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Décisions

Cass. crim., 24 janvier 1978, n° 77-90.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Malaval

Rapporteur :

M. Monzein

Avocat général :

M. Elissalde

Avocat :

Me Lemanissier

Orléans, ch. appels corr., du 7 janv. 19…

7 janvier 1977

LA COUR,

VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LES PREMIER ET SECOND MOYENS DE CASSATION REUNIS ET PRIS ;

LE PREMIER, DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 408, 460 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE X... ET Y... DES FINS D'UNE POURSUITE POUR RECEL D'ABUS DE CONFIANCE, ALORS QU'IL CONSTATE EN FAIT QU'AUX DATES DES 15 AVRIL 1965 ET 17 OCTOBRE 1965 ILS ONT RECU DE Z... DEUX CHEQUES DE 150000 FRANCS SUR LE COMPTE DE LA CRPCIP ET QUE LE FAIT PAR Z..., ALORS DIRECTEUR DE LADITE CRPCIP D'EMETTRE CES CHEQUES ET DE LES REMETTRE AUX PREVENUS CONSTITUAIT UN ABUS DE CONFIANCE ;

" AU MOTIF, D'UNE PART, QUE LA REMISE DE CES CHEQUES CONSTITUAIT L'EXECUTION D'UN CONTRAT DU 13 AOUT 1964 PAR LEQUEL LA CRPCIP SE SUBSTITUAIT AUX ETABLISSEMENTS X... POUR ACQUERIR LEUR CREANCE DE 2200000 FRANCS SUR LA SOCIETE MARCHE UNION PAYABLE PAR TRIMESTRES ECHELONNES A PARTIR DU 31 MARS 1965, ET QUE LES PREVENUS AURAIENT ETE DE BONNE FOI, C'EST-A-DIRE AURAIENT IGNORE LES ABUS DE CONFIANCE COMMIS PAR Z... A LA DATE DU CONTRAT EN QUESTION, AUSSI BIEN QU'A LA DATE DE LA REMISE DES CHEQUES LITIGIEUX ET QUE L'EXISTENCE DES DELITS COMMIS PAR Z... NE LEUR AURAIT ETE CONNUE QUE BEAUCOUP PLUS TARD ;

" AU MOTIF, D'AUTRE PART, QUE Z..., BIEN QU'IL SE SOIT REVELE PAR LA SUITE BIEN APRES LA REMISE DES CHEQUES ETRE UN MANDATAIRE INFIDELE, A VOLONTAIREMENT ENGAGE LA CRPCIP VIS-A-VIS DES PREVENUS, QUE LA REMISE DESDITS CHEQUES A CES DERNIERS QUI LES ONT RECU DE BONNE FOI EN EXECUTION DE CE CONTRAT A EU A L'EGARD DE LA CRPCIP UN CARACTERE LIBERATOIRE QUE LEUR RECEPTION DANS CES CONDITIONS NE PEUT SERVIR DE BASE A DES POURSUITES POUR RECEL ;

" ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE LE DELIT DE RECEL RESULTE DU SEUL FAIT DE DETENTION MATERIELLE D'UNE CHOSE PROVENANT D'UN CRIME OU D'UN DELIT ; ET DE LA CONNAISSANCE ACQUISE PAR LE DETENTEUR AU COURS DE LA DETENTION DE L'ORIGINE DELICTUELLE DE LA CHOSE ;

" ALORS QUE LES DISPOSITIONS QUI PUNISSENT LE RECEL FRAPPENT TOUS CEUX QUI, PAR UN MOYEN QUELCONQUE, ONT BENEFICIE D'UN CRIME OU D'UN DELIT AVEC LA CONNAISSANCE DE L'ORIGINE DU PRODUIT DE CE CRIME OU DE CE DELIT ET QUE L'INFRACTION EST CONSTITUEE DU SEUL FAIT QUE LE DETENTEUR DE LA CHOSE NE S'EN DESSAISIT PAS SPONTANEMENT AU MOMENT OU IL APPREND QU'ELLE PROVIENT D'UN DELIT ;

" ET ALORS QU'EN L'ESPECE, EN CONSTATANT QUE LES PREVENUS ONT RECU LES CHEQUES INCRIMINES DE BONNE FOI, MAIS ONT EU LA REVELATION DE L'ORIGINE DELICTUELLE DES FONDS " BIEN APRES " CETTE REMISE DE CHEQUES, ADMET PAR CELA MEME QU'ILS ONT ACQUIS LA CONNAISSANCE DES ABUS DE CONFIANCE COMMIS PAR Z... AU COURS DE LA DETENTION DES FONDS QUI LEUR AVAIENT ETE REMIS AUX DATES INDIQUEES, MAIS QUE CEPENDANT ILS NE SE SONT PAS DESSAISIS DES FONDS, NE LES ONT PAS FAIT SEQUESTRER ET ONT MANIFESTE L'INTENTION DE LES CONSERVER PAR DEVERS EUX ET QUE DE TELLES CONSTATATIONS CARACTERISENT LE DELIT DE RECEL DANS TOUS SES ELEMENTS, D'OU IL SUIT QUE LE JUGE DU FOND NE POUVAIT RELAXER LES PREVENUS SANS SE CONTREDIRE ;

