Cass. com., 5 juillet 2016, n° 14-23.904
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, douzième, treizième et quatorzième branches, et le second moyen, pris en ses première à neuvième branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juillet 2014), que M. X...a été nommé, à compter du 1er avril 2010, administrateur directeur général de la société Europcar groupe (la société Europcar) dont la société Eurazeo est l'actionnaire majoritaire ; qu'il était lié à la société Europcar par un contrat de mandat conclu le 31 mars 2010, fixant une indemnité de révocation tout en précisant qu'elle ne serait pas due en cas de révocation pour faute grave entendue au sens retenu par la jurisprudence sociale ; que contestant la révocation dont il avait fait l'objet pour ce motif, M. X... a assigné la société Europcar en paiement de l'indemnité contractuelle de révocation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que la révocation de ses fonctions est intervenue pour faute grave et de rejeter l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave du dirigeant, au sens retenu par la jurisprudence sociale, étant celle qui a empêché le maintien du dirigeant dans la société, la faute invoquée devant le juge de la suppression de l'indemnité contractuelle de révocation, en cas de « faute grave au sens du droit du travail », ne peut être différente de celle qui avait été notifiée au dirigeant à l'origine ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à l'origine, et pour s'en tenir au seul des quatre griefs qui a survécu à l'exercice du contradictoire en première instance, M. X... avait été révoqué en raison de « son attitude à l'égard des partenaires financiers », c'est-à-dire pour avoir « diffus (é) dans le milieu des banques de financement un message extrêmement négatif et catastrophiste quant à la situation financière d'Europcar », alimentant une « rumeur négative sur la place financière parisienne », à une date à laquelle « nous devrons au cours de prochains mois aller négocier avec nos partenaires financiers » ; que la cour d'appel a constaté que, désormais, devant elle, « l'appelante reproche à M. X... (…) d'avoir tenté de mettre en place des stratégies contraires à l'intérêt de l'actionnaire à l'insu du conseil d'administration », à une date à laquelle l'actionnaire majoritaire Eurazeo aurait été « en pleine renégociation bancaire et recapitalisation » ; qu'en acceptant ainsi une évolution substantielle entre le grief notifié au directeur général, dont la cour d'appel considère qu'il a causé l'éviction immédiate et sans indemnité, et le grief allégué devant elle, la cour d'appel, qui a ouvert la voie à une reconstruction a posteriori de la faute grave, différente de celle ayant « historiquement » causé l'éviction immédiate de la société, a violé les articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
2°/ que la faute grave au sens du droit du travail s'entend de faits précis, matériellement vérifiables et objectifs, qui soient personnellement imputables à la personne en cause ; qu'au cas présent, ne répondent à ce standard ni la faute initialement reprochée à M. X... (le fait d'avoir, par un échange avec une banque et des prises de contact avec des avocats d'affaires, contribué à alimenter une « rumeur négative sur la place financière parisienne » ainsi que d'avoir « tenté de créer (un antagonisme) entre la société et son actionnaire », ni, surtout, l'événement désormais revendiqué par la société appelante comme ayant prétendument déclenché la révocation sans indemnité (« la révélation de ses trahisons », ayant consisté à « avoir tenté de mettre en place des stratégies contraires à l'intérêt de l'actionnaire à l'insu du conseil d'administration ») ; qu'en qualifiant cet événement de faute grave, après avoir ajouté la circonstance que M. X... aurait nourri un « doute profond sur les perspectives du groupe et sur la viabilité de mode de financement », et conclu à la « perte de confiance », cependant que ne peuvent être qualifiés de faute grave des éléments subjectifs appartenant au for intérieur du directeur général (le « doute »), au ressenti de l'actionnaire majoritaire (la « perte de confiance », le sentiment de « trahison »), ou à des effets indirects induits de faits anodins (la « rumeur », un « antagonisme » « susceptible de mettre en danger le projet de refinancement de la dette »), pas plus que de simples tentatives de début de négociation non finalisées, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
