Cass. soc., 8 décembre 2016, n° 14-28.401
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau
Donne acte à la Selarl X...- X..., prise en la personne de M. X..., de sa reprise d'instance en qualité de mandataire liquidateur de l'Association régionale d'accompagnement territorialisé dite ARAST, en lieu et place de M. Y... et de ses administrateurs, Mme Anne Z... de la SCP T...- Z... et M. Thierry A... de la Selarl A...- B... ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 14-28. 401 à S 14-28. 568, U 14-28. 570 à E 14-28. 787 et B 14-28. 830 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Saint-Denis de la Réunion, 30 juin 2014), que l'Association régionale d'accompagnement territorialisé dite ARAST, qui employait mille deux cent quarante et un salariés, dont l'activité portait sur l'action éducative en milieu ouvert (AEMO), l'aide à domicile, l'action de dynamisation des quartiers et la gestion de micro-crèches, a été placée en liquidation judiciaire le 27 novembre 2009 après rejet des offres de reprises notamment globale par le collectif des salariés ou partielle par le département, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur, aux droits duquel se trouve la société X...- X... prise en la personne de M. X... ; que les salariés, licenciés pour motif économique le 9 décembre 2009, ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen des pourvois principaux, pris en leurs quatre premières branches :
Attendu que l'UNEDIC délégation AGS régionale Centre-Ouest et délégation AGS régionale Sud-Est département de la Réunion font grief aux arrêts de la déclarer irrecevable à invoquer l'existence d'un transfert de l'entité économique autonome de l'ARAST en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ; que, lorsque les conditions de l'une ou de l'autre de ces règles sont réunies, l'AGS est recevable à contester sa garantie devant la juridiction prud'homale en invoquant l'existence d'une cession d'entité économique autonome, y compris dans le cas où les salariés, eux-mêmes, ne s'en prévaudraient pas ; qu'en l'espèce, en posant le principe contraire, la cour d'appel a donc violé, par refus d'application, les articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail et, par fausse application, l'article L. 3253-14 du même code ;
2°/ que l'AGS est recevable à contester tant le principe que l'étendue de sa garantie pour quelque cause que ce soit ; qu'en l'espèce, en énonçant que l'AGS ne pouvait contester sa garantie en invoquant, seule, l'existence d'une cession d'entité économique autonome, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 625-4 du code de commerce ;
3°/ que la règle selon laquelle, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise est d'ordre public et s'applique de plein droit ; qu'en l'espèce, en écartant, pour prétendue irrecevabilité, le moyen de l'AGS qui invoquait cette règle et en tirait toutes conséquences utiles quant à sa garantie, la cour d'appel a méconnu son caractère d'ordre public et a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
4°/ que le principe fondamental de continuité du service public s'impose quelle que soit la nature juridique de la personne morale chargée d'assumer la gestion dudit service ; qu'en l'espèce, suite à la liquidation de l'ARAST par jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion du 27 novembre 2009, les missions qu'en sa qualité de délégataire de service public, cette association assumait auparavant avaient été, légalement et concrètement, retransférées au département de la Réunion, collectivité à l'origine de cette délégation, qui les avait, alors, assumées en régie directe ; qu'en écartant, pour prétendue irrecevabilité, le moyen de l'AGS qui en tirait toutes conséquences utiles en termes de continuité des relations de travail avec ce département des anciens agents de l'ARAST et fondait sur celle-ci son refus de garantie, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le principe de continuité du service public et les articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence de fraude du salarié, l'AGS ne dispose d'aucun droit propre en reconnaissance d'un transfert des contrats de travail et qu'elle était irrecevable en ses demandes à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen des pourvois principaux qui concerne Mme C... et cent vingt-trois salariés :
Attendu que l'UNEDIC délégation AGS régionale Centre-Ouest et délégation AGS régionale Sud-Est département de la Réunion font grief aux arrêts de la déclarer irrecevable à invoquer l'existence d'un transfert de l'entité économique autonome de l'ARAST en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, alors, selon le moyen, que le juge ne saurait méconnaître l'étendue du litige et dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en considérant que seule l'AGS avait conclu à l'application des articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail quand les salariés avaient, toutefois, conclu, soit à titre principal, soit à titre subsidiaire, à l'application de ces mêmes dispositions et, en conséquence, à la condamnation du département de la Réunion sur leur fondement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel a constaté que ce n'était qu'à titre subsidiaire que les salariés invoquaient l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique des pourvois incidents de Mmes D... et E..., épouse F..., pris en ses deux premières branches :
