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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 7 mai 2015, n° 13/18439

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Association World Physique Fédération Internationale (Sté), Association Physique Francaise (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charlon

Conseillers :

Mme Louys, Mme de Gromard

Avocat :

Selarl Recamier Avocats Associés

TGI Paris, du 4 juill. 2013, n° 13/52060

4 juillet 2013

M. Laurent D., photographe, est titulaire de la marque française «'Miss Fitness'» déposée le 21 avril 2010 pour désigner différents produits et services des classes 9, 16, 25, 35, 38 et 41 (activités sportives et culturelles), de la marque française «'Mister Fitness'» déposée le 1er février 2005 pouvant notamment être opposée pour désigner les produits et services de la classe 41 et de la marque communautaire Mister Fitness déposée le 23 août 2006 dans cette même classe.

M. D., qui indique organiser chaque année un concours Mister Fitness et plus récemment également Miss Fitness, déclare avoir fait le constat que la marque Miss Fitness avait été utilisée sans son consentement pour l'élection de Miss Fitness par l'association World Physique Federation Internationale (WPF) et par l'association Physique Française (APF) qu'il présente comme sa filiale';

Par actes d'huissier en date des 18 et 19 février 2013, M. Laurent D. a fait assigner l'association WPF et l'association Physique Française devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment':

- de leur faire interdiction d'utiliser pour des manifestations ou produits identiques ou similaires à ses marques, les termes Miss Fitness et Mister Fitness, sous quelque forme que ce soit,

- annuler le titre Miss Fitness Univers ainsi que celui de Mister Univers Fitness';

- solliciter des médias concernés Union Press, France 3 Champagne-Ardenne et Radio 8, les retraits de tous articles de presse sur tout support d'information relatant la délivrance du titre Miss Univers Fitness,

- ordonner la publication de la décision sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, le juge des référés se réservant le pouvoir de la liquider,

- condamner solidairement les associations WPF et APF à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation définitive de son préjudice ainsi que celle de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.

Et par ordonnance de référé rendue contradictoirement en date du 4 juillet 2013, la juridiction a':

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les associations WPF et APF,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par M. D.,

- rejeté les demandes formées au titre de la procédure abusive et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. D. aux dépens.

M. D. a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées en date du 4 mars 2015, auxquelles il convient de se reporter, il demande à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

- faire interdiction aux associations WPF France et APF d'utiliser pour des manifestations ou produits identiques ou similaires aux marques déposées, les termes Miss et Mister Fitness, sous quelque forme que ce soit,

- annuler le titre Miss Fitness Univers ainsi que celui de Mister Univers Fitness,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur des éditions papier grand public tels que Télé 7 jours, Paris Match ou VSD, cette publication devra également être ordonnée sur les pages d'accueil des sites internet suivants : Union Presse, Radio 8 FM, France 3 Champagne Ardenne,

L'encart rédigé à cet effet devra l'être de la même taille et de la même police que les articles de presse sur l'actualité du jour,

- assortir cette publication, aux frais des associations WPF France et APF, d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte qu'elle ordonnera,

- condamner ces dernières à verser la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation définitive de son préjudice,

- les condamner à verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de constat d'huissier, qui seront recouvrés par la Scp B. D. L. conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Par conclusions signifiées en date du 16 décembre 2014, auxquelles il convient de se reporter, l'Association World Physique Fédération Internationale demande à la Cour de :

- déclarer M. D. irrecevable et mal fondé en son appel,

- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant,

- condamner M. D. à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

L'association Physique Française (APF) bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2015.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que M. D. fait valoir que la contrefaçon par reproduction de ses marques est incontestable, la marque Miss Fitness ayant été utilisée sans son consentement dans un domaine d'activité similaire à celui qu'il développe, à savoir l'élection de Miss Fitness'; qu'en organisant le concours Miss Fitness Univers et Mister Univers Fitness les associations en cause sèment la confusion dans l'esprit du public alors que l'image véhiculée par l'un et par l'autre est totalement opposée, lui-même véhiculant une image de fitness, de santé par le sport tandis que l'association WPF véhicule une image de body-building'; qu'ainsi la contrefaçon par reproduction est incontestable au regard de l'article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle'; que ces actes de contrefaçon lui causent un préjudice considérable';

Considérant que l'association WPF réplique qu'elle a été habilitée à organiser la compétition Miss Univers Fitness'; que le signe Miss ou Mister Fitness utilisé pour l'organisation d'un concours d'entraînement physique ne présente pas de caractère distinctif et n'est pas de nature à constituer une marque'; que l'atteinte aux droits de M. D. n'est pas vraisemblable au sens de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle '; qu'elle n'a jamais utilisé le signe « Miss and Mister Fitness » à titre de marque, mais uniquement pour désigner le titre de champion ou championne de fitness, qui existait bien avant le dépôt de la marque par M. D.';

Considérant que dans le cadre de l'action initiée par M. D., fondée sur le droit des marques et leur protection, il est inopérant de la part de l'association WPF de se prévaloir de ce qu'elle est habilitée à organiser la compétition sportive'en cause ;

Considérant qu'il est tout aussi vain de faire état du défaut de caractère distinctif des termes «'Fitness'» et «'Miss ou Mister'», ce qui revient à mettre en cause la validité de la marque alors que, sauf hypothèse de nullité manifeste du titre invoqué ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le juge des référés doit se borner à vérifier, outre la qualité à agir du demandeur, l'existence ou l'imminence d'une atteinte aux droits qui lui sont conférés par le titre'; qu'il appartiendra à la juridiction statuant au fond de se prononcer sur la validité de la marque litigieuse notamment au regard de l'appréciation de son caractère distinctif';

Considérant que l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit': «'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon'. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente'»';

Considérant que M. D. fait grief à l'association WPF d'avoir utilisé les termes Miss Fitness Univers et Mister Univers Fitness lors de la compétition de bodybuilding organisée le 1er décembre 2012 à Bazeilles (08) au cours de laquelle les titres Miss et Mister Univers Fitness ont été remis'; qu'il communique un constat d'huissier en date du 6 décembre 2012, consistant en des captures d'écran sur internet, reproduisant un article du journal ardennais l'Union portant le titre «'Polémiques autour du mondial de bodybuilding'» ainsi qu'un procès-verbal de constat du 14 mars 2013 établissant que les noms Miss Fitness et Mister Fitness sont utilisés sur les sites www.wpf-france.com/ et www.muscle-stars.com/ et encore www.bodybuilding-magazin.de/ ;

Considérant que s'agissant de signes différents, (Miss Fitness et Mister Fitness) l'hypothèse est celle d'une reproduction par imitation'; que l'article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle prohibe, sans autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public,'l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement'; que la reproduction par imitation est sanctionnée comme la reproduction à l'identique et constitutive de contrefaçon';

Considérant que concernant la marque communautaire semi-figurative «'Mister Fitness'» déposée le 23 août 2006, l'article 9 § 1du Règlement n° 40/94 du 20 décembre 1993, interdit, en l'absence d'autorisation du titulaire de la marque, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion entre le produit et la marque';

Considérant que l'imitation suppose une similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause'; que pour apprécier la similitude entre les produits et services, il convient d'adopter une démarche objective tenant compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits et services à savoir leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent « ou complémentaire »;

Considérant que constitue un risque de confusion le fait que le public puisse croire que les produits ou services identifiés par les deux signes proviennent de la même entreprise ou le cas échéant, d'entreprises liées économiquement'; que la victime potentielle étant un consommateur moyen du type de produit en cause, l'appréciation du risque de confusion dépendra de nombreux facteurs notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré ou encore dépendra du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits et les services désignés'; que l'appréciation doit être globale fondée sur une impression d'ensemble produite par les signes en présence en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants';

Considérant qu'en l'espèce, les marques déposées par M. D. étant opposables pour les activités sportives et culturelles, le concours de bodybuilding avec la remise des titres Miss et Mister Univers entre dans la catégorie des services figurant à l'enregistement des marques';

Considérant qu'en dépit de l'ajout du mot Univers, d'un point de vue visuel, phonétique et intellectuel les mots Miss Fitness et Mister Fitness constituent l'élément dominant des marques déposées par M. D.';

Considérant que la similarité des services concernés et la forte similitude des signes en cause pris dans leur ensemble entraine un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune';

Considérant qu'il apparaît, au vu de ces éléments, qu'il existe une vraisemblance d'acte de contrefaçon de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'examiner les demandes réparatrices présentées par M. D.';

Considérant que M. D. forme des demandes tendant à voir interdire à titre provisoire à l'association WPF de poursuivre les actes argués de contrefaçon sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard'; annuler le titre Miss Fitness Univers et Mister Univers Fitness, ordonner la publication du présent arrêt dans les pages d'accueil des sites internet de l'Union Presse, Radio 8FM et France 3 Champagne Ardenne sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte, condamner l'association WPF et l'association APF à lui payer lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice';

Considérant que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'annuler le titre Miss Fitness Univers pas plus celui de Mister Univers Fitness ce qui relève exclusivement du juge du fond';

Considérant qu'il convient eu égard aux faits d'interdire à l'association Word Physique Federation France (WPF) et à l'association Physique Française (APF) de poursuivre d'utiliser pour des manifestations ou produits identiques ou similaires aux marques de M. D., Miss Fitness et Mister Fitness, sous quelque forme que ce soit'; qu'aux termes du dispositif, il n'est pas sollicité que l'interdiction soit assortie d'une astreinte';

Considérant que les éléments de la cause ne commandent pas de faire droit à la demande de publication du présent arrêt'sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard'et sera, par conséquent, rejetée';

Considérant qu'au regard du préjudice porté au prestige et à l'image de qualité véhiculée par la marque Miss Fitness qui est une image de «'fitness'» et de santé par le sport et non de «'bodybuilding», il convient d'allouer, à titre provisionnel à M. D. une somme indemnitaire de 10 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise.

Statuant à nouveau,

INTERDIT à l'association Word Physique Fédération France (WPF) et à l'association Physique Française (APF) de poursuivre d'utiliser pour des manifestations ou produits identiques ou similaires aux marques de M. D., les termes Miss Fitness et Mister Fitness, sous quelque forme que ce soit.

CONDAMNE l'association Word Physique Fédération France (WPF) et l'association Physique Française (APF) à verser à M. D. la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice.

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. Laurent D. tendant à l'annulation des titres Miss Fitness Univers et Mister Univers Fitness.

DIT n'y avoir à publication du présent arrêt sous astreinte de M. Laurent D..

CONDAMNE l'association Word Physique Fédération France (WPF) et l'association Physique Française (APF) à verser à M. Laurent D. la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l'association Word Physique Fédération France (WPF) et l'association Physique Française (APF) aux dépens de première instance en ce compris les frais de constat d'huissier et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.