Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 septembre 2009, n° 08/11638

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baccarat (SA)

Défendeur :

Delsey (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mme Regniez, Mme Saint-Schroeder

Avoués :

SCP Petit Lesenechal, Me Teytaud

Avocat :

SCP Mayne-Penafiel

TGI Paris, du 26 mars 2008, n° 06/11488

26 mars 2008

Par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 mars 2008, la société DELSEY a été condamnée pour avoir reproduit et imité sur son catalogue, sur des PLV et sur des étiquettes de présentation d'une gamme de bagages, les marques internationale n° 498327 et communautaire n°1816859 « BACCARAT » dont est titulaire la société Baccarat ;outre les mesures d'interdiction et de publication d'usage qu'il a prononcées, le tribunal a condamné la société Delsey à verser à la société Baccarat la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions dernières de la société Baccarat, appelante, qui soutient en substance que les premiers juges ont procédé à une appréciation insuffisante de son préjudice en ne prenant pas pour base, comme la loi du 29 octobre 2007, les y invite, les bénéfices réalisés par le contrefacteur qui correspondent en l'espèce à la marge brute réalisée (soit une somme de 250 511 euros), et qu'ils ont à tort rejeté les demandes qu'elles formaient sur le terrain de la concurrence déloyale alors qu'il serait de jurisprudence constante que l'action concurrence déloyale peut se cumuler avec une action en contrefaçon.

Vu les écritures de la société Delsey qui demande à la cour de constater que la dénomination "BACCARAT" ne figurait que sur des documents portant de manière très apparente la marque "Delsey" et affichés en exposition dans 170 points de vente en France, qu'aucune publicité n'a été faite comportant la dénomination «Baccarat» et de constater que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice, pour conclure à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de l'appelante à lui restituer la somme de 40 000 euros qu'elle lui a réglée le 23 juin 2008 en exécution du jugement ; qu'en revanche, elle sollicite la confirmation de celui-ci en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur de prétendus actes de concurrence déloyale.

Sur ce, la cour

Sur les actes de contrefaçon et leur réparation

Considérant que la matérialité des faits n'est pas contestée ; que leur qualification ne l'est pas davantage, la reprise du signe "Baccarat" sur les supports ci-après énumérés, réalisant la reproduction de la marque éponyme internationale et l'imitation de la marque semi-figurative communautaire.

Que le signe litigieux a été en effet apposé sur :

-les catalogues DELSEY 2006, pages 60 et 61,

-les étiquettes accrochées aux valises et les autocollants qui accompagnent les commercialisations,

-les documents de publicitaires sur les lieux de vente (PLV).

Considérant que s'agissant de la réparation du préjudice, l'article 28 de la loi du 29 octobre 2007 codifié à l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle énonce que :

<< Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ...»

Considérant que le législateur a ainsi invité le juge à prendre en compte pour fixer le montant des dommages et intérêts, un ensemble de références dont la liste qui précède donne des exemples.

Considérant qu'en l'espèce, l'appelante ne prétend pas commercialiser de bagages ; que si elle commercialise quelques articles de maroquinerie, cet élément n'est pas de nature à lui permettre de soutenir qu'elle aurait subi un manque à gagner de ce chef.

Qu'en revanche, elle est bien fondée à solliciter la réparation de l'atteinte portée à ses marques et à leur incontestable notoriété ; que les faits litigieux constituent un détournement de leur prestige et, partant, un avilissement de ces signes qui lui cause un préjudice certain ; que la réparation de celui-ci doit donc prendre en compte l'impact de tels usages contrefaisants sur la valeur des dites marques et sur leur image ;

Que rien ne vient commander en l'espèce de ne se référer qu'au bénéfice réalisé par l'intimée et de définir celui-ci comme étant égal à la marge brute réalisé par l'intimée, alors que le signe BACCARAT n'a pas été apposé sur les bagages eux-mêmes, mais sur les supports précités et qu'il l'a toujours été en association avec la marque DELSEY dont la notoriété n'est pas contestée, et en plus petits caractères que cette dernière.

Considérant que l'atteinte à l'image et à la notoriété des deux marques en cause qui véhiculent une image de luxe et de raffinement, doit encore être appréciée au regard des articles pour la présentation desquels elles ont été utilisées, à savoir en l'espèce des articles de bagagerie que l'intimée plaçait dans le haut de sa gamme et dont le caractère soigné ne fait pas débat.

Que force est de relever que la société Baccarat ne produit aucun élément permettant à la cour de prendre connaissance des investissements qu'elle consent à l'entretien et à la valorisation de ses marques.

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le montant des dommages et intérêts fixés par les premiers juges, étant observé que si un particulier a pu depuis cette décision, proposer sur le réseau internet la revente d'un bagage en utilisant le signe Baccarat, le caractère isolé d'un tel usage fait par un tiers ne peut affecter l'appréciation précédemment faite.

Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant qu'il appartient à l'appelante de justifier de faits distincts de ceux sur le fondement desquels la condamnation pour contrefaçon est prononcée, pour solliciter des dommages et intérêts complémentaires sur le fondement d'actes de concurrence déloyale ;

Qu'en effet, le profit tiré par l'intimée de la notoriété et du prestige des marques de l'appelante et la confusion qui a pu naître dans l'esprit du public, sont des griefs qui sont la conséquence directe des actes contrefaçon des marques en cause et ne constituent nullement des actes distincts de ceux-ci.

Que la décision des premiers juges sera également confirmée sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour ce qui concerne les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Laisse à chacune des parties la charge des frais et dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel.