CA Poitiers, 2e ch., 17 janvier 2017, n° 16/01751
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
CGEA de Bordeaux (Sté)
Défendeur :
Marqueterie de Saintonge (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sallaberry
Conseillers :
Mme Caillard, Mme Andrieux
Avocat :
Me Arzel
Par jugement en date du 20 mars 2014, le Tribunal de Commerce de Saintes a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SAS Marqueterie de Saintonge.
Durant la période d'observation, l'AGS - CGEA de Bordeaux a été amené à faire l'avance pour le compte de la SAS Marqueterie de Saintonge de diverses sommes dues aux salariés.
Par jugement en date du 5 novembre 2015 le Tribunal de Commerce de Saintes a arrêté un plan de redressement au profit de la SAS Marqueterie de Saintonge.
Dans le cadre de ce plan, l'AGS - CGEA de Bordeaux a accepté que sa créance soit réglée en 30 mensualités à compter du 30 novembre 2015.
La SAS Marqueterie de Saintonge n'ayant pas respecté cet échéancier, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 décembre 2015, l'AGS-CGEA de Bordeaux l'a mis en demeure de régler la somme de 132.578,42 € correspondant au solde de ses créances.
La SAS Marqueterie de Saintonge n'ayant pas donné suite à cette mise en demeure, par acte d'huissier en date du 3 mars 2016, l'AGS-CGEA de Bordeaux l'a assigné en référé devant le Président du Tribunal de Commerce de Saintes pour obtenir paiement de ses créances.
Par ordonnance de référé en date du 2 mai 2016, le Président du Tribunal de Commerce de
Saintes a:
- Condamné la SAS Marqueterie de Saintonge à payer à L'AGS -CGEA de Bordeaux la somme provisionnelle de 132.046,96 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015, date de réception de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.
- Autorisé la SAS Marqueterie de Saintonge à s'acquitter du paiement de sa dette en 24 mois, soit 23 mensualités de 5.500 € payables le 5 de chaque mois, la première à compter du 5 mai 2016 et le solde en une 24ème et dernière mensualité.
- Dit qu'à défaut de paiement d'un seul terme, l'intégralité deviendra immédiatement exigible sans autre formalité.
- Condamné la SAS Marqueterie de Saintonge à verser à l'AGS-CGEA de Bordeaux la somme de 700 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et frais de greffe.
- Dit que ceux-ci seront avancés par l'AGS CGEA de Bordeaux.
Selon déclaration enregistrée au greffe de la cour le 10 mai 2016, l'AGS CGEA de Bordeaux a
interjeté appel de cette décision, selon ses dernières conclusions signifiées le 5 juillet 2016, il
demande à la cour de :
- Dire et juger que la créance super-privilégiée et la créance article L. 622-17 du Code de Commerce du CGEA de Bordeaux ' AGS, sont des créances hors plan ne pouvant faire l'objet ni de remise, ni de délai, sauf accord exprès pris avec le créancier.
- En conséquence, Réformer la décision dont appel.
- Dire et juger que la SAS Marqueterie de Saintonge ne pouvait bénéficier d'autres délais que l'accord exprès dérogatoire volontairement accordé en son temps à l'entreprise de s'acquitter en 30 échéances mensuelles à compter du 30 novembre 2015, échéancier qu'elle n'a pas respecté, et qui se trouve donc obsolète.
- En conséquence Condamner la SAS Marqueterie de Saintonge, sur le fondement des articles L. 3253-16 du Code du Travail, L. 625-8 du Code de Commerce et 873 du Code de Procédure Civile à lui payer à titre provisionnel la somme de 132.518,42 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015 et jusqu'à complet règlement.
- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la SAS Marqueterie de Saintonge à lui régler une somme de 700 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la procédure de première Instance, outre les dépens de première Instance.
- Y Ajouter la condamnation de la SAS Marqueterie de Saintonge devant la Cour d'Appel à lui régler une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens d'appel.
La SAS Marqueterie de Saintonge n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L. 3253-16 2º du Code du travail dispose que « les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances :
-2º pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2 L. 3253-4 et L. 7313-8 et
les créances avancées au titre du 3ºde l'article L. 3253-8 lors d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire .Les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures leur sont
remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code du commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Elles bénéficient alors des privilèges attachés à celle-ci ».
L'article L. 622-17 du Code du commerce dispose que « I - Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période
d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont
payés à leur échéance.
II- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes
les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le
privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, (...) ».
L'article L. 626-20 I du Code du travail énonce que « Par dérogation aux dispositions des articles L. 626-18 et L. 626-19, ne peuvent faire l'objet de remises ou de délais qui n'auraient pas été acceptés par les créanciers :1º les créances garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail (...) ».
L'article R. 626 -33 -1 du Code du commerce prévoit que « l'acceptation des délais et remises portant sur les créances mentionnées à l'article L. 626-20 ne peut être qu'expresse ».
Ces dernières dispositions sont d'ordre public.
Il ressort des pièces versées aux débats et notamment d'un courrier officiel en date du 5 avril 2016 adressé par le conseil de la SAS Marqueterie de Saintonge au conseil du CGEA de Bordeaux que celle-ci ne conteste pas être redevable à l'égard de ce dernier.
En l'absence de toute contestation sérieuse sur le principe et le montant de la créance du CGEA de Bordeaux, il convient donc de confirmer sur ce point la décision rendue en première instance condamnant la SAS Marqueterie de Saintonge à payer à L'AGS - CGEA de Bordeaux la somme provisionnelle de 132.046,96 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015, date de réception de la mise en demeure en date du 21 décembre 2015.
Devant le premier juge, la SAS Marqueterie de Saintonge a réitéré sa demande de délais de paiement, il a été fait droit à sa demande.
Cependant en application des dispositions combinées des articles L. 626-20 I du Code du travail et R. 626 -33 -1 du Code du commerce reproduites supra, la créance du CGEA ne peut pas faire l'objet de remise ou de délais sauf acceptation expresse de sa part. En l'espèce l'AGS-CGEA de Bordeaux a expressément indiqué son refus de tout délai au débiteur et a réitéré cette position devant le tribunal et devant la cour.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée prise en méconnaissance des textes pré-cités, en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la SAS Marqueterie de Saintonge.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du CGEA de Bordeaux les frais engagés pour la présente instance et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la SAS Marqueterie de Saintonge à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant, la SAS Marqueterie de Saintonge sera tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de Commerce de Saintes le 2 mai 2016 en ce qu'elle a :
> condamné la SAS Marqueterie de Saintonge à payer à l'AGS-CGEA de Bordeaux la somme provisionnelle de 132.046,96 € augmentée des intérêts aux taux légal à compter du 30 décembre 2015, date de réception de la mise en demeure, et jusqu'à parfait paiement.
> condamné la SAS Marqueterie de Saintonge à payer à l'AGS-CGEA de Bordeaux la somme de 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
> condamné la SAS Marqueterie de Saintonge aux entiers dépens de l'instance et frais de greffe,
- Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de Commerce de Saintes le 2 mai 2016 en ce qu'elle a : :
> autorisé la SAS Marqueterie de Saintonge à s'acquitter du paiement de sa dette en 24 mois, soit 23 mensualités de 5.500 € payables le 5 de chaque mois, la première à compter du 5 mai 2016 et le solde en une 24e et dernière mensualité.
> dit qu'à défaut de paiement d'un seul terme, l'intégralité deviendra immédiatement exigible sans autre formalité.
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit n'y avoir lieu à délais de paiement au profit de la SAS Marqueterie de Saintonge
Y Ajoutant,
- Condamne la SAS Marqueterie de Saintonge à payer à l'AGS-CGEA de Bordeaux la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamne la SAS Marqueterie de Saintonge aux dépens d'appel.