CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 26 mars 2015, n° 14/12790
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bell & Ross (SARL)
Défendeur :
Breitling (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charlon
Conseillers :
Mme Graff-Daudret, Mme de Gromard
ELEMENTS DU LITIGE :
La société Breitling est titulaire de la marque « Blackbird », enregistrée le 9 avril 2002 pour les produits de la classe 14, c'est-à-dire les métaux précieux et leur alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes, joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques.
Cet enregistrement international désignant la France a été renouvelé le 10 mai 2012.
La société Breitling utilise sa marque « Blackbird » pour désigner des montres qu'elle commercialise.
Ces deux sociétés sont spécialisées dans les montres de luxe évoquant le monde de l'aéronautique.
La société Bell & Ross est une société concurrente, qui commercialise aussi des montres, dont l'une, lancée en septembre 2013, est présentée sous la référence « BR 126 Blackbird » pour rendre hommage à l'avion espion américain « Lochkeed SR-71 Blackbird » qui avait été construit dans les années 1960.
La société Breitling, estimant que la société Bell & Ross commettait ainsi une violation de son droit de propriété sur la marque «'Blackbird'», a fait dresser des constats par un huissier de justice les 16 et 17 décembre 2013, puis a assigné la société Bell & Ross le 14 janvier 2014 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour qu'il soit notamment ordonné sous astreinte à la société Bell & Ross de cesser toute utilisation de la marque «'Blackbird'»et de retirer cette dénomination sur ses modèles de montres.
En cours d'instance, la société Breitling a obtenu sur requête le 26 mai 2014 une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris autorisant, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, un huissier de justice à effectuer des constats dans des magasins distribuant des produits de marque Bell & Ross, constats réalisés le 27 mai 2014.
Par ordonnance du 12 juin 2014, le juge des référés a' :
- dit que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque «'Blackbird'»dont la société Breitling est titulaire en utilisant illicitement le terme « Blackbird » pour désigner une montre,
- fait interdiction à la société Bell & Ross de poursuivre l'utilisation et l'usage, quels qu'ils soient et sur un quelconque support, de la marque «'Blackbird'»et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de la décision,
- conservé le pouvoir de liquider l'astreinte, limitée à un délai de six mois,
- débouté la société Breitling de ses demandes de publication judiciaire,
- condamné la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme provisionnelle de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Bell & Ross aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Bell & Ross a interjeté appel de cette décision le 17 juin 2014.
Par conclusions du 6 février 2015 elle demande':
À titre préalable':
- d'annuler les mesures ordonnées par le président du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de la société Bell & Ross, en ce compris le paiement de la somme provisionnelle de 80.000 euros,
- de condamner la société Breitling au remboursement à la société Bell & Ross de la somme de 80.000 euros,
- de condamner la société Breitling au paiement de la somme de 30.000 euros en réparation du dommage subi par la société Bell & Ross de ce chef,
En tout état de cause':
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle dit que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque «'Blackbird'» dont la société Breitling est titulaire en utilisant illicitement le terme « Blackbird » pour désigner une montre, fait interdiction à Bell & Ross de poursuivre l'utilisation et l'usage quels qu'ils soient et sur un quelconque support de la marque «'Blackbird'» et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance et condamné la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme provisionnelle de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Et statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité du procès-verbal d'huissier de justice en date du 27 mai 2014,
- de condamner la société Breitling au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du dommage subi par la société Bell & Ross de ce chef,
- de constater que les actes incriminés ont cessé, et en conséquence, dire et juger qu'il n'y avait pas lieu à référé, sans qu'il soit besoin d'examiner la vraisemblance des atteintes alléguées,
Subsidiairement':
-de constater qu'il n'existe aucune atteinte vraisemblable ou imminente à la marque invoquée par la société Breitling, et en conséquence, dire et juger qu'il n'y a pas lieu à référé,
À titre infiniment subsidiaire':
- de dire qu'il n'y a pas lieu à prononcer les mesures de publication sollicitées par la société Breitling et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le paiement d'une provision,
- de débouter la société Breitling de sa demande de liquidation d'astreinte,
En tout état de cause':
- de condamner la société Breitling au remboursement à la société Bell & Ross de la somme de 80.000 euros,
- de condamner la société Breitling aux dépens et à payer à la société Bell & Ross la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 11 février 2015 la société Breitling demande':
-d'enjoindre à la société Bell & Ross de communiquer sans délai, l'ensemble de ses documents comptables, comme ses journaux de vente pour le chiffre d'affaires réalisé auprès de l'ensemble de ses points de vente et des revendeurs agréés avec la liste de ses points de vente et des revendeurs agréés, depuis l'année 2010 jusqu'à ce jour et plus généralement, tous documents permettant de justifier du chiffre d'affaires réalisés par la société Bell & Ross par la commercialisation des montres référencés « Blackbird » et ce, en exécution des dispositions de l'article L. 716-7-1-A du code de propriété intellectuelle,
- d'enjoindre à la société Bell & Ross de communiquer sans délai, l'ensemble des documents justifiant de la date de commercialisation des deux modèles de montres référencés « BR 126 Black Bird » et ce, en exécution des dispositions de l'article L. 716-7-1-A du code de propriété intellectuelle,
- de confirmer l'ordonnance de référé du 12 juin 2014 en ce qu'elle a jugé que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société Breitling utilisant illicitement la marque «'Blackbird'»,
- de constater que la société Bell & Ross continue toujours à ce jour de perpétrer au préjudice de la société Breitling des actes contrefaisants, et notamment dans son catalogue 2013-2014 et dans la publicité à laquelle elle se livre dans la presse,
- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à la société Bell & Ross de cesser toute utilisation/usage quelle qu'elle soit et sur un quelconque support de la marque «'Blackbird'» ;
- d'ordonner à la société Bell & Ross de cesser toute utilisation/usage, quelle qu'elle soit et sur un quelconque support, de la marque «'Blackbird'», et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- d'ordonner pendant une durée d'un mois la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans son intégralité en lettres claires et lisibles, d'une part, dans deux journaux ou périodiques « la revue les montres » et « Dreams » et sur le site internet spécialisé « www.lacotedesmontres.com », d'autre part, sur la page d'accueil du site de la société Bell & Ross www.bellross.com, et ce sans utiliser aucun lien hypertexte renvoyant à une page tiers,
- de débouter la société Bell & Ross de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de liquider l'astreinte ordonnée par l'ordonnance entreprise et condamner la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme de 116.000 euros,
- de condamner la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme provisionnelle de 150.000 euros, à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice subi,
Subsidiairement :
-de confirmer l'ordonnance du 12 juin 2014 et condamner la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme provisionnelle de 80.000 euros, à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice subi,
En toute hypothèse :
-de condamner la société Bell & Ross à verser à la société Breitling la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur demande d'annulation des mesures ordonnées en première instance
Considérant que selon l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon et que lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République et qu'à défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés';
Que l'article R. 716-1 du même code a fixé le délai réglementaire prévu par cette disposition législative à vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter de la date de l'ordonnance, à la condition toutefois que le juge ait informé les parties de la date à laquelle l'ordonnance sera rendue et que cet avis soit mentionné dans la décision ;
Que cependant, l'absence d'une telle mention n'empêche pas définitivement le délai légal de courir, mais a seulement pour conséquence d'en différer le point de départ à la date de la notification de l'ordonnance ou, en l'absence de notification, à la date où la partie concernée a eu, par un moyen quelconque, connaissance effective de cette décision';
Considérant qu'en l'espèce, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a rendu sa décision le 12 juin 2014'mais qu'il ne résulte d'aucune mention de celle-ci qu'à l'issue des débats, le juge des référés a porté à la connaissance des parties la date à laquelle la décision mise en délibéré devait être rendue';
Qu'en revanche, la société Breitling a fait signifier cette ordonnance de référé à la société Bell & Ross le 19 juin 2014, si bien que, selon les règles de computation édictées par les articles 640 à 642 du code de procédure civile , le délai des articles L. 716-6 et R. 716-1 du code de la propriété intellectuelle a commencé à courir 20 juin 2014 et a expiré le 21 juillet 2014 à vingt-quatre heures, alors que la société Breitling n'a engagé que le 20 novembre 2014 l'action au fond prévue à l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle';