" ALORS QU'EN SUPPOSANT AVEC LE JUGE DU FOND QUE LES PREVENUS AIENT PU DE BONNE FOI RECEVOIR LES CHEQUES A LEUR DATE, LA CIRCONSTANCE QUE CES CHEQUES CONSTITUAIENT L'EXECUTION DU CONTRAT PASSE ENTRE LA CRPCIP ET LES ETABLISSEMENTS Y... ET QUE CES PAIEMENTS SERAIENT LIBERATOIRES POUR LA CRPCIP NE SAURAIT AVOIR POUR CONSEQUENCE DE FAIRE ECHEC A L'ACTION PUBLIQUE POUR RECEL ;

" ALORS QU'AU REGARD DE L'ARTICLE 460 DU CODE PENAL, LA MISSION DU JUGE DU FOND EST LIMITATIVEMENT DE RECHERCHER SI LA CHOSE REMISE PROVIENT D'UN DELIT ET SI LE DETENTEUR A CONNU CETTE ORIGINE A UNE DATE QUELCONQUE AU COURS DE SA DETENTION ET QU'IL IMPORTE FORT PEU QUE LE VERSEMENT AIT PU AVOIR UN CARACTERE LIBERATOIRE AU REGARD D'UNE CONVENTION QUI PEUT FAIRE LA LOI DES PARTIES, MAIS NE SAURAIT S'OPPOSER A L'APPLICATION DE LA LOI PENALE D'ORDRE PUBLIC ;

" ALORS QUE LA CONVENTION DU 13 AOUT 1964, QUI OBLIGE LA CRPCIP A PAYER LE PASSIF DE LA SOCIETE MARCHE UNION A L'EGARD DE LA SOCIETE X..., EST L'OEUVRE DE Z... ;

QU'ELLE A POUR CONSEQUENCE DE CONDUIRE A COMMETTRE TRIMESTRIELLEMENT AUTANT D'ABUS DE CONFIANCE QU'IL Y A D'ECHEANCES PREVUES AUDIT CONTRAT ET QU'A PARTIR DU MOMENT QUE LE JUGE NE RECHERCHE PAS AVEC PRECISION OU LES PREVENUS ONT APPRIS LES ABUS DE CONFIANCE DE Z..., ILS ONT PAR CELA MEME APPRIS QUE LE CONTRAT DU 13 AOUT 1964 N'AVAIT AUCUNE EXISTENCE LEGALE, QUE LES VERSEMENTS EFFECTUES EN EXECUTION DE CETTE CONVENTION CONSTITUAIENT AUTANT DE DETOURNEMENTS FRAUDULEUX ET QUE, PAR CONSEQUENT, EN CONSERVANT LA DETENTION DES FONDS PAR EUX RECUS, A PARTIR DE CETTE DATE, ALORS QU'ILS DEVAIENT LES PLACER SOUS AUTORITE DE JUSTICE, ILS ONT IPSO FACTO COMMIS LE DELIT DE RECEL ;

" ALORS QUE L'EXISTENCE D'UN CONTRAT CIVIL ENTRE LA CRPCIP ET LES ETABLISSEMENTS X... NE PEUT AVOIR POUR CONSEQUENCE DE COUVRIR A L'EGARD DES PREVENUS LA DETENTION DE FONDS DONT ILS SAVENT QU'ILS PROVIENNENT DE DETOURNEMENTS FRAUDULEUX, MEME SI AU MOMENT OU ILS LES ONT RECUS, ILS AVAIENT PU IGNORER L'EXISTENCE D'UNE INFRACTION DONT IL EST CONSTATE QU'ILS EN ONT CONNU EFFECTIVEMENT L'EXISTENCE " BIEN APRES " ;

" ET ALORS QUE LES INCULPES SONT DEVENUS RECELEURS DU SEUL FAIT QU'ILS ONT CONSERVE LA DETENTION DES FONDS APRES AVOIR ACQUIS LA CONNAISSANCE DES DELITS DESQUELS CES FONDS PROVENAIENT " ;

LE SECOND, DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 408, 460 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, POUR PRONONCER LA RELAXE DE X... ET Y..., INCULPES DE RECEL, DECIDE QUE LA REMISE DES CHEQUES A X... ET Y..., QUI LES ONT RECUS DE BONNE FOI, ETAIT LIBERATOIRE ;

" PAR CES MOTIFS, D'UNE PART, QUE LES PREVENUS N'AVAIENT AUCUN INTERET A CONTRACTER AVEC UNE PERSONNE QUI N'AVAIT PAS QUALITE POUR LE FAIRE ;

