Cass. com., 12 décembre 2018, n° 16-25.849
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Marc Lévis, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le capital social de la SARL Royal Textile diffusion (la SARL) est détenu à parts égales par la société Mac 2 et par Mme Y... ; que M. Z... assure la gérance des sociétés Royal Textile diffusion et Mac 2 ; que contestant des prestations facturées par la société Mac 2 à la SARL, Mme Y... a demandé judiciairement la désignation d'un expert ; qu'à la suite du dépôt par l'expert de son rapport, la cour d'appel a, par un arrêt du 14 décembre 2011, prononcé la dissolution de la SARL et désigné M. A... en qualité de liquidateur ; qu'alléguant des créances sur la SARL, M. Z... et la société Mac 2 l'ont assignée en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Z... et la société Mac 2 font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement formée par M. Z... à hauteur de la somme de 15 260 euros contre la SARL, en sa qualité de cessionnaire d'une créance rachetée par lui auprès de la société SEBH, alors, selon le moyen, que M. Z... faisait valoir que, même à supposer que la cession de créance du 22 décembre 2011 ne soit pas opposable à la société Royal Textile diffusion par le simple fait qu'il la représentait à cet acte, elle était en tout état de cause devenue recevable par la notification qui en avait été faite par écritures judiciaires dès le 7 mars 2014 ; que, pour écarter toute cession de créance, la cour d'appel s'est bornée à juger que M. Z... ne représentait plus la société Royal Textile diffusion au moment de l'acte, sans répondre à ce moyen ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que M. Z... se prévalait, pour justifier de sa qualité de créancier de la SARL, d'un acte sous seing privé daté du 22 décembre 2011 faisant état d'une créance de la société SEBH contre la SARL et d'un rachat par M. Z... de cette créance, l'arrêt relève que, lorsque M. Z... a signé l'acte du 22 décembre 2011, en se présentant en qualité de gérant de la SARL, il était dessaisi de ses fonctions par l'arrêt de la cour d'appel du 14 décembre 2011 prononçant la dissolution de la SARL et désignant un liquidateur ; qu'en cet état, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Z... et la société Mac 2 font grief à l'arrêt de rejeter la demande de condamnation de la SARL, prise en la personne de son liquidateur, à payer à M. Z... la somme de 249 000 euros, au titre de son préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 12 des statuts de la SARL, le gérant avait droit à une rémunération ; que pour écarter cette rémunération, la cour d'appel a relevé que « c'est de façon audacieuse que M. Z..., responsable, en sa qualité de gérant, des irrégularités constatées dans la gestion de la SARL Royal Textile diffusion, vient aujourd'hui, pour échapper à leurs conséquences légales, réclamer à cette société de réparer les conséquences de ses propres fautes » ; qu'en statuant, par un motif manifestement impropre à supprimer le droit à rémunération de M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'aux termes de l'article 12 des statuts de la SARL, le gérant avait droit à une rémunération ; que ce droit à rémunération ne disparaissait pas au prétexte que M. Z... aurait été également gérant d'une autre société et rémunéré à ce titre ; que, pour écarter ce droit à rémunération, la cour d'appel a également observé que M. Z... « se trouvait, en fait, rétribué par la SARL Mac 2 » ; qu'en statuant ainsi, par un motif manifestement impropre à écarter le droit à rémunération de M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que M. Z... faisait valoir qu'il n'avait renoncé à demander une rémunération en tant que gérant qu'en contrepartie des conventions de services conclues entre la SARL et la société Mac 2, qui rémunéraient en fait ses différentes diligences, et que sa demande fondée sur une perte de chance d'être rémunéré en tant que gérant était la conséquence de l'éventuelle décision d'invalider ces convention de services ; que la cour d'appel a invalidé lesdites conventions mais a néanmoins considéré que M. Z... aurait été, « en fait, rétribué par la SARL Mac 2 », sans répondre à ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucune décision collective des associés n'avait approuvé une quelconque rémunération du gérant de la SARL, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, justifié sa décision, sans avoir à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la troisième branche ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq premières branches :
Attendu que M. Z... et la société Mac 2 font grief à l'arrêt de condamner la société Mac 2 à payer au liquidateur de la SARL 152 818,68 euros, à reporter à l'actif de cette dernière, et de rejeter leurs demandes tendant à voir juger que les conventions de prestations intervenues entre la société Mac 2 et sa filiale n'ont entraîné aucune conséquence préjudiciable pour la SARL et condamner cette dernière, prise en la personne de son liquidateur, à payer à la société Mac 2 114 356 euros, en remboursement de son compte courant créditeur, alors, selon le moyen :