Qu'ainsi les mesures ordonnées le 19 juin 2014 doivent être annulées, annulation qui ne frappe que l'interdiction prononcée sous astreinte, sans qu'elle puisse être étendue à la disposition de l'ordonnance disant que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque « Blackbird » dont la société Breitling est titulaire en utilisant illicitement le terme « Blackbird » pour désigner une montre, ni à la condamnation de la société Bell & Ross à payer une somme provisionnelle accordée au titre du préjudice non sérieusement contestable, condamnations qui n'ont pas le caractère de mesures destinées à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon';
Sur le bien-fondé des demandes des parties
Considérant qu'il convient de rechercher si, comme l'a retenu le premier juge, la société Bell & Ross a commis des faits qui rendent vraisemblable une atteinte aux droits de la société Breitling, et dans l'affirmative de déterminer si cette atteinte perdure';
Considérant que la société Breitling a fait enregistrer la marque «'Blackbird'» le 9 avril 2002, enregistrement renouvelé le 10 mai 2012 pour les produits de la classe 14 soit, notamment les produits d'horlogerie et les instruments chronométriques, et qu'elle commercialise des montres sous cette marque ;
Considérant que la marque ainsi enregistrée confère à la société Breitling un droit exclusif impliquant que sa titulaire est habilitée à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux pour lesquels elle est enregistrée ou d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude des produits couverts par la marque, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque';
Considérant que les montres présentées par la société Bell & Ross dans ses documents publicitaires sous la référence «'BR 126 Blackbird'», sont très similaires aux montres de luxe que la société Breitling commercialise sous sa marque «'Blackbird'»';
Que néanmoins, l'ajout par la société Bell & Ross des initiales BR et du nombre 126 au signe Blackbird ne saurait être considéré comme tellement insignifiant qu'il passerait inaperçu aux yeux d'un consommateur moyennement attentif, de sorte que la contrefaçon par reproduction n'apparaît pas vraisemblable';
Considérant qu'en revanche, il ressort des débats que la dénomination «'BR 126 Blackbird'» désigne des montres de luxe, car même si la société Bell & Ross n'a pas fait figurer ce signe directement sur ses produits d'horlogerie, elle s'en est servi dans ses publicités, dans son catalogue édité sur papier et dans son catalogue édité sur internet, pour identifier un type de montre rendant hommage à l'avion Lockheed SR-71 Blackbird, appareil qualifié de «'légendaire'» et «'mythique'» dans les brochures diffusées par la société Bell & Ross'et qu'en raison de la renommée de cet aéronef, le consommateur moyen, amateur de produits d'horlogerie évoquant l'univers de l'aéronautique, est censé être normalement informé et raisonnablement attentif, et a donc nécessairement à l'esprit cet avion «'vintage'» quand la dénomination «'Blackbird'» désigne une montre de ce type, comme c'est le cas tant pour la société Bell & Ross que pour la société Breitling, même si cette dernière, en raison d'une convention avec la société Lookheed Martin, ne fait pas explicitement référence à l'origine historique de cette dénomination ;
Que dès lors «'Blackbird'» est le composant distinctif des dénominations dans lesquelles il est intégré et il domine à lui seul l'image que le public pertinent garde en mémoire, si bien que les autres composant «'BR 126'» apparaissent négligeables à cet égard et que le risque de confusion sérieux entre les produits respectifs des parties, le public visé pouvant être amené à croire, même lorsque dans les publicités le signe «'BR 126 Blackbird'» figure à côté de la marque Bell & Ross, que les produits de celle-ci et les produits de marque «'Blackbird'» de la société Breitling proviennent de deux entreprises liées économiquement';
Que l'ensemble de ces éléments rendent vraisemblable une imitation fautive de la marque «'Blackbird'» par la société Bell & Ross, portant atteinte aux droits de la société Breitling';
Considérant que la commercialisation des montres présentée sous la référence «'BR 126 Blackbird'» n'est pas contestable durant la période septembre-décembre 2013, puisque, selon les éléments produits aux débats et notamment des procès-verbaux de constats d'huissier de justice des 16 et 17 décembre 2013, ce produit était proposé sur le site internet Bell & Ross et plus particulièrement dans la rubrique vente en ligne pour un prix de 4.900 euros';
Que pareillement le catalogue papier des montres Bell & Ross, imprimé en septembre 2013, comportait sur une pleine page la publicité de la montre fabriquée en série limitée de 500 pièces présentée en deux versions, l'une avec bracelet en caoutchouc et l'autre avec bracelet en toile, désignées sous l'appellation «'BR 126 Blackbird'»';
Que durant cette période, la société Bell & Ross a aussi fait publier dans la presse des encarts publicitaires vantant la montre référencée «'BR 126 Blackbird'»';
Que ces faits survenus jusqu'à la fin de l'année 2013 ne sont d'ailleurs pas contestés par la société Bell & Ross';
Considérant que pour la période postérieure, la société Bell & Ross produit un constat d'huissier de justice du 11 février 2014 dont il ressort que la même montre était dorénavant référencée «'BR 126 Flyback'» sur son site internet, et vendu ainsi en ligne, ce que confirme encore des captures d'écran du site de cette société effectuées le 14 avril 2014';
Que cette désignation «'Flyback'» était aussi utilisée à la place de «'Blackbird'» dans le nouveau catalogue papier Bell & Ross et la date d'édition est septembre 2014, de même que la facture';
Qu'en outre la société Bell & Ross justifie avoir demandé à des responsables de sites internet spécialisés de modifier la présentation de la montre litigeuse et de remplacer «'Blackbird'» par «'Flyback'»' et que l'on ne saurait imputer à la société Bell & Ross la persistance de la dénomination «'BR 126 Blackbird'» sur l'un ou l'autre de ces sites, aucune pièce versée aux débats ne permettant d'affirmer que ces sites seraient l'émanation directe ou indirecte de la société Bell & Ross, où que cette dernière était d'une manière quelconque à l'origine de ces faits accomplis par des tiers';
Que les photographies (pièce n°11) censées représentées une «'manifestation publicitaire de la société Bell & Ross'» ne sont pas datées et que les circonstances de leur établissement ne sont pas relatées';
Considérant que la société Breitling verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 27 mai 2014, effectué en vertu d'une ordonnance sur requête rendue le 26 mai 2014 sur le fondement des articles 145, 493, 874 et 875 du code de procédure civile'par le président du tribunal de grande instance de Paris, et ayant autorisé un huissier à se rendre dans cinq points de vente et de « se faire remettre le catalogue de la société Bell & Ross ['] ; constater l'utilisation illicite de la marque Black Bird par la société Bell & Ross [']; autoriser l'huissier à prendre des photos et/ou des copies sur supports papier et/ou informatique des éléments relevés sur place ; donner tous éléments utiles ; ['] faire sommation à toute personne présente dans les locaux d'avoir à donner tous éléments d'information relatifs à la situation de faits exposés, et plus généralement à toutes les missions précédemment exposées »';
Mais considérant que cette procédure d'ordonnance sur requête permet d'effectuer une mesure d'instruction en dérogeant au principe de la contradiction, si bien qu'il importe que cette dérogation demeure aussi limitée que possible, raison pour laquelle l'article 495 du code de procédure civile prévoit que copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, c'est à dire la personne qui apparaît comme étant celle à l'encontre de laquelle un procès est susceptible d'être engagé, et que cette diligence doit être accomplie avant même le commencement de la mesure autorisée par le juge des requêtes, de manière à ce que cette personne, contre qui la mesure d'instruction pourra être utilisée dans un cadre contentieux, se trouve en situation de connaître, à l'orée de la mise en œuvre de cette mesure, ce qui a déterminé la décision du juge des requêtes, afin de mieux préparer sa défense';
Considérant que ces principes n'ont pourtant pas été respectés en l'espèce, puisque l'huissier de justice commis a effectué sa mission le 27 mai 2014 sans avoir signifié au préalable la requête et l'ordonnance à la société Bell & Ross, qui était expressément visée comme étant la personne contre laquelle un procès pourrait être engagé';
Qu'aucun élément produit aux débats n'établit que l'une ou plusieurs des bijouteries dans lesquelles l'huissier à procédé à sa mission étaient des établissements appartenant à la société Bell & Ross';
Qu'en tout état de cause, la requête et l'ordonnance n'ont été notifiées à ces bijouteries que le 28 mai 2014, c'est à dire le lendemain des opérations menées par l'huissier, ce qui conduit à constater que l'huissier de justice a procédé de manière irrégulière et que son constat se trouve privé de toute valeur probante'dans le cadre de la présente instance, sans qu'il soit dependant possible d'annuler cet acte en référé, l'exception tirée de la nullité d'une mesure d'instruction devant être soulevée dans l'instance au fond dans la perspective de laquelle elle a été « ordonnée »;
Considérant qu'il apparaît en définitive que la société Bell & Ross a bien commis des actes de contrefaçon en utilisant illicitement le terme Blackbird pour désigner une montre, et que l'ordonnance du 12 juin 2014 doit être confirmée de ce chef';
Que la société Bell & Ross établit avoir accompli les diligences nécessaires pour cesser d'utiliser la marque appartenant à la société Breitling et que cette cessation n'a été complète qu'en septembre 2014, date de l'édition du nouveau catalogue, l'appelante ne justifiant pas avoir rappelé avant cette date tous les exemplaires de l'ancien catalogue et qu'il n'est pas avéré que la société Bell & Ross a continué ses agissements postérieurement à cette date, en conséquence de quoi la société Breitling sera déboutée de sa demande aux fins de condamnation de la société Bell & Ross à cesser sous astreinte l'utilisation de la marque «'Blackbird'» comme elle sera déboutée de ses demandes de publication de la présente décision';
Considérant qu'il apparaît en définitive que la société Bell & Ross a bien commis des actes rendant vraisemblable la contrefaçon de la marque «'Blackbird'» et que la société Breitling était en droit d'agir en référé, au moins pour obtenir une provision à valoir sur son préjudice définitif';
Considérant que les actes commis par la société Bell & Ross, même s'ils ont cessé à ce jour, ont nécessairement causé un préjudice moral à la société Breitling en raison de la dévalorisation et de la banalisation de sa marque ainsi utilisée par un concurrent direct';
Qu'en l'absence d'éléments sur le préjudice économique, il y a lieu de maintenir la provision à la société Breitling à la somme de 80.000 euros déjà allouée en première instance et qu'en outre il sera fait droit aux demandes de communication de documents formée par cette société, seul moyen pour elle de déterminer le montant des bénéfices réalisés par la société Bell & Ross'en vue d'une réparation intégrale du préjudice par le juge du fond ;
Que pour sa part la société Bell & Ross sera déboutée de ses deux demandes en dommages-intérêts, le juge des référés n'ayant le pouvoir que d'accorder des provisions';
Considérant que la société Bell & Ross et la société Breitling succombent chacune sur partie de leurs prétentions et que dès lors les dépens seront partagés entre eux et que leurs frais irrépétibles respectifs resteront à leur charge';
PAR CES MOTIFS'
CONFIRME l'ordonnance rendue le 12 juin 2014 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle dit que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque «'Blackbird'» dont la société Breitling est titulaire en utilisant illicitement le terme « Blackbird » pour désigner une montre, déboute cette société de ses demandes de publication judiciaire, condamné la société Bell & Ross à payer à la société Breitling la somme provisionnelle de 80.000 euros à titre de dommages et intérêt et condamné la société Bell & Ross aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
ANNULE les mesures ordonnées le 19 juin 2014,
DIT que cette annulation ne frappe que l'interdiction prononcée sous astreinte, et qu'elle ne touche pas la disposition de l'ordonnance disant que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque « Blackbird » dont la société Breitling est titulaire en utilisant illicitement le terme « Blackbird » pour désigner une montre, ni la condamnation de la société Bell & Ross à payer une somme provisionnelle accordée au titre du préjudice non sérieusement contestable';
CONFIRME la disposition de l'ordonnance qui déboute la société Breitling de ses demandes de publication et les dispositions qui condamnent la société Bell & Ross à lui payer la somme provisionnelle de 80.000 euros, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance';
Y ajoutant':
DIT que le procès-verbal de constat établi le 27 mai 2014 par un huissier de justice à la requête de la société Breitling se trouve privé de toute force probante'dans le cadre de la présente instance';
DÉBOUTE la société Bell & Ross de ses demandes en paiement des sommes de 30.000 euros et 10.000 euros à titre de dommages-intérêts';
DÉBOUTE la société Breitling de ses demandes de publication de la présente décision';
ENJOINT à la société Bell & Ross de communiquer à la société Breitling l'ensemble de ses documents comptables, comme ses journaux de vente pour le chiffre d'affaires réalisé lors de la vente des montres référencées «'Blackbird'», auprès de l'ensemble de ses points de vente et des revendeurs agréés avec la liste de ses points de vente et des revendeurs agréés, pendant toute la durée de commercialisation de ces montres dont il devra aussi être justifié et que plus généralement la société Bell & Ross devra remettre à la société Breitling tous documents permettant d'établir le chiffre d'affaires réalisé par la société Bell & Ross par la commercialisation de ces mêmes montres';
DÉBOUTE la société Breitling de sa demande visant à ordonner sous astreinte à la société Bell & Ross de cesser toute utilisation ou tout usage de la marque «'Blackbird'»';
FAIT MASSE des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés pour moitié par la société Bell & Ross et pour moitié par la société Breitling';
LAISSE à la charge de la société Bell & Ross et de la société Breitling leurs frais irrépétibles';
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes formées en cause d'appel';
ACCORDE à la SELARL Lexavoués Paris-Versailles et à la SCP G.-B. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.