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Décisions

CA Colmar, 3e ch. A, 19 mars 2018, n° 17/02792

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Les Grandes Etapes Françaises (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, M. Ruer

Avocats :

Me Spieser, Selarl Wemaere Leven Laissue Merrien, Me Riegel

TI Tours, du 19 juill. 2016

19 juillet 2016

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par arrêt infirmatif du 13 novembre 2014, la chambre sociale de la cour d'appel d'Orléans a condamné la société Grandes Etapes Françaises à payer diverses sommes à X…, dont une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme de 2267,44 € à titre d'indemnité de licenciement.

Par jugement en date du 22 juillet 2014, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar a arrêté le plan de sauvegarde de la société Grandes Etapes Françaises en prévoyant que le passif privilégié et chirographaire échu serait remboursé selon trois options au choix du créancier.

X… a alors saisi le juge de l'exécution du tribunal de Tours aux fins de voir constater que sa créance, constituée des deux sommes sus-indiquées n'était pas assujettie au plan de sauvegarde et voir ordonner à la société Grandes Etapes Françaises d'avoir à procéder sous astreinte au règlement des dites sommes.

Par jugement en date du 19 juillet 2016, le juge de l'exécution, après avoir rejeté une exception d'incompétence, a dit que le solde de la créance d'un montant initial de 22 267,44 € devait être payé conformément au plan de sauvegarde sous l'option B prévoyant un échelonnement de remboursement du passif privilégié sur dix ans.

Par arrêt en date du 15 juin 2017, la cour d'appel d'Orléans a infirmé ce jugement et a désigné la cour d'appel de Colmar pour connaître de l'affaire.

Devant la cour d'appel de ce siège, X… a, par dernières écritures notifiées le 8

novembre 2017, au vu des dispositions des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, 42, 43, 46 du code de procédure civile, L. 626-20 du code de commerce, conclu à l'infirmation du jugement du 19 juillet 2016 et a demandé à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Tours territorialement incompétent,

- constater que la créance de X… constituée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 20 000 € et de l'indemnité de licenciement à hauteur de 2267,44 € n'est pas assujettie aux modalités du plan de sauvegarde accordé à la société Grandes Etapes Françaises,

En conséquence,

- ordonner à cette société d'avoir à procéder au règlement des dites sommes dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard,

Subsidiairement,

- autoriser X… à faire procéder à la saisie sur les comptes bancaires de la société Grandes Etapes Françaises des sommes qui lui sont dues,

- condamner la société Grandes Etapes Françaises à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par écritures notifiées le 19 décembre 2017, la société Grandes Etapes Françaises a conclu à la confirmation de la décision entreprise et a sollicité la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle a demandé à bénéficier des plus larges délais de paiement sur la somme de 21 822,10 € restant due, dans la limite de 24 mois.

La clôture a été prononcée à l'audience des plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées auxquelles il est expressément

référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Sur la compétence territoriale du juge de l'exécution de Tours

En désignant la cour d'appel de Colmar comme juridiction compétente pour connaître de la demande formée par X… devant le juge de l'exécution de Tours, la cour d'appel d'Orléans a statué par des motifs décisoires excluant la compétence territoriale du juge de l'exécution de Tours dont il a décliné la compétence.

N'ayant pas donné lieu à pourvoi, cet arrêt est irrévocable.

Il en résulte qu'est sans objet la demande tendant à voir dire le juge de l'exécution de Tours territorialement incompétent.

Sur le fond

La procédure a pour objet de déterminer les modalités de paiement à X… des sommes qui lui ont été allouées par la cour d'appel d'Orléans dans son arrêt infirmatif du 13 novembre 2014.

X… soutient que cet arrêt doit être exécuté sans délai et que les sommes allouées ne rentrent pas dans le plan de sauvegarde arrêté antérieurement au jour de son prononcé. Il se fonde à cet égard notamment sur les dispositions de l'article L. 626-20 du code de commerce et sur l'article 2331 du code civil en arguant qu'aucun délai ne peut être opposé, sans son accord, au salarié quant au règlement de ses créances de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de licenciement.

Selon lui, l'inscription de ses créances en juillet 2015 sur l'état des créances ne caractérise pas son accord à consentir des délais de paiement, ce d'autant plus qu'il n'a jamais encaissé les dividendes des années 2015 et 2016.

Au contraire, la société fait valoir qu'en déclarant sa créance par lettre du 27 juillet 2015 et en optant pour l'option B prévue au plan, X… a expressément accepté des délais.

L'accord aurait été exécuté dès lors qu'il a été adressé au créancier deux chèques en paiement des échéances 2015 et 2016.

Elle rappelle que la créance litigieuse, de nature indemnitaire, est née antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde de sorte que, n'étant pas garantie par les AGS, ayant été déclarée et figurant sur l'état des créances arrêté le 9 juillet 2015, elle doit entrer dans le plan de sauvegarde.