Attendu que les salariées font grief aux arrêts de constater le caractère définitif, en l'absence de contestation de leur part, du licenciement pour motif économique mis en oeuvre par le mandataire judiciaire chargé de la liquidation de l'association ARAST, de dire l'AGS irrecevable à invoquer l'existence d'un transfert de l'entité économique autonome de l'association liquidée ARAST vers le département de la Réunion en application des dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail, de dire que la garantie de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés est acquise dans les limites et plafonds de la loi à l'égard des créances salariales résultant du présent licenciement et de rejeter leurs demandes tendant à obtenir le versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice subi suite aux déclarations de la représentante du conseil général sur un projet de reprise qui n'a fait l'objet d'aucune recherche sérieuse et ont porté préjudice aux salariées et pour préjudice dans le cadre de la non-réintégration, et d'indemnité sur le fondement de l'article 700, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que dans le procès prud'homal, les demandes nouvelles sont recevables en tout état de cause, même en appel ; qu'en relevant que chaque salariée avait fait siennes les conclusions présentées par M. G..., délégué salarié mandaté par la CGTR, pour d'autres salariés, « maintenant les demandes indemnitaires et dommages et intérêts présentés en première instance et auxquelles s'ajoute la condamnation du département de la réunion à 50 000 euros de dommages et intérêts « suite aux déclarations de la représentante du conseil général sur un projet de reprise qui n'ont fait l'objet d'aucune recherche sérieuse et ont fait du tort et porté préjudice aux salariés » et « pour préjudice dans le cadre de ma non-réintégration », et en décidant néanmoins qu'il y avait lieu de constater, « en l'absence de contestation de la part du salarié » le caractère définitif de son licenciement pour motif économique et de le débouter de ses autres demandes, dont celles tendant à obtenir le versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour « préjudice subi suite aux déclarations de la représentante du conseil général sur un projet de reprise qui n'ont fait l'objet d'aucune recherche sérieuse et ont porté préjudice aux salariés » et « pour préjudice dans le cadre de ma non-réintégration », la cour d ‘ appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que dans les conclusions d'appel notifiées et déposées le 19 février 2014, les salariées invoquaient à l'encontre du conseil général de la Réunion l'application de l'article L. 1224-3 du code du travail et soutenaient que les salariés de l'ARAST avaient continué à exercer leurs activités après la liquidation de l'entreprise dans un lien de subordination avec le conseil général ; qu'en relevant que chaque salariée avait fait siennes les conclusions présentées par M. G..., délégué salarié mandaté par la CGTR, pour d'autres salariés, « maintenant les demandes indemnitaires et dommages et dommages et intérêts présentés en première instance et auxquelles s'ajoute la condamnation du département de la Réunion à 50 000 euros de dommages et intérêts « suite aux déclarations de la représentante du conseil général sur un projet de reprise qui n'ont fait l'objet d'aucune recherche sérieuse et ont fait du tort et porté préjudice aux salariés » et « pour préjudice dans le cadre de ma non-réintégration », et en affirmant cependant que les salariées réfutaient l'application des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail et demandaient seulement, dans le cadre de l'instance prud'homale, à ce que tous les effets des licenciements soient pris en compte en terme de paiement à leur profit des seules indemnités de licenciement ainsi que celles compensatrices de congés payés et de préavis, la cour d ‘ appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord, que la cour d'appel a constaté que les salariées faisaient leurs les conclusions présentées pour d'autres salariés, maintenant les demandes indemnitaires et de dommages-intérêts présentées en première instance et auxquelles s'ajoutait la condamnation du département à 50 000 euros de dommages-intérêts ;
Attendu ensuite, qu'il résulte des arrêts et des pièces de la procédure que les salariées, qui n'ont personnellement pas pris de conclusions écrites en cause d'appel, ne contestaient pas leur licenciement économique et ne sollicitaient pas le transfert de leur contrat de travail et que leurs demandes de dommages-intérêts à l'encontre du département de la Réunion ont été rejetées, de sorte que la cour d'appel a statué sans dénaturation et sans méconnaître l'objet du litige ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les six dernières branches du premier moyen des pourvois principaux et sur les troisième et quatrième branches des pourvois incidents qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principaux qu'incidents.