3°/ que ne peuvent être qualifiés de faute grave que des faits précis et circonstanciés à la date à laquelle leur révélation conduit l'auteur de la rupture à la notifier au supposé fautif ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les rares éléments susceptibles de renvoyer à des faits objectifs ayant pu être esquissés dans la notification de griefs du 13 février 2012 au matin (la « diffusi (on) dans le milieu des banques de financement (d') un message », une « procédure de sélection de cabinets d'avocats », la « tentative de création » d'un « antagonisme », ou encore, élément faisant partie d'un grief abandonné par la société appelante mais repris par la cour d'appel, une « communication directe avec des investisseurs potentiels »), n'étaient pas circonstanciés à cette date du 13 février 2012 (où ? quand ? comment ?), mais l'ont été a posteriori, « dans le cadre de la mesure de constat opérée avec l'assistance d'un technicien informatique du 25 mai au 6 juin 2012 » ; qu'en acceptant de valider une qualification de faute grave, pour ce qui n'était qu'une simple intuition de la société appelante, ostensiblement fondée, à l'époque, sur des « indiscrétions » et la captation de « rumeurs », la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société appelante abandonnait, ce dont la cour d'appel lui donnait acte, trois des quatre griefs notifiés, et en particulier la prétention suivante, placée sous la bannière de « 4. L'absence d'initiative » : « Lors des dernières semaines, nous avons même pu constater une modification profonde de votre état d'esprit. Non seulement vous semblez désormais vous installer dans un défaitisme qui vous interdit de réagir comme cela s'imposerait face à la sous-performance actuelle du groupe, mais surtout, et plus grave encore, vous avez pu en quelques occasions véhiculer à destination des équipes un message extrêmement négatif sur les perspectives du groupe et sa capacité à redresser son activité. Ainsi, les propos que vous avez tenus lors des dernières réunions avec les cadres du groupe traduisaient explicitement votre doute profond sur ses perspectives et sur la viabilité même de son modèle économique. Un tel discours est d'autant plus intolérable que vous n'avez pas fourni par ailleurs les efforts nécessaires pour vous approprier ce modèle économique, et notamment son mode de financement, certes complexe, mais qui fait partie intégrante du business model de la société. Il apparaît que vous êtes allé jusqu'à demander à plusieurs cadres du groupe d'ouvrir des discussions avec des acquéreurs potentiels pour Europcar, malgré la volonté affichée à plusieurs reprises par votre actionnaire de ne pas vendre aujourd'hui. Une telle initiative sans concertation préalable avec le conseil d'administration est inacceptable » ; que la cour d'appel a pourtant repris ces griefs expressément abandonnés, en en recopiant des phrases entières, sans d'ailleurs ouvrir les guillemets, indiquant ainsi d'abord que « M. X... exprimait un défaitisme en présence de tiers, avait demandé à plusieurs cadres du groupe d'ouvrir des discussions avec des acquéreurs potentiels pour Europcar malgré la volonté affichée par l'actionnaire de ne pas vendre aujourd'hui », et retenant ensuite que « la cour relève que les propos tenus par M. X... lors de réunions avec les cadres du groupe traduisent, comme le souligne le courrier de convocation remis à M. X... le 13 février 2012, un doute profond sur les perspectives du groupe et sur la viabilité de son modèle économique, et notamment de son mode de financement, qui fait partie intégrante du business model de la société » ; qu'en intégrant ainsi à la qualification de faute grave des éléments expressément abandonnés par la société appelante, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que les discussions qu'il avait entamées avec la société nord-américaine Enterprise ne portaient pas sur un quelconque rachat d'Europcar groupe par ladite société nord-américaine, mais sur les conséquences sur le partenariat commercial (accord de coopération pour l'Europe) liant les deux sociétés depuis 2007, qu'aurait le récent rachat par Enterprise d'un des concurrents européens d'Europcar groupe, la société Citer ; qu'en considérant que M. X... « avait entamé des discussions en vue d'un rapprochement avec une société concurrente nord-américaine Enterprise en vue d'une vente d'Europcar », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les discussions entamées ne portaient pas sur le sort du contrat de coopération commerciale de 2007 eu égard à la récente acquisition d'un réseau concurrent par Enterprise en Europe, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
6°/ qu'en statuant ainsi, au visa des « pièces produites par l'appelante », quand la pièce correspondant dans le bordereau de la société appelante consistait en un courriel adressé par un dirigeant de la société Enterprise du 23 février 2012, postérieur au départ de M. X... (le 13 février 2012), indiquant que le nouveau dirigeant d'Europcar groupe, prenant la suite de la discussion litigieuse initiée par son prédécesseur exposant, avait fait le point avec Enterprise sur le sort de divers accords commerciaux ; qu'en retenant qu'il ressortirait des « pièces produites » que M. X... aurait « entamé des discussions en vue d'un rapprochement avec une société concurrente nord-américaine Enterprise en vue d'une vente d'Europcar », la cour d'appel a dénaturé ladite pièce, en violation de l'article 1134 du code civil ;
