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Décisions

Cass. 2e civ., 25 juin 1998, n° 96-10.397

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zakine

Rapporteur :

M. Guerder

Avocat général :

M. Tatu

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, Me Odent, SCP Rouvière et Boutet

Paris, du 10 nov. 1995

10 novembre 1995

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 1995) et les productions, que l'Association nationale pour la prévention de l'alcoolisme (ANPA) a fait assigner devant le tribunal de grande instance, la société United Distillers international (UDI) et la société Avenir Havas Media (AHM) en réparation du préjudice occasionné par un affichage publicitaire en faveur du whisky de marque Johnnie X... ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action de l'ANPA recevable, alors que l'action civile ne peut être exercée par une association que s'il a été porté atteinte par l'auteur de l'infraction aux intérêts collectifs qu'elle défend, tels que définis par ses statuts ; qu'ainsi, la cour d'appel, en considérant qu'il résultait de l'article 96 du Code des débits de boissons que l'ANPA, qui avait pour objet la lutte contre l'alcoolisme, pouvait exercer une action tendant à voir sanctionner l'illicéité d'une publicité pour une boisson alcoolique sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette initiative n'excédait pas sa mission, limitée par l'article 2 de ses statuts à l'éducation et l'information, en vue de la prévention de l'alcoolisme, a privé son arrêt de base légale au regard du texte susvisé, des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en raison de la spécificité de son but et de l'objet de sa mission, une association de lutte contre l'alcoolisme, qui tient de l'article L. 96 du Code des débits de boissons le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, peut exercer son action devant la juridiction civile, dès lors qu'elle subit, du seul fait de la publicité illicite en faveur de l'alcool, un préjudice direct et personnel ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'ANPA a pour but de développer une politique globale de prévention des risques et des conséquences de l'alcoolisation par tous les moyens en son pouvoir, de veiller à l'amélioration et à l'application de la législation en la matière et d'exercer les droits reconnus à la partie civile, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cette association était habilitée à agir devant une juridiction civile pour demander réparation du préjudice occasionné par un affichage publicitaire contrevenant, selon elle, aux dispositions du Code des débits de boissons et contraire à son objet statutaire ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident réunis :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum les sociétés UDI et AHM à payer une somme de 30 000 francs, à l'ANPA, à titre de dommages-intérêts, alors que, selon l'article L. 18 du Code des débits de boissons, l'indication dans une publicité pour une boisson alcoolique des modalités de vente ou du mode de consommation du produit est autorisée ; qu'en considérant qu'était illicite dans la publicité pour une marque de whisky, la reproduction sur une affiche d'un barman servant un verre de whisky sur un comptoir avec une bouteille de whisky à la main, qui n'avait d'autre objet que de décrire un mode de consommation et les modalités de vente de cet alcool, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'affiche incriminée représente un comptoir sur lequel sont posés une bouteille de whisky de la marque Johnnie X... et trois verres à demi pleins, ainsi qu'un verre servi par un barman tenant une bouteille du même whisky à la main, et présenté sous le nom de " Johnnie X..., Max, barman au Niel's ", la cour d'appel retient exactement qu'en incluant dans l'affiche un barman et un comptoir, les sociétés UDI et AHM ont enfreint les dispositions de l'article L. 18 précité, qui énumèrent de manière limitative les éléments dont peut être composée une publicité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.