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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 19 décembre 2017, n° 16/13195

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Monsieur (K) G.

Défendeur :

Maître (J-C) H.,

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernard MESSIAS

Conseillers :

Madame Catherine DURAND, Madame Anne CHALBOS

Avocats :

Me Sabrina A., Me Marc B.

MARSEILLE, du 11 Juill. 2016

11 juillet 2016

Le 3 février 2014, le tribunal de commerce de MARSEILLE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Kader G., artisan taxi ;

Par jugement du 20 avril 2015, la même juridiction a arrêté un plan de redressement par voie de continuation prévu pour une durée de six ans avec apurement total du passif évalué à 16 879,82 € par Me Jean-Charles H., mandataire judiciaire désigné dans la procédure, au 26 février 2016 ;

Le seul actif de Kader G. était sa licence de taxi rendue inaliénable pendant toute la durée du plan ;

A la requête du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal de commerce de MARSEILLE a, par jugement du 11 juillet 2016, ordonné la résolution du plan et, après avoir constaté l'état de cessation des paiements, prononcé la liquidation judiciaire de Kader G., Me Jean-Charles H. étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ;

Pour statuer ainsi, le tribunal de commerce de MARSEILLE a relevé que Kader G. n'avait respecté ni les engagements pris dans ledit plan, ni les délais fixés ,

Il indique ensuite que, au vu des pièces versées aux débats et des explications recueillies à l'audience, Me Jean-Charles H. aurait appris que le débiteur aurait contracté de nouvelles dettes ;

L'audience ayant débouché sur le jugement du 11 juillet 2016 s'est tenue le 4 juillet 2016 et Kader G. explique ne pas avoir pu y assister en raison d'un rendez-vous médical à l'Hôpital NORD à MARSEILLE faisant suite à un arrêt de travail prescrit du 4 au 10 juillet 2016 ;

Le 13 juillet 2016, Kader G. a interjeté appel de ce jugement auprès du greffe de cette Cour lequel a procédé à son enregistrement le 15 juillet 2016 sous le numéro 16/11029 ;

Aux termes de ses conclusions en date du 24 octobre 2016, Kader G. demande à la Cour de :

-constater l'apurement anticipé et total par Kader G. du plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 20 avril 2015 par le tribunal de commerce de MARSEILLE';

-réformer, en conséquence,

Dans ses conclusions en date du 14 octobre 2016 qu'il verse aux débats (pièce n°4), Kader G. rappelle que la version de l'article L.626-27 du code de commerce qui lui est applicable résulte de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et non de l'ordonnance du 12 mars 2014 puisque la procédure collective a été ouverte à son encontre le 3 février 2014 et donc antérieurement au 1er juillet 2014, date à partir de laquelle la version de l'article L.626-27 issue de l'ordonnance de 2014 entrait en vigueur ;

Il s'ensuit que le III de l'article L.626-27 dans sa version de 2008 devait s'appliquer ce qui induisait que le tribunal de commerce pour statuer comme il l'a fait devait constater le non-respect des termes du plan d'une part et, d'autre part, l'état de cessation des paiements au regard de l'existence de nouvelles dettes postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ;

Kader G. fait valoir que non seulement le commissaire à l'exécution du plan n'établit pas l'état de cessation des paiements en question mais qu'il est lui-même en mesure de démontrer l'absence de cessation des paiements au 11 juillet 2016 ;

L'appelant explique son absence à l'audience du tribunal de commerce tenue le 4 juillet 2016 en raison des problèmes cardiaques qu'il a connu en 2013 et qui sont d'ailleurs à l'origine de ses difficultés ;

Dans ces conditions, il a mis son taxi en location-gérance au profit de François C. moyennant une redevance de 600 € par mois qui a servi à financer les annuités de 2 500 € prévues par le plan de redressement. Il s'avérera cependant que François C. ne s'est pas acquitté des redevances promises et Kader G. a dû reprendre son activité lui-même le 23 novembre 2015 ;

Kader G. ne conteste pas le non-règlement de la première annuité du plan arrivée à échéance en avril 2016, soit 2 805,92 € mais indique avoir effectué un virement à Me Jean-Charles H. d'un montant de 2 842,51 € le 25 juillet 2016, le retard s'expliquant par le non-paiement des redevances dues par François C. ainsi qu'il a été précédemment mentionné ;

Il précise avoir été, au moment du prononcé de la liquidation judiciaire, sur le point d'obtenir un contrat de transport quotidien d'enfants handicapés avec l'Institut Les Hirondelles et avec l'Association Pole Autisme, ce qui lui aurait permis de dégager un chiffre d'affaires minimum de 5 440 € mensuels ;

S'agissant de la question de la cessation des paiements, Kader G. fait observer qu'au 11 juillet 2016, il dégageait un solde de trésorerie de 2 264,84 € et que Me Jean-Charles H. ne donne aucun détail sur les dettes nouvelles qu'il allègue tandis qu'il produit de son côté des attestations de la caisse de retraite GIE AG2R du 28 juillet 2016 et du RSI du 23 août 2016 établissant que ces organismes n'ont aucune créance à son encontre et qu'en toute hypothèse, le Ministre des Affaires Sociales a invité ces organismes à accorder des délais de paiement à travers la création d'un guichet unique au profit des artisans taxis ;

