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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 10 novembre 2020, n° 18/23578

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SA D'EXPANSION DU SPECTACLE (S.E.S),, SA EURO VIDEO INTERNATIONAL (E.V.I) , SA CINEMA NAPOLÉON , SA CINÉ SPECTACLES

Défendeur :

Madame (C) A., Monsieur (G) O., SA AUDIFILM, SA LECA, SA LES CINEMAS BERTRAND , SA GROUPEMENT CINEMATOGRAPHIQUE O. ET ASSOCIES (G COA), SARL LES FILMS DE LA BASSE-COUR, SA LES CINEMAS DE L'ODET, SA D'EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE DE BETHUNE (SECB), SA L'ETOILE, SA CINE TOURCOING EXPLOITATION , SCP B. D., SCP C.-L.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Conseillers :

Madame Anne-Sophie TEXIER, Madame Florence DUBOIS-STEVANT

Avocats :

Me Arnaud G., Me Bertrand C., Me Jean-Marie B., Me Frédéric L. , Me Richard T.

Paris, du 08 sept. 2015

8 septembre 2015

Par jugement du 14 novembre 2002, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire sous patrimoine commun à l'égard de la société Groupement cinématographique O. et associés (la société 'GCOA') et de ses dix filiales, la SCP Chavaux L. étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP B.-D. en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 3 août 2004, le tribunal a arrêté le plan de redressement par voie de continuation d'une durée de six ans, la SCP Chavaux L. étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan, puis par jugement du 24 octobre 2005 il a arrêté une modification du plan.

Par jugement du 7 juin 2011, le tribunal a constaté la bonne exécution du plan, mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan et ordonné la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés.

Par déclaration du 17 juin 2011, les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ont formé tierce opposition au jugement du 7 juin 2011.

Par jugement du 21 mars 2012, le tribunal de commerce de Paris a dit les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles irrecevables et mal fondées en leur tierce opposition et maintenu le jugement du 7 juin 2011.

Selon déclaration d'appel du 2 avril 2012, les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ont fait appel de ce jugement du 21 mars 2012 et, par arrêt du 3 décembre 2013, la cour de céans a confirmé le jugement déféré après avoir considéré que le jugement du 7 juin 2011 était une mesure d'administration judiciaire et, à ce titre, non susceptible de recours.

Sur pourvoi des sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles et par arrêt du 8 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en toutes ses dispositions. Elle a considéré que le constat de la bonne exécution du plan, même non prévu par la loi applicable, ne pouvait être qualifié de mesure d'administration judiciaire, une telle décision étant susceptible d'affecter les droits des créanciers.

Par déclaration du 9 novembre 2015, les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ont saisi la cour de céans.

Par ordonnance du 5 décembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné le retrait de l'affaire du rôle de la cour.

Le 5 novembre 2018, les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ont sollicité la réinscription de l'affaire au rôle de la cour.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 janvier 2020, elles demandent à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 mars 2012, de les dire et juger recevables en leur tierce opposition, en conséquence de rétracter en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 2011 et de condamner les sociétés GCOA, Cinéma Sainte-Cécile, Leca, Audifilm, Les cinémas Bertrand, Sovalexci, Alhambra de Calais, Ciné Tourcoing exploitation, Etoile, SEBC, Les Cinémas de l'Odet, Maître C. ès qualités et la SCP B. D. ès qualités aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elles exposent qu'elles ont déclaré des créances au passif de la procédure collective dont certaines, représentant un montant total de 11.856.908,89 euros, font toujours l'objet d'un contentieux.

Elles soutiennent que leur tierce opposition est recevable aux motifs que le constat de la bonne exécution d'un plan de redressement judiciaire n'est pas une mesure d'administration judiciaire et qu'elles ont un intérêt légitime à faire valoir dès lors que les sociétés Cinéma Napoléon et Cinespectacles ont été admises au passif de la procédure collective et que les sociétés Société d'expansion du spectacle et Euro vidéo international ont intérêt à voir admise leur créance au passif de la procédure collective.

Au soutien de leur demande de rétractation du jugement du 7 juin 2011, elles font valoir, d'une part, que ce jugement a violé les dispositions de droit transitoire (article 191 de la loi du 26 juillet 2005) en faisant application des dispositions de l'article L. 626-28 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005, qui ne sont applicables qu'aux procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 alors que la procédure collective en cause a été ouverte le 14 novembre 2002, et, d'autre part, que ce jugement du 7 juin 2011 emporte la clôture de la procédure collective.

Elles estiment qu'il doit être rétracté dès lors que la règle d'égalité de traitement entre les créanciers a été violée. Elles font valoir que certains créanciers ont reçu paiement, que le plan litigieux a été adopté en omettant les créances déclarées mais non encore admises sans justification, que le plan devait tenir compte dans sa durée de la nécessité de régler les créances déclarées par les sociétés du groupe Combret, que les créances rejetées et les créances en cours de contestation n'ont pas été distinguées dans l'ensemble des créances non prises en compte par le plan, qu'il en résulte que le plan ne peut être considéré comme exécuté

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 juin 2020, les sociétés GCOA, Cinéma Sainte-Cécile, Leca, Audifilm, Les cinémas Bertrand, Sovalexci, Alhambra de Calais, Ciné Tourcoing exploitation, Etoile, SEBC, Les Cinémas de l'Odet, Maître C. ès qualités et la SCP B. D. ès qualités demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 mars 2012, en conséquence de déclarer irrecevables les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles en leur tierce opposition formée à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 2011, subsidiairement de les déclarer mal fondées en leur tierce opposition et de les en débouter, en tout état de cause de condamner les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles à payer à chacun la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elles soutiennent que la tierce opposition n'est pas recevable faute d'intérêt légitime à faire valoir. Elles considèrent que le jugement du 7 juin 2011 n'a pas prononcé, ordonné ou constaté la clôture de la procédure de redressement judiciaire mais qu'il s'est borné à constater la bonne exécution du plan, aucune autre portée ne pouvant être donnée à cette décision, que le jugement du 3 août 2004, définitif et ayant force de chose jugée, a arrêté un plan ne comprenant pas les créances déclarées par les demanderesses et contestées, que les appelantes n'ont donc aucun intérêt ni aucun moyen propre à faire valoir en vue de faire rétracter ou réformer un jugement qui n'a fait que constater l'exécution en totalité du plan tel qu'arrêté et qui n'a aucun effet sur elles, leurs créances n'étant pas comprises dans le plan. Elles ajoutent que les sociétés appelantes n'ont pas la qualité de créancier, leurs créances n'ayant pas été admises ou ayant fait l'objet d'une instance au fond périmée ou étant toujours contestées.

Sur le fond, elles admettent que l'article L. 626-28 du code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005 n'est pas applicable, qu'il est certain que la loi du 25 janvier 1985 ne comporte pas de texte relatif au constat de l'exécution du planni à la clôture de la procédure de redressement judiciaire et que le tribunal ne pouvait pas rendre sa décision au visa de l'article L. 626-28 mais que rien ne lui interdisait de procéder au constat de la bonne exécution du plan. Elles estiment que le jugement du 7 juin 2011 n'a réservé aucun sort particulier à une catégorie de créanciers et qu'il ne remet pas non plus en cause l'existence des créances.

SUR CE,

Aucune des parties n'a produit le jugement du 7 juin 2011. Mais aux termes du jugement du 21 mars 2012, repris par les décisions judiciaires ultérieures et les parties, ce jugement a 'constaté la bonne exécution du plan, mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan et ordonné la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés'.

Précédemment, le tribunal avait, par jugement du 3 août 2004, arrêté le plan par voie de continuation des sociétés sous procédure, désigné la SCP Chavaux L. en qualité de commissaire à l'exécution du plan et maintenu dans ses fonctions la SCP B.-D. en qualité de représentant des créanciers. Il a, par jugement du 24 octobre 2005, arrêté une modification du plan ; ce jugement n'est pas non plus versé aux débats par les parties. Ces deux jugements sont passés en force de chose jugée en l'absence de recours.

Le jugement du 7 juin 2011 étant susceptible d'affecter les droits des créanciers en ce qu'il constate la bonne exécution du plan peut faire l'objet d'une tierce opposition.

Les sociétés appelantes se prévalant de créances déclarées au passif de la procédure ont bien qualité pour former tierce opposition au jugement du 7 juin 2011.

En se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP Chavaux L., commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement n'a pas clôturé la procédure collective.

Il n'a pas non plus mis fin à la mission de la SCP B.-D. en qualité de représentant des créanciers, laquelle avait été maintenue dans ces fonctions par le jugement arrêtant le plan. Il en résulte qu'il n'a pas été mis fin à la vérification des créances. Les sociétés appelantes font ainsi elles-mêmes état de l'appel en cours interjeté par la société Euro video international à l'encontre d'une ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté sa créance déclarée dans la procédure collective de la société GCOA et de ses filiales, Maître C. et Maître B. ayant été intimés en leur qualité respective de commissaire à l'exécution du plan et de représentant des créanciers, l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant constaté la péremption de l'instance ayant été infirmée par arrêt du 21 janvier 2020. De même, la société Cinéma Napoléon a fait appel d'une décision du juge-commissaire qui avait fait droit partiellement à sa demande d'admission de créance, la société GCOA et Maître B., représentant des créanciers, ayant été intimés mais l'affaire ayant fait l'objet d'un retrait du rôle à la demande conjointe des parties, le 8 septembre 2011 postérieurement au jugement du 7 juin 2011. Les sociétés appelantes considèrent elles-mêmes dans leurs écritures que, l'instance étant depuis périmée, l'admission partielle de la créance de la société Cinéma Napoléon est définitive. Cette admission est bien intervenue après le jugement du 7 juin 2011 attaqué. Il en est de même de créances déclarées par les sociétés Cinespectacle et Société expansion du spectacle et admises au passif respectivement de la société GCOA et de la société Les Cinémas Bertrand dans les mêmes conditions procédurales.

N'ayant ni clôturé la procédure collective ni mis fin à la mission du représentant des créanciers, le jugement attaqué n'affecte pas les droits des sociétés appelantes de faire reconnaître leurs créances en les faisant notamment admettre au passif de la procédure collective et, le cas échéant, de les recouvrer.

Ensuite, le jugement du 7 juin 2011 a constaté la bonne exécution du plan tel qu'arrêté puis modifié par les jugements du 3 août 2004 et du 24 octobre 2005. Ces jugement étant passés en force de chose jugée ne peuvent plus être remis en cause, le cas échéant sur le fondement de la violation du principe d'égalité entre les créanciers. Il est en outre constant que ce plan ne comprenait pas les créances déclarées par les sociétés appelantes. Il en résulte que celles-ci ne peuvent se prévaloir d'une inexécution du plan fondée sur le défaut de paiement de leurs créances.

Leurs droits n'étant pas affectés par le jugement du 7 juin 2011, les sociétés appelantes n'ont pas d'intérêt à former tierce opposition à son encontre.

Le jugement du 21 mars 2012 sera donc confirmé en ce qu'il a dit les sociétés irrecevables en leur tierce opposition et maintenu le jugement du 7 juin 2011. Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a dit mal fondées les sociétés.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Infirme le jugement du 21 mars 2012 en ce qu'il a dit les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles mal fondées en leur tierce opposition ;

Le confirme pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.