7°/ que ne commet pas une faute grave le dirigeant d'une entreprise sous LBO qui entre en contact avec une société financière apporteur potentiel de fonds, à une époque à laquelle la société envisage un refinancement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a imputé au contraire à faute au directeur général d'Europcar groupe de s'être « apprêt (é) à entrer en négociation le 8 février 2012 avec un fonds d'investissement KKR, qui est le concurrent direct d'Eurazeo » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait pour M. X... d'avoir transmis la demande de mise en contact reçue de la branche de KKR chargée des financements d'exploitation à son équipe chargée du financement de la flotte de véhicules, ne relevait pas d'une démarche normale, de bonne gestion, dans un contexte dans lequel l'entreprise cherchait ce type de fonds en permanence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
8°/ que la privation d'indemnité de fin de mandat pour « faute grave au sens retenu par la jurisprudence sociale » n'est justifiée que si le dirigeant social commet un manquement qui contredit si évidemment son statut qu'il rend impossible le maintien dans ses fonctions au sein de la société ; que le directeur général de la société anonyme est un organe de la personne morale, doté d'un statut légal qui se caractérise par une certaine indépendance, en particulier à l'égard des actionnaires ; que l'adhésion aux vues de l'actionnaire majoritaire ne constitue dès lors pas une obligation inhérente au mandat social dont la méconnaissance rendrait impossible le maintien en fonctions du dirigeant ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le directeur général d'Europcar groupe aurait gravement manqué à une obligation inhérente à ses fonctions en « tenant des propos » qui « traduisent un doute profond sur les perspectives du groupe et la viabilité de son modèle économique », en concevant, prétendument, des « stratégies contraires à l'intérêt de l'actionnaire » majoritaire à son insu, et, d'une façon générale, en « tentant de créer un antagonisme entre la SA Europcar groupe et son principal actionnaire susceptible de mettre en danger le projet de refinancement de la dette » ; qu'en considérant ainsi comme fondamental dans la SA que le directeur général aligne ses pensées et stratégies sur celles de l'actionnaire majoritaire, et ne le gêne en rien dans la gestion sociale qu'il effectue directement, au point que toute action du dirigeant contribuant à l'émergence d'un intérêt de la personne morale qui ne serait pas aligné sur les vues de l'actionnaire majoritaire relèverait de la faute grave, la cour d'appel, qui a négligé l'indépendance, au service de la personne morale, du dirigeant, a violé les articles 1147 et 1134 du code civil, ensemble les articles 1832, 1833 et 1842 du code civil, L. 225-35, L. 225-51-1, L. 225-251 du code de commerce, ensemble le principe de spécialité des organes dans la société anonyme ;
9°/ que le directeur général d'une société anonyme doit bénéficier d'une sphère d'indépendance et d'autonomie accrue en présence de difficultés potentielles de l'entreprise qu'il dirige ; qu'il doit en effet, dans un tel contexte, non seulement pouvoir se renseigner sur le cadre juridique applicable, mais également pouvoir envisager de déclarer, seul, la cessation des paiements et, en amont, utiliser tous les outils à la disposition du dirigeant pour prévenir la survenance des difficultés ; qu'au cas présent, la cour d'appel a reproché au directeur général de la SA Europcar groupe de ne pas s'être aligné sur les perceptions et les calculs de l'actionnaire majoritaire Eurazeo, et d'avoir « tenté de créer un antagonisme » entre la société et ledit actionnaire majoritaire, lequel aurait pu concevoir une « perte de confiance » ; qu'en statuant ainsi, sans considérer que, dans la situation qui était celle de la SA, laquelle devait réaliser un refinancement difficile d'ici la fin du premier semestre 2012, l'indépendance du directeur général répondait à ses devoirs, et ne constituait en tout cas pas une faute grave interdisant son maintien dans la société, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1134 du code civil, l'article L. 225-52 du code de commerce, les articles L. 650-1 et suivants du code de commerce, ensemble le principe de responsabilité ;
10°/ que la déloyauté du dirigeant social n'est sanctionnée qu'en cas de conflit entre un intérêt légitime et un intérêt personnel, et non du simple fait que le dirigeant social ne sert pas à plein les intérêts de l'actionnaire majoritaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déduit l'existence d'une déloyauté du directeur général d'Europcar groupe à l'égard du fonds d'investissement Eurazeo, actionnaire majoritaire, de la circonstance que M. X... aurait pu gêner les intérêts dudit actionnaire, plutôt que de les servir à plein, mais en refusant d'identifier l'intérêt illégitime qui aurait été préféré par l'exposant à celui de l'actionnaire majoritaire, allant même jusqu'à dire que « c'est à tort que les premiers juges ont dit que la déloyauté envers les actionnaires implique la recherche d'un intérêt personnel par l'acteur de l'action déloyale, non démontrée en l'espèce » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé de déloyauté condamnable, violant ainsi les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
