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Décisions

Cass. 3e civ., 14 novembre 2012, n° 11-21.105

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Basse-Terre, du 18 avril 2011

18 avril 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 avril 2011), que M. Z... a donné à bail à Mme A...- B... des locaux commerciaux à usage de débit de boissons ; que ces locaux ont été sinistrés par un incendie le 29 février 1988 ; que la locataire a été placée en redressement judiciaire le 5 décembre 1988 puis en liquidation judiciaire le 11 décembre 1989 ; que, le 1er février 1989, le juge-commissaire a ordonné la poursuite du bail commercial et, le 5 décembre 1991, a autorisé la cession du droit au bail à MM. X... et Y..., pour le compte de la société La Belle Epoque en cours de constitution ; que, parallèlement, selon compromis du 7 mai 1990, M. Z... a vendu les locaux commerciaux objets du bail à MM. X... et Y... et autorisé les acquéreurs à prendre immédiatement possession des lieux ; que M. C..., liquidateur judiciaire de Mme A...- B..., remplacé depuis par M. D..., a assigné MM. X... et Y... et la société La Belle Epoque en régularisation de l'acte authentique et en paiement du prix de cession ; que M. Z... a assigné MM. X... et Y... en paiement du solde du prix de vente des locaux et en réitération de l'acte de vente ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et la société La Belle Epoque font grief à l'arrêt de les condamner à payer la somme de 228 673, 53 euros à M. D..., de les déclarer sans droit ni titre sur les locaux initialement donnés à bail à Mme A...- B... et d'ordonner leur expulsion, alors, selon le moyen, que les jugements doivent être motivés ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; qu'en l'espèce, les exposants, comme l'a expressément rappelé la cour d'appel, soutenaient à titre principal que les demandes de M. D... dirigées à leur encontre étaient irrecevables, à défaut pour ce dernier d'avoir formé appel à leur encontre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Z... avait formé appel incident contre MM. X... et Y... et la société La Belle Epoque et que ceux-ci concluaient à la disparition du droit au bail de Mme A...- B..., ce dont il résultait que le liquidateur, dont les droits étaient contestés, pouvait étendre les effets de son appel principal à leur encontre, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... et la société La Belle Epoque font les mêmes griefs à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la perte totale de la chose louée entraîne de plein droit résiliation du contrat de bail ; qu'en recherchant si, en l'espèce, l'incendie survenu dans les locaux litigieux en février 1988 avait ou non entraîné la disparition du " fonds de commerce ", quand il lui appartenait de rechercher si cet incendie avait entraîné la résiliation du bail commercial dont M. D... prétendait qu'il avait été valablement cédé aux exposants en août 1990, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1722 du code civil ;

2°/ que la perte totale de la chose louée entraîne de plein droit résiliation du contrat de bail ; que tel est le cas lorsque l'exploitation commerciale du bien a totalement cessé du fait de sa destruction ; que la cour d'appel qui refuse de constater la résiliation de plein droit du bail commercial consenti à Mme A...- B..., après avoir pourtant constaté que, du fait de la destruction des locaux loués en raison d'un incendie survenu en février 1988, Mme A...- B... avait cessé toute exploitation de celui-ci, cette dernière étant ensuite " repartie reprendre l'exploitation d'un autre fonds de commerce à Marseille à compter du 1er novembre 1988 " a violé l'article 1722 du code civil ;

3°/ qu'aux termes du jugement du tribunal de grande instance de Basse-Terre du 13 mars 1997, " MM. X... et Y... et la société La Belle Epoque concluent au débouté de M. C..., celui-ci ne pouvant 

prétendre à un quelconque droit au bail de Mme B..., ainsi qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel du 6 septembre 1993 " ; qu'en énonçant qu'il est " constant que dans leurs écritures antérieures devant le tribunal de grande instance, les parties n'ont jamais entendu contester le bénéfice de ce bail au profit de Mireille A... épouse B... ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement litigieux et violé en conséquence les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, moins de deux ans après l'incendie, l'exploitation du fonds de commerce était possible, facilitée par sa situation en bord de mer, son cadre portuaire et sa terrasse, constaté que le juge-commissaire avait ordonné la poursuite de l'activité le 1er février 1990 et signé une promesse de cession du droit au bail le 1er août 1991 et souverainement retenu que l'interruption de l'exploitation n'était intervenue qu'en raison de circonstances étrangères au sinistre, la cour d'appel, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que le bail n'était pas résilié de plein droit et a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1719 du code civil ;

Attendu qu'après avoir constaté le caractère parfait de la cession du droit au bail et condamné les acquéreurs à en payer le prix convenu, la cour d'appel déclare que M. X... et la société La Belle Epoque sont occupants sans droit ni titre et ordonne leur expulsion ;

Qu'en statuant ainsi alors que le contrat de bail constitue un titre d'occupation obligeant le bailleur à délivrer la chose louée au preneur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que M. X... et la société La Belle Epoque étaient occupants sans droit ni titre et ordonné leur expulsion, l'arrêt rendu le 18 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;