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Décisions

Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-21.113

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

Mme Mariette

Avocat général :

M. Foerst

Avocats :

Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Cons. prud'h. Thionville, du 16 mai 2011

16 mai 2011

Attendu, selon le jugement attaqué, que le 9 mai 2005, la société Trans Fensch qui exploite une concession de transport public en commun par autobus, a signé, avec les partenaires sociaux un «accord d'entreprise relatif à l'habillement» prévoyant, en son article 5 "une compensation financière des temps d'habillage" sous la forme d'une prime forfaitaire annuelle de 375 euros ; qu'en 2008, lors de la négociation annuelle obligatoire, l'employeur a conclu avec les mêmes partenaires sociaux un accord prévoyant en son article 3 que la "prime d'habillement" pour l'année 2008 s'éléverait à la somme de 420 euros pour les conducteurs et à 460 euros pour les agents de maîtrise ; que M. X..., salarié de la société Trans Fensch a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le remboursement des frais d'entretien de ses vêtements de travail ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Trans Fensch fait grief au jugement d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1°) que si les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier, elle faisait valoir, dans ses conclusions en invoquant notamment un accord d'entreprise du 13 mars 2008, qu'était alloué de longue date aux salariés de l'entreprise une «prime d'habillement» versée forfaitairement et destinée à indemniser l'ensemble des contraintes liées au port des vêtements professionnels, y compris l'entretien ; qu'en affirmant «qu'aucun accord d'entreprise ne vise la prise en charge de l'entretien de ces tenues» et que «seuls les temps d'habillage et de déshabillage sont concernés par la compensation financière visée dans les accords», sans analyser, même sommairement, l'accord d'entreprise du 13 mars 2008 qui prévoyait dans son article 3 le paiement d'une «prime d'habillement», et non une prime d'habillage et de déshabillage, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 du code civil et des articles L.1221-1 et L.1221-3 du code du travail ;

2°) qu'en affirmant «qu'aucun accord d'entreprise ne vise la prise en charge de l'entretien de ces tenues» et que «seuls les temps d'habillage et de déshabillage sont concernés par la compensation financière visée dans les accords» cependant que la «prime d'habillement» visée à l'article 3 de l'accord du 13 mars 2008 avait nécessairement une portée différente de celle d'une «prime d'habillage et de déshabillage», le conseil de prud'hommes a dénaturé l'accord d'entreprise du 13 mars 2008 et a violé ce faisant l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 5 de l'accord du 9 mai 2005 et 3 de l'accord du 13 mars 2008 qui ont le même objet et le même intitulé, que la prime « d'habillement », est la contrepartie des seuls temps d'habillage et de déshabillage et ne couvre pas la prise en charge des frais d'entretien des tenues de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 7 du code de procédure civile ;

Attendu que pour évaluer la somme due au salarié pour l'entretien de ses vêtements professionnels, le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que l'intéressé ne justifiait pas des frais qu'il avait réellement exposés, s'est fondé sur une recherche réalisée à partir de différents sites internet, relative à la consommation en électricité et en eau nécessaire au fonctionnement d'un lave linge, à l'amortissement du matériel utilisé au prorata du volume lavé, au coût de la poudre à laver et au temps nécessaire pour que les vêtements soient prêts à être réutilisés ;

Qu'en retenant ainsi, des éléments qui n'étaient pas dans le débat, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 mai 2011, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Thionville ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Metz.