11°/ que l'obligation d'information sur l'existence de négociations en vue de la cession de l'entreprise, qui pèse sur le dirigeant social au titre de son devoir de loyauté à l'égard des actionnaires, n'a pas un caractère général ; qu'elle s'applique en présence de renseignements de nature à exercer une influence sur la valeur des titres, dans le cas où l'actionnaire qui se plaint du manquement du dirigeant envisage une cession de titres, et où le dirigeant est lui-même impliqué, comme cédant ou cessionnaire, dans une opération de cession ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que M. X... aurait été déloyal à l'égard de l'actionnaire majoritaire Eurazeo du seul fait qu'il n'aurait pas « révélé l'existence de négociations en cours pour la cession du contrôle de la société » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il est constant que M. X... ne cherchait pas à vendre lui-même les titres en cause, ni à les revendre, qu'Eurazeo ne s'était pas non plus déclaré vendeur, et qu'aucune influence des prétendues négociations sur les cours n'était alléguée, la cour d'appel, qui a méconnu le caractère spécial du devoir de loyauté du dirigeant social à l'égard des associés, en présence d'une information susceptible d'avoir une incidence sur la valeur des actions, a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
12°/ que le « contrat de mandat » établi au bénéfice du directeur général de la SA Europcar groupe sur le modèle défini par le syndicat professionnel de spécialistes en droit du travail AVOSIAL, stipule, dans son préambule, que le directeur général « assurera la direction de la société dans le respect des lois et règlements », et qu'« en sa qualité de directeur général, M. X... représentera la société. A cet effet, M. X... devra faire tout son possible afin de promouvoir et développer l'activité de la société, en exerçant ses fonctions avec discernement, attention et loyauté, et en veillant à servir les intérêts de la société et du groupe Europcar » ; que ce « préambule », en ce qu'il vise la « loyauté », a pour seul objectif de rappeler que le directeur général de la société est tenu, dans ses rapports avec les tiers, de ne pas concurrencer déloyalement la société, en captant des affaires sociales pour son profit personnel ; qu'au cas présent, en rappelant ce passage du contrat type AVOSIAL à l'appui de sa thèse selon laquelle le directeur général de la SA Europcar groupe aurait été « spécialement tenu à un devoir de loyauté envers les associés et au profit de l'entreprise », cependant que la « loyauté » visée ne concernait que la société, et, encore, la jurisprudence désormais classique sur l'interdiction pour le dirigeant social d'utiliser sa position de « mandataire social » pour entreprendre des actions déloyales telle la création de sociétés concurrentes ou la captation d'affaires sociales par d'autres entités qu'il dirige également, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
13°/ que la loyauté due par le directeur général dans l'exercice de ses fonctions à telle ou telle des parties prenantes à la vie de la société, n'est pas disponible, la loi déterminant l'équilibre des loyautés dans la société anonyme ; qu'au cas présent, à l'appui de l'idée selon laquelle le directeur général de la SA Europcar groupe aurait été tenu à un devoir de loyauté à l'égard de l'actionnaire majoritaire, qui aurait été inhérent à ses fonctions, la cour d'appel a relevé qu'Eurazeo avait fait souscrire audit directeur général des actions et qu'avaient été imposés à cette occasion audit dirigeant un pacte d'actionnaires (Europcar Group Management Agreement) ainsi qu'un contrat de rachat forcé desdites actions (Put and Call Options Agreement), « éléments, indique l'arrêt attaqué, propres à renforcer sur la durée la convergence d'intérêts des actionnaires et de la direction de l'entreprise » ; qu'en statuant ainsi, cependant que les intérêts devant être intégrés à ses actes par le directeur général d'une société anonyme, ne peuvent être influencés par un contrat établi en dehors des statuts et en marge de la loi, par l'actionnaire majoritaire, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, en violation des articles 1147 et 1134 du code civil, 1832 et 1833 du code civil, L. 225-51-1, L. 225-52, et L. 225-251 du code de commerce, ensemble le principe d'organisation légale des pouvoirs dans la société anonyme ;