Enfin, l'appelant rappelle que son passif de 16 879,92 € est composé à 45% de dettes sociales et fiscales et à 55% par la société CREDIPAR, filiale de PSA FRANCE, résultant d'un jugement du 5 janvier 2012, non mis à exécution au 3 février 2014, date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Il se prévaut également d'un litige en cours à l'encontre de son assureur professionnel, la Compagnie PACIFICA, à laquelle il réclame la somme de 21 532,80 € en principal;

Aux termes de ses dernières écritures, il précise avoir réglé l'intégralité des six annuités prévues dans le plan le 5 octobre 2017, entre les mains de Me Jean-Charles H., ès-qualités';

Me Jean-Charles H., ès-qualités, qui a régulièrement constitué avocat dans la procédure, n'a pas conclu';

Le ministère public, par conclusions écrites du 20 octobre 2017, déclare s'en rapporter à la décision de la Cour au vu des éléments nouveaux susceptibles d'être produits par Kader G. ou, à défaut, sollicite la confirmation du jugement querellé';

Conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la procédure a été déclarée close le 25 octobre 2017'

SUR CE

Attendu que selon rapport en date du 11 octobre 2017, Me Jean-Charles H., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan, prend acte de ce que, par jugement en date du 19 mars 2017, le tribunal de commerce de MARSEILLE a condamné la compagnie d'assurances PACIFICA à payer à Kader G. les sommes de 21'532,80 € au titre de l'indemnisation à neuf de son véhicule volé, 1'000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et 1'000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, décision assortie de l'exécution provisoire (pièce n°6)';

Attendu que Kader G. a pu ainsi verser entre les mains de Me Jean-Charles H., ès-qualités, la somme de 18'070,82 €, ce qui a permis à celui-ci d'effectuer de manière anticipée , à l'ensemble des créanciers à la procédure, le 5 octobre 2017, les six répartitions prévues par le plan de redressement par voie de continuation du 20 avril 2015 et ce donc, avant la dernière échéance prévue en avril 2021';

Attendu qu'aux termes du même rapport, le commissaire à l'exécution du plan a fait rapport au tribunal de commerce de MARSEILLE, au visa des articles L.626-28 et L.631-19 du code de commerce, de l'exécution totale du plan';

Attendu qu'aux termes des écritures de Kader G., se référant à une audience tenue par le tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 19 octobre 2017, celui-ci aurait constaté la bonne exécution du plan de redressement en question';

Mais attendu d'une part qu'il n'est porté à la connaissance de la Cour aucune décision émanant de la juridiction précitée confirmant ce qu'a déduit Kader G. de l'audience du 19 octobre 2017 et que, d'autre part, l'appel formé contre le jugement prononçant sa liquidation judiciaire dessaisissait nécessairement la juridiction commerciale marseillaise au profit de la Cour de céans et qu'il appartenait, dans ces conditions, au commissaire à l'exécution du plan, pourtant dûment avisé de l'appel pour lequel il avait d'ailleurs constitué avocat, d'en informer la Cour';

Attendu néanmoins que la Cour dispose d'éléments suffisants et notamment, du rapport de Me Jean-Charles H. (pièce n°6) pour considérer comme établie la totale exécution par Kader G. du plan de redressement auquel il était astreint';

Qu'en conséquence, conformément à l'article L.631-19 du code de commerce renvoyant pour application en matière de redressement judiciaire à l'article L.626-28 du code de commerce aux termes duquel': «'Quand il est établi que les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, celui-ci, à la requête du commissaire à l'exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé, constate que l'exécution du plan est achevée.', il convient de constater l'achèvement de l'exécution du plan ;

Attendu qu'au regard de l'appel interjeté relativement au prononcé de la liquidation judiciaire de Kader G. pour le motif tiré de l'existence de dettes nouvelles, il convient de constater que celles-ci ne sont pas chiffrées par le mandataire judiciaire de sorte que, l'intégralité du passif exigible ayant été apurée dans le cadre du plan de redressement, il convient de considérer que l'état de cessation des paiements, au jour où la Cour statue n'est pas constaté';

Qu'en conséquence, il y a lieu de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de renvoyer la procédure devant le tribunal de commerce de MARSEILLE pour prendre acte d'une part, de l'achèvement intégral du plan de redressement par voie de continuation de Kader G. et, d'autre part, pour poursuivre, en tant que de besoin, la procédure de redressement judiciaire concernant l'appelant';

Attendu que les dépens de l'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de Kader G.';

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Constate l'apurement anticipé et total par Kader G. du plan de redressement par voie de continuation arrêté par jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 20 avril 2015';

Réforme le jugement rendu par le tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 11 juillet 2016 en toutes ses dispositions';

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à prononcer à l'encontre de Kader G. la conversion de la procédure de redressement judiciaire dont il fait l'objet en procédure de liquidation judiciaire';

Renvoie en conséquence la procédure devant le tribunal de commerce de MARSEILLE aux fins de poursuite, en tant que de besoin, de la procédure de redressement judiciaire';

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de Kader G.';