*

Selon les dispositions des articles L. 626-18 et L. 6 126-19 du code de commerce, le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers. Le plan peut prévoir un choix pour les créanciers comportant un paiement dans des délais uniformes plus brefs mais assorti d'une réduction proportionnelle du montant de la créance. Au terme de l'article 626-20 du code de commerce, par dérogation aux dispositions des articles L. 626- 18 et L. 626-19, ne peuvent faire l'objet de remises ou de délais qui n'auraient pas été acceptés par les créanciers' les créances résultant d'un contrat de travail garanties par les privilèges prévus au 4º de l'article 2101 (2331) et au 2º de l'article 2104 (2375 ) du code civil lorsque le montant de celles-ci n'a pas été avancé par les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 (3253-14) du code du travail ou n'a pas fait l'objet d'une subrogation.

Les créances de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnités de licenciement figurent au 4º de l'article 2331 du code civil comme étant des créances privilégiées.

Or, les créances de cette nature dont dispose X… ne peuvent être prises en compte par les AGS dès lors que ces créances ont leur origine antérieurement au jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde.

Il en résulte que ces créances ne peuvent donner lieu à remises ou délais dans le cadre d'un plan de sauvegarde qu'avec l'accord exprès du salarié.

En l'espèce, la société Grande Étapes Françaises ne rapporte aucunement la preuve de l'accord exprès donné par X… à l'octroi des délais prévus par le plan de sauvegarde arrêté par le tribunal de grande instance de Colmar, la déclaration de sa créance et son inscription sur l'état des créances du 9 juillet 2015 étant à elles seules inopérantes à rapporter la preuve dudit accord.

La société intimée ne peut pas davantage se prévaloir d'un accord implicite puisqu'il est constant que X… n'a jamais encaissé les chèques lui qui ont été adressés en règlement des dividendes dus pour les années 2015 et 2016, en fonction de l'option B du plan de sauvegarde.

Il résulte de ces énonciations qu'infirmant la décision déférée, il convient, recevant X… en son appel, de dire que la créance de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 20 000 € et celle résultant de l'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 2267,44 euros ne sont pas assujetties aux modalités du plan de sauvegarde accordé à la société défenderesse.

Il n'y a pas lieu de condamner la société Grande Étapes Françaises d'avoir à procéder au règlement des dites sommes dans un délai de huit jours dès lors que X… dispose d'un titre exécutoire.

Il n'y a pas davantage lieu d'assortir d'une quelconque astreinte la condamnation prononcée par la cour d'appel d'Orléans en son arrêt du 13 novembre 2014.

Sur la demande de délais de paiement

La société Les Grandes Etapes Françaises, qui se contente de faire état du plan de sauvegarde dont elle bénéficie depuis le 22 juillet 2014, ne produit à la cour aucun élément de nature à appréhender de manière objective sa situation financière actuelle, ainsi que ses actifs et passifs.

Cette carence est d'autant plus préjudiciable qu'il est justifié du fait que par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 9 septembre 2015 elle a été condamnée à payer à un autre de ses salariés la somme de 44 100 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que par jugement du 16 mars 2017, le juge de l'exécution de Colmar a dit que le solde de la créance est exigible dans sa totalité et que le plan de sauvegarde n'est pas opposable à cette dernière.

Dans cet état et à défaut de tout autre élément d'appréciation, il convient de débouter la société Les Grandes Étapes Françaises, qui a déjà, de fait, bénéficié de plus de trois années de délais, de sa demande de délais de paiement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront infirmées.

Partie perdante, la société Les Grandes Etapes Françaises sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de X… au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 2000 €.

La Cour,

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DIT n'y avoir lieu à statuer du chef de l'incompétence territoriale du juge de l'exécution de Tours,

CONSTATE que la créance de X…, telle que fixée par l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans en date du 13 novembre 2014 et constituée de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 20 000 € (vingt mille euros) et de l'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 2267,44 euros (deux mille deux cent soixante-sept euros quarante-quatre centimes), n'est pas assujettie aux modalités du plan de sauvegarde accordé à la société Les Grandes Étapes Françaises et

DIT que X… dispose d'un titre exécutoire qu'il lui appartient de mettre à exécution sans que l'on puisse lui opposer les dispositions du plan de sauvegarde arrêté par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar du 22 juillet 2014,

DIT n'y avoir lieu à ordonner à la société d'avoir à procéder au règlement des dites sommes dans un délai de huit jours sous astreinte,

DÉBOUTE la société Grande Étapes Françaises de sa demande délai de paiement,

La DEBOUTE de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Grande Étapes Françaises à payer à X… la somme de 2000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Grande Étapes Françaises aux dépens.