14°/ que l'intérêt de la société ne se confond pas avec celui de l'actionnaire majoritaire ; qu'au cas présent, pour asseoir l'idée que le statut légal du mandataire social aurait inclus un devoir de loyauté à l'égard de l'associé, la cour d'appel a relevé que le directeur général de la SA Europcar groupe était tenu, par application de l'article 1833 du code civil, d'une obligation, inhérente à son mandat social, de préserver « l'intérêt commun des associés », « ce dont il résulte », a considéré la cour, « qu'il devait également agir dans l'intérêt commun des actionnaires, en particulier du fonds d'investissement Eurazeo, actionnaire majoritaire » ; que la cour a encore postulé plus loin un alignement de l'intérêt de la société sur celui dudit actionnaire majoritaire Eurazeo, en faisant état « d'actes déloyaux contraires aux intérêts communs de la société appelante et de l'actionnaire » ; qu'en récusant ainsi toute différence entre l'intérêt de l'actionnaire majoritaire et celui de la société, la cour d'appel, qui a raisonné comme si la société était la chose de l'actionnaire majoritaire, a violé les articles 1147, 1134, 1832, 1833 et 1842 du code civil ;
15°/ que la qualification de faute grave requiert la caractérisation d'un manquement d'évidence à une obligation fondamentale dans des circonstances précises ; qu'au cas présent, en se contentant de postuler que l'intérêt de la SA Europcar groupe aurait été aligné sur celui de son actionnaire majoritaire, le fonds d'investissement Eurazeo, mais sans caractériser l'intérêt profond de la société Europcar groupe dans la situation de l'espèce (un LBO à la structure financière inadaptée), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1842 du code civil, ensemble les articles 1147 et 1134 du code civil ;
16°/ qu'à supposer, par extraordinaire, que la loyauté à l'égard de l'actionnaire majoritaire puisse être regardée comme une obligation issue du « mandat social », au point qu'un manquement à la loyauté à l'égard de l'actionnaire majoritaire puisse être invoqué à titre de faute, dans l'ordre social, pour justifier la rupture du « mandat social », tout manquement à cette obligation ne caractériserait pas pour autant, dans cet ordre social, une « faute grave au sens retenu par la jurisprudence sociale » ; que la faute qualifiée ainsi visée s'entend en effet de celle qui constitue un manquement si évident et fondamental à ce qui constitue le coeur du « mandat social » qu'il empêche la poursuite des fonctions sociales ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu, à l'appui de sa décision de dire que le directeur général de la SA Europcar groupe aurait commis une « faute grave », qu'il aurait tenu des propos traduisant un doute profond à l'égard de la vision du LBO développée par Eurazeo, qu'il aurait conçu des stratégies contraires aux intérêts de Eurazeo, et qu'il aurait enfin « tent (é) de créer un antagonisme entre la société Europcar groupe et son principal actionnaire susceptible de mettre en danger le projet de refinancement de la dette » d'Eurazeo ; qu'en stigmatisant ainsi le fait que l'actionnaire majoritaire aurait été froissé, mais sans jamais caractériser d'atteinte certaine et tangible à une obligation centrale pour la société, qui serait au coeur du « mandat social » confié par cette dernière au dirigeant, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas établi de faute grave dans l'ordre social, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article L. 225-55 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les propos, tenus par M. X... lors de réunions avec les cadres du groupe, traduisent, comme le souligne la lettre de convocation qui lui a été remise le 13 février 2012, un doute profond sur les perspectives du groupe et sur la viabilité de son modèle économique, et notamment de son mode de financement, qui fait partie intégrante du " business model " de la société ; qu'il retient, de même, qu'en communiquant directement avec les investisseurs potentiels, en tentant de créer un antagonisme entre la société Europcar et son principal actionnaire susceptible de mettre en danger le projet de refinancement de la dette et en dissimulant des informations, M. X... a agi au détriment de l'intérêt social ; qu'il retient enfin que ces agissements sont constitutifs d'actes déloyaux contraires aux intérêts communs de la société Europcar et de l'actionnaire ainsi qu'aux dispositions de son contrat de mandat, selon lesquelles il devait faire tout son possible afin de promouvoir et développer l'activité de la société en exerçant ses fonctions avec discernement, attention et loyauté et en veillant à servir les intérêts de la société et du groupe Europcar ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans dénaturation ni méconnaissance de l'objet du litige et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que le comportement de M. X... rendait impossible son maintien dans les fonctions de directeur général et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses cinquième à onzième branches, ni sur le second moyen, pris en sa dixième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.