1°/ que la société Mac 2 versait aux débats les procès-verbaux de délibérations des assemblées générales de 1999, 2000, 2001 et 2002 ; que chacun de ces procès-verbaux, adoptés à l'unanimité des votants, exposait que le rapport spécial sur les conventions réglementées prévu par l'article L. 223-19 du code de commerce avait été lu, que ses termes en avait été approuvés et que la convention réglementée était ratifiée ; qu'en jugeant néanmoins que, dans la mesure où aucun exemplaire du contrat en question n'était produit devant la cour d'appel, aucune convention n'aurait pu être régulièrement soumise à la délibération des associés, la cour d'appel a dénaturé lesdits procès-verbaux, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ qu'il n'est reçu aucune preuve contre et outre le contenu aux actes sous seing privé ; que la société Mac 2 versait aux débats les procès-verbaux de délibérations des assemblées générales de 1999, 2000, 2001 et 2002 ; que chacun de ces procès-verbaux, adoptés à l'unanimité des votants, exposait que le rapport spécial sur les conventions réglementées prévu par l'article L. 223-19 du code de commerce avait été lu, que ses termes en avait été approuvés et que la convention réglementée était ratifiée ; que par conséquent, ni Mme Y... ni la SARL, représentée par son liquidateur, ne pouvait contester les mentions expresses de ces procès-verbaux, selon lesquels le rapport spécial sur les conventions réglementées prévu par l'article L. 223-19 du code de commerce avait été lu, que ses termes en avait été approuvés et que la convention réglementée était ratifiée ; qu'en jugeant néanmoins que, dans la mesure où aucun exemplaire du contrat en question n'était produit devant la cour d'appel, aucune convention n'aurait pu être régulièrement soumise à la délibération des associés, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
3°/ que l'écrit n'est requis ni pour la validité des contrats ni pour leur preuve en matière commerciale ; qu'en jugeant néanmoins que, dans la mesure où aucun exemplaire du contrat en question n'était produit devant la cour d'appel, aucune convention n'aurait pu être régulièrement soumise à la délibération des associés, ce qui revenait concrètement à imposer une forme écrite aux conventions en cause, la cour d'appel a violé le principe du consensualisme, ensemble les articles L. 110-3 et L. 223-19 du code de commerce ;
4°/ que subsidiairement les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société ; que la sanction du défaut d'approbation d'une convention réglementée est, non pas sa nullité ou son inexistence, mais l'obligation pour l'associé ou le gérant de supporter les éventuelles conséquences préjudiciables ; qu'au cas présent, la cour d'appel a jugé que, « faute de convention approuvée », tous les effets desdites conventions devaient être rétroactivement effacés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 223-29 du code de commerce ;
5°/ que de la même manière la preuve du caractère préjudiciable de conventions réglementées qui n'auraient pas été approuvées incombe à celui qui allègue ce caractère préjudiciable ; qu'en relevant, pour écarter le moyen de M. Z... et la société Mac 2 fondé sur l'article L. 223-19 du code de commerce, qu'il leur appartiendrait de prouver le contenu des conventions litigieuses, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que la preuve des conventions ne pouvait être rapportée a posteriori par des factures dont l'émission était contestée pour ne pas être régulièrement causée par un contrat conclu entre deux personnes morales et que le contenu des conventions invoquées n'était pas prouvé, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, sans inverser la charge de la preuve, écarter la demande en paiement en ce qu'elle était fondée sur des conventions prétendument intervenues entre les parties ; qu'inopérant en ses quatre premières branches, qui critiquent des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement formée par M. Z... et de la société Mac 2 au titre du compte courant détenu par cette dernière dans les livres de la SARL, l'arrêt retient que le contenu des conventions invoquées n'est pas établi ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen pris de ce que les sommes réclamées par la société Mac 2 étaient également constituées par des apports de trésorerie en compte courant, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement formée par la société Mac 2 fondée sur sa créance en compte courant dans les livres de la SARL Royal Textile diffusion, l'arrêt rendu le 7 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.