Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-24.732
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Gaschignard
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 mars 2017), MM. G... et K... et Mme J..., épouse G..., (Mme J...) sont les trois associés de la SARL Cartimmo (la société), à concurrence de 49 % chacun pour M. G... et Mme J... et de 2% pour M. K.... M. G... est également le gérant de la société.
3. Soutenant que MM. G... et K... avaient commis des abus de majorité en décidant, lors des assemblées générales des 29 juin 2012 et 21 juin 2013, d'affecter les bénéfices des exercices 2011 et 2012 aux comptes « autres réserves », la privant ainsi de son droit à percevoir des dividendes, et en approuvant les rémunérations versées à M. G... en 2011 et 2012, qu'elle estimait excessives, Mme J... les a assignés en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen unique
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. MM. G... et K... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme J... une certaine somme sur le fondement de l'abus de majorité, alors « que les juges du fond ne pouvaient retenir l'abus de majorité, s'agissant des rémunérations du gérant, sans s'expliquer, comme il était formellement demandé, sur le point de savoir si la rémunération du gérant ne variait pas en fonction du chiffre d'affaires et si par suite la majoration des rémunérations du gérant ne serait pas justifiée dès lors que le chiffre d'affaires avait augmenté ; que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles définissant l'abus de majorité et notamment au regard des articles 1382 ancien [1240 nouveau] et 1833 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
6. Pour conclure à l'existence d'un abus de majorité, l'arrêt retient que le doublement de la rémunération de M. G... du mois d'août 2011 au mois de décembre 2012 ainsi que l'octroi d'un complément de rémunération de 42 500 euros, le 22 décembre 2011, ne répondent à un intérêt social que s'ils correspondent à un accroissement de sa charge de travail au profit de l'entreprise. Ayant relevé que la démission de Mme J... n'avait généré, pour M. G..., aucun surcroît de travail profitant à la société dès lors que le projet de développement du réseau de franchise, qui constituait exclusivement son activité, avait été abandonné à ce moment là, il en déduit que les augmentations de rémunération litigieuses ne sont pas justifiées au regard de l'intérêt social.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'augmentation de la rémunération de M. G... et le complément de rémunération qu'il avait perçu n'étaient pas justifiés par l'évolution du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période considérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
9. En revanche, elle n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de réparation du préjudice moral formée par Mme J..., qui n'est pas critiqué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de réparation du préjudice moral formée par Mme J..., épouse G..., l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.