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Décisions

Cass. 3e civ., 10 septembre 2020, n° 18-21.890

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Gaschignard

Grenoble, du 28 juin 2018

28 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juin 2018), le 28 mars 2010, M. Y... a donné à bail commercial un bâtiment industriel à la société Acrobatx.

2. La locataire a cessé de payer les loyers à compter du mois d'avril 2011.

3. Le 1er mars 2012, le bailleur lui a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire auquel elle a formé opposition en l'assignant aux fins d'être déchargée du paiement des loyers tant qu'il n'aura pas exécuté des travaux de désamiantage pour satisfaire à son obligation de délivrance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Acrobatx fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait dit que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance au titre du désamiantage des locaux donnés à bail, de valider le commandement de payer visant la clause résolutoire, de la condamner à payer à M. Y... les loyers impayés au 31 mars 2012, d'ordonner son expulsion, de la condamner à payer une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er avril 2012, de rejeter ses demandes en dommages-intérêts et à la mise en conformité des lieux, alors « que manque à son obligation de délivrer la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour laquelle elle a été louée le bailleur qui délivre au preneur, et les laisse en l'état, des locaux contenant de l'amiante en état dégradé et sous la forme de poussières présentes en quantité excédant massivement les seuils réglementaires ; que la cour d'appel a elle-même constaté qu'avaient été relevées la présence d'amiante à l'état dégradé en divers endroits du bâtiment loué, ainsi que des concentrations d'amiante pouvant atteindre 150 fibres par litre d'air, trente fois supérieures à la limite de de 5 fibres par litre fixée par l'article R. 1334-29 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 2011 ; qu'en retenant que le bailleur n'avait néanmoins pas manqué à son obligation de délivrance, et en validant le congé signifié le 1er mars 2012 au motif inopérant que le seuil réglementaire susvisé résultait d'un décret postérieur à la conclusion du bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1719 et 1720 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1719 du code civil :

5. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

6. Pour rejeter l'exception d'inexécution invoquée par la locataire et constater la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, après avoir relevé qu'un organisme avait procédé, le 27 avril 2012, à des prélèvements et à des mesures de teneur en amiante mentionnant des concentrations de 150 fibres d'amiante par litre d'air, de 140,8 fibres d'amiante par litre d'air et de 116,60 fibres d'amiante par litre d'air dans trois zones du local alors que le seuil sanitaire a été fixé à 5 fibres d'amiante par litre d'air par l'article R. 1334-29 du code de la santé publique, l'arrêt retient que cette disposition, tout comme celles des articles R. 1334-14 et suivants, issues du décret du 3 juin 2011, donc postérieures à la conclusion du bail du 28 mars 2010 et dont, en outre, la majeure partie sont entrées en vigueur le 1er février 2012, ne peuvent être invoquées pour fonder un manquement du bailleur à l'obligation de délivrance.

7. En statuant ainsi, en appréciant la conformité du local à la réglementation seulement à la date de la conclusion du bail alors qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long de l'exécution du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a écarté les conclusions de la société Acrobatx et la pièce 43 notifiées le 26 avril 2018 à 17h21 et la pièce 17 produite par la société Acrobatx et a rejeté la contestation portant sur la qualité d'agir de M. Y..., l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble.