoir obtenu du président d'un tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, la désignation d'un expert chargé d'établir un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société Vici Carpets, dont M. A... était le président, et le dépôt de ce rapport, la société Acosta SPF (la société Acosta), estimant que l'expert n'avait pu mener à bien sa mission en raison du refus de la société Vici Carpets de communiquer certaines pièces, a demandé au juge des référés qu'une mesure d'expertise soit de nouveau attribuée au même expert, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Cette demande a été rejetée.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Acosta fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rendue le 27 janvier 2012 par le président du tribunal de commerce de Dunkerque en toutes ses dispositions alors « que toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir contradictoirement la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel ; qu'en déboutant la société Acosta de sa demande d'expertise in futurum, aux motifs inopérants que l'expertise de gestion ordonnée précédemment sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce a une finalité informative différente de celle sollicitée sur le plan probatoire en vue d'une action en justice sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, que dans ses écritures, la SA Acosta "n'excipe pas, soit d'anomalie dans l'établissement des comptes ou d'une impossibilité d'accès, n'étant pas argué que les rapports annuels de gestion aient été celés, les comptes de bilan non vérifiés ou non publiés", et que "les éléments relatifs aux cessions d'actifs immobiliers ont fait l'objet d'une analyse par l'expert précédemment commis", sans toutefois rechercher, comme elle y était invitée, si l'expertise sollicitée concernant "les prix de transfert intragroupe des achats de Vici Carpets de fils synthétiques auprès de Domogroup pour la période du 1er juillet 1996 au 31 décembre 1999, les prestations de services facturées à Vici Carpets par le Domo Group pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999, l'origine et l'évolution du compte courant Domo Coordination Center pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999, et les conditions de vente de biens immobiliers de Vici Carpets réalisées le 22 décembre 2005 et le 19 décembre 2007" ne se justifiait pas par la perspective d'une action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 du code de procédure civile :

3. Aux termes de ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

4. Pour rejeter la demande d'expertise formée par la société Acosta, l'arrêt retient que l'expertise de gestion ordonnée précédemment sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce a une finalité informative différente de celle sollicitée sur le plan probatoire en vue d'une action en justice sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et que dans ses écritures, la société Acosta n'excipe ni d'anomalie dans l'établissement des comptes ni d'une impossibilité d'accès et ne prétend pas que les rapports annuels de gestion aient été celés ou les comptes de bilan non vérifiés ou non publiés. Il retient encore que les éléments relatifs aux cessions d'actifs immobiliers ont fait l'objet d'une analyse par l'expert précédemment commis.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'expertise sollicitée concernant « les prix de transfert intragroupe des achats de Vici Carpets de fils synthétiques auprès de Domogroup pour la période du 1er juillet 1996 au 31 décembre 1999, les prestations de services facturées à Vici Carpets par le Domogroup pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999, l'origine et l'évolution du compte courant Domo Coordination Center pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999, et les conditions de vente de biens immobiliers de Vici Carpets réalisées le 22 décembre 2005 et le 19 décembre 2007 » ne se justifiait pas par la perspective d'une éventuelle action en responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Acosta fait le même grief à l'arrêt alors « que le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la société Acosta avait fait valoir dans ses conclusions par lesquelles elle sollicitait une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, que des anomalies de nature à mettre en cause la responsabilité des dirigeants de la société Vici Carpets avaient été révélées par l'expertise informative précédemment réalisée sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, à savoir une présentation de faux bilan ; qu'en déboutant cependant la société Acosta de sa demande, au motif notamment que la société Acosta n'excipait pas d'anomalie dans l'établissement des comptes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

8. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que la société Acosta n'excipe pas d'anomalie dans l'établissement des comptes.

9. En statuant ainsi, alors que la société Acosta faisait valoir dans ses écritures que des anomalies de nature à mettre en cause la responsabilité des dirigeants de la société Vici Carpets avaient été révélées par l'expertise informative précédemment réalisée sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, à savoir une présentation de faux bilan, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.