Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-15.489
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Donne acte à M. Didier B... du désistement de son pourvoi ;
Donne acte à M. X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Le Grain de Poivre, et à la SCP Y...- Z... en la personne de Mme Z...- Y..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société DB réceptions, de ce qu'ils reprennent l'instance au nom de chacune de ces sociétés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2010) et les productions, que suivant promesses synallagmatiques de cession du 20 juin 2007, les sociétés Le Grain de poivre et DB réceptions (les sociétés), représentées par leur gérant, M. Benjamin B..., se sont engagées chacune à céder leur fonds de commerce à M. A... ; qu'ultérieurement, ce dernier a été informé par M. Didier B..., père du gérant, que les sociétés renonçaient à donner suite aux deux cessions, à défaut d'autorisation de l'assemblée générale des associés ; qu'invoquant le préjudice que lui faisait subir cette renonciation, M. A... a assigné les sociétés en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et la SCP Y...- Z..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir dit les sociétés défaillantes dans l'exécution de leurs engagements respectifs et d'avoir accueilli la demande indemnitaire de M. A..., alors, selon le moyen :
1°/ que la cession du fonds de commerce exploité par la société relève de la compétence des associés dès lors qu'une telle cession implique une modification de l'objet social ; que tel est notamment le cas lorsque le fonds de commerce cédé représente la seule activité de la société, la cession lui imposant, soit de disparaître, soit de modifier son objet social ; qu'en l'espèce, les sociétés Le Grain de poivre et DB réceptions faisaient valoir que la cession de leurs fonds de commerce impliquait la disparition de leur objet social, en sorte qu'une telle cession imposait la consultation préalable des associés lors d'une assemblée générale, qui n'avait jamais eu lieu ; que les promesses de vente signées le 20 juin 2007 étaient donc nulles et ne pouvaient être exécutées par les sociétés signataires ; qu'en considérant néanmoins qu'en n'exécutant pas leur engagement respectif, les sociétés DB réceptions et Le Grain de poivre auraient commis une faute ayant causé un préjudice à M. A..., sans rechercher si les promesses signées le 20 juin 2007, ayant pour objet la cession de l'unique fonds de commerce des sociétés signataires, n'avaient pas pour conséquence la modification de l'objet social et ne relevaient pas, dès lors, de la seule compétence des associés, en sorte qu'il ne pouvait être reproché aux sociétés de ne pas avoir exécuté un acte de promesse de cession du fonds de commerce affecté d'une nullité d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-18 et L. 223-30 du code de commerce, et 1147 du code civil ;
2°/ que la répartition légale des compétences entre le dirigeant social et les associés est d'ordre public ; que l'accomplissement par le dirigeant social d'un acte relevant de la compétence exclusive de l'assemblée générale des associés est frappé d'une nullité opposable au tiers signataire de cet acte ; qu'en l'espèce, les sociétés Le Grain de poivre et DB réceptions faisaient valoir que la cession de leurs fonds de commerce impliquait la disparition de leur objet social, en sorte qu'une telle cession imposait la consultation préalable des associés lors d'une assemblée générale, qui n'avait jamais eu lieu ; qu'en retenant la responsabilité des sociétés DB réceptions et Le Grain de poivre, au motif inopérant que leurs statuts, qui ne faisaient que rappeler la règle légale d'ordre public relative à l'exigence d'un accord préalable des associés pour la cession d'un fonds de commerce, auraient été inopposables à M. A..., sans rechercher si les promesses litigieuses, relatives à la cession du seul fonds de commerce exploité par ces sociétés, n'avaient pas pour conséquence la modification de l'objet social, et ne relevaient pas dès lors de la seule compétence des associés en vertu de la loi, de sorte qu'en l'absence de consultation des associés, elles étaient bien atteintes d'une nullité opposable à M. A..., en vertu de la loi et abstraction faite des statuts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-18 et L. 223-30 du code de commerce, et 1147 du code civil ;
3°/ que la répartition légale des compétences entre le dirigeant social et les associés est d'ordre public ; que l'accomplissement par le dirigeant social d'un acte relevant de la compétence exclusive de l'assemblée générale des associés est frappé d'une nullité opposable au tiers signataire de cet acte ; que les sociétés DB réceptions et Le Grain de poivre faisaient valoir que l'assemblée générale des associés n'avait pas autorisé le gérant à céder leurs fonds de commerce ; qu'en retenant la responsabilité des sociétés DB réceptions et Le Grain de poivre, au titre de l'inexécution des promesses signées le 20 juin 2007, au motif inopérant que le gérant avait lui-même déclaré dans les actes avoir été dûment habilité par décision de l'assemblée générale des associés, sans rechercher si une telle décision avait été effectivement prise par les associés avant la signature des promesses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-18 et L. 223-30 du code de commerce, et 1147 du code civil ;
Mais attendu que le gérant d'une société à responsabilité limitée est investi, dans les rapports avec les tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés ; que la cession d'un fonds de commerce ne constituant pas, en elle-même, un acte relevant des pouvoirs légalement réservés aux associés, et dès lors qu'il n'était pas allégué que les promesses litigieuses auraient rendu nécessaire une modification des statuts des sociétés promettantes, la cour d'appel, qui a constaté que lesdites promesses avaient été conclues par M. Benjamin B... en sa qualité de gérant de ces sociétés, a par ce seul motif et sans avoir à procéder aux recherches inopérantes visées par le moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... et la SCP Y...- Z..., ès qualités, font encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande indemnitaire de M. A... au titre de son préjudice matériel et d'avoir condamné in solidum les sociétés à payer à ce dernier la somme de 30 000 euros, alors, selon le moyen, que le droit à réparation de la victime peut être réduit ou supprimé à raison de la faute qu'elle a commise, lorsque cette faute a contribué à la survenance de son dommage ; qu'en l'espèce, les sociétés DB Réceptions et Le Grain de Poivre faisaient valoir que M. A... était salarié de la société Le Grain de Poivre et qu'il avait conscience que la cession des fonds de commerce objet des promesses signées le 20 juin 2007 impliquaient un accord des associés ; qu'elles faisaient également valoir que M. A... s'était précipité à tenter de prendre la possession des fonds de commerce litigieux, et en particulier avait quitté son emploi chez Total de manière imprudente et hâtive, sans même s'assurer de la bonne finalisation des opérations projetées, comme l'avaient d'ailleurs retenu les premiers juges ; qu'elles faisaient ainsi valoir que M. A... avait commis des fautes ayant concouru au préjudice qu'il invoquait, et ainsi de nature à anéantir, ou à tout le moins réduire, son droit à réparation éventuel ; qu'en se bornant à retenir que les sociétés DB réceptions et Le Grain de poivre auraient causé à M. A... un préjudice matériel résultant d'un congé sans solde de deux années de son employeur Total, sans rechercher si M. A..., en agissant avec une légèreté blâmable, notamment sans s'assurer de l'accord de la majorité des associés, n'avait pas commis une faute ayant contribué à son dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la cession des fonds de commerce relevait des pouvoirs du gérant, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.