" PAR CES MOTIFS, D'AUTRE PART, QU'IL EST CONTRAIRE AUX FAITS D'AFFIRMER QU'AUCUNE GARANTIE EFFECTIVE N'ASSORTISSAIT LA CREANCE CEDEE ;

" PAR CES MOTIFS, ENFIN, QU'ON NE SAURAIT SOUTENIR QU'AU MOMENT OU EST INTERVENUE LA CESSION, L'INSOLVABILITE DE MARCHE UNION ETAIT NOTOIRE DES LORS QUE LES PREVENUS IGNORAIENT L'IMPORTANCE DES PRETS QU'ELLE AVAIT CONTRACTES AUPRES DE Z... ; " ALORS QUE, D'UNE PART, LA COUR NE POUVAIT, SANS UNE CONTRADICTION, DECIDER A LA FOIS QUE LES PREVENUS N'AVAIENT AUCUN INTERET A CONTRACTER AVEC UNE PERSONNE QUI N'AVAIT PAS QUALITE POUR LE FAIRE ET QUE LE CONTRAT DE CESSION PROJETE N'AVAIT UN CARACTERE LEONIN POUR AUCUNE DES DEUX PARTIES QUI Y TROUVAIENT CHACUNE LEUR INTERET ;

" ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA COUR D'APPEL, EN DECIDANT, SANS AUTRE PRECISION, QU'IL EST CONTRAIRE AUX FAITS D'AFFIRMER QU'AUCUNE GARANTIE EFFECTIVE N'ASSORTISSAIT LA CREANCE CEDEE ET QU'A CETTE EPOQUE LA CREANCE DE LA SOCIETE HECTOR X... ETAIT GARANTIE PAR LE PORTEFEUILLE COMMERCIAL DE MARCHE UNION D'UN MONTANT DOUBLE DE CELUI DE SA CREANCE, NE MET PAS LA COUR DE CASSATION EN MESURE D'ASSURER SON CONTROLE ET CECI D'AUTANT PLUS QUE L'ARRET ATTAQUE CONSTATE, SANS EN INDIQUER LEUR MONTANT, QUE CERTAINES TRAITES ENDOSSEES, FIGURANT DANS LE PORTEFEUILLE COMMERCIAL DE MARCHE UNION, AVAIENT FAIT PERDRE A CES TRAITES LEUR VALEUR DE GARANTIE ;

" ALORS QU'ENFIN, LA COUR NE POUVAIT, SANS UNE CONTRADICTION, DECIDER, D'UNE PART, QU'AU MOMENT OU EST INTERVENUE LA CESSION DE CREANCE, ON NE SAURAIT SOUTENIR QUE L'INSOLVABILITE DE MARCHE UNION ETAIT NOTOIRE DES LORS QUE LES PREVENUS IGNORAIENT L'IMPORTANCE ET LA NATURE DES PRETS QU'ELLE AVAIT CONTRACTES AUPRES DE Z..., ET CONSTATAIT, D'AUTRE PART, QUE LE MONTANT DES PRETS, D'AILLEURS MINORE A DESSEIN PAR MARCHE UNION (A...) ET PAR Z... (800000 FRANCS) NE LEUR A ETE REVELE QUE LORS DE LA CONCLUSION DU CONTRAT " ;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET QUE RENE X... ET GASTON Y... ONT ETE POURSUIVIS POUR AVOIR SCIEMMENT RECELE LE MONTANT DE DEUX CHEQUES, REMIS PAR Z..., QUI LES AVAIT OBTENUS A L'AIDE D'ABUS DE CONFIANCE COMMIS AU PREJUDICE DE LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES CADRES DE L'INDUSTRIE DU PETROLE ;

ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND, REPONDANT AUX CONCLUSION DE LADITE CAISSE, PARTIE CIVILE, ONT EXPOSE LES CIRCONSTANCES DE FAIT, DONT ILS ONT DEDUIT, PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE, QUE LES BENEFICIAIRES DES CHEQUES INCRIMINES ETAIENT DE BONNE FOI LORSQU'ILS LES ONT RECUS EN PAIEMENT D'UNE CREANCE, DONT L'ARRET, APRES EN AVOIR ANALYSE L'OBJET ET LA CAUSE, CONSTATE LA VALIDITE ;

QU'ILS ONT, DES LORS, A BON DROIT, RELAXE LES PREVENUS DU CHEF DE LA POURSUITE ;

QU'EN EFFET, LE CREANCIER QUI, DE BONNE FOI, A RECU EN PAIEMENT LA SOMME D'ARGENT QUI LUI ETAIT DUE, EN EST DEVENU AUSSITOT PROPRIETAIRE ET NE SAURAIT ULTERIEUREMENT ETRE DECLARE COUPABLE DE RECEL DE CETTE SOMME ;

D'OU IL SUIT QUE LA DECISION, EXEMPTE DES CONTRADICTIONS RELEVEES AU SECOND MOYEN, EST JUSTIFIEE ET QUE LES DEUX MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI.