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Décisions

Cass. com., 4 février 2014, n° 13-10.778

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Foussard, SCP Monod, Colin et Stoclet

Douai, du 24 oct. 2012

24 octobre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui exerçait les fonctions de cogérant de la société à responsabilité limitée Nicetomeetyou (la société), a été révoqué lors de l'assemblée des associés réunie le 3 janvier 2012 ; que soutenant que cette révocation avait été décidée sans juste motif et qu'elle était abusive en raison des circonstances dans lesquelles elle était intervenue, M. X... a fait assigner la société en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour révocation sans juste motif, alors, selon le moyen :

1°/ que les actes effectués par le gérant d'une société pour le compte de celle-ci, fussent-ils techniques, relèvent de ses fonctions de gérant et non de fonctions techniques dès lors que ce gérant ne se trouve pas, à l'égard de la société, dans un lien de subordination ; qu'en se fondant, pour juger que la révocation de M. X... était intervenue sans juste motif, sur la circonstance que les faits qui lui étaient reprochés relevaient de l'exercice de fonctions techniques et non de ses attributions de dirigeant, sans caractériser l'existence d'un lien de subordination entre M. X... et la société, la cour d'appel a violé les articles L. 223-18 et L. 223-25 du code de commerce ;

2°/ qu'en jugeant que MM. Y...et Z... avaient, dans un mail du 2 décembre 2011, abandonné leurs griefs antérieurs, cependant que ces associés s'étaient bornés à indiquer qu'ils avaient envisagé de ne pas donner de suite aux griefs fondés sur les fautes reprochées à M. X..., pour le cas où un accord serait trouvé, la cour d'appel a dénaturé ce mail du 2 décembre 2011 en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que les griefs invoqués à l'encontre de M. X... et figurant au procès-verbal de l'assemblée du 3 janvier 2012 se rapportaient à ses fonctions techniques et ne concernaient pas l'exercice de ses fonctions de dirigeant, la cour d'appel en a exactement déduit que ces griefs n'étaient pas de nature à justifier sa révocation ;

Et attendu, d'autre part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation, exclusive de dénaturation, du sens et de la portée du courriel du 2 décembre 2011, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que les associés de M. X... s'étaient déclarés prêts à abandonner leurs griefs antérieurs à l'encontre de ce dernier et à ne lui reprocher que la rupture du pacte de confidentialité ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 223-25 du code de commerce ;

Attendu que pour dire que la révocation de M. X... était dépourvue de juste motif, l'arrêt retient que la mésintelligence au sein d'une société ne se gère pas par un limogeage et qu'il appartient à la société de démontrer que l'intéressé a commis une faute de gestion dans ses attributions de dirigeant ; qu'il retient encore qu'aucun des griefs invoqués par la société et figurant au procès-verbal de l'assemblée du 3 janvier 2012 ne correspond à une faute de gestion et n'est donc de nature à justifier la décision de révocation ; qu'il ajoute que la simple existence de divergences de vues n'est pas suffisante pour la légitimer ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la révocation du gérant d'une société à responsabilité limitée peut être justifiée, même en l'absence de faute démontrée, par l'existence, entre les associés et ce gérant, d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive, l'arrêt constate que M. X... a été convoqué à l'assemblée du 3 janvier 2012 par acte d'huissier de justice, ce qui constitue un mode inhabituel de convocation ; qu'il relève que M. X... a été victime d'une forme de chantage dès lors que s'il n'acceptait pas la transaction qui lui était proposée, il était révoqué ; qu'il retient que sa révocation est intervenue avec une certaine brutalité, M. X... n'ayant pas eu le temps de faire un choix éclairé ; qu'il ajoute que l'annonce préalable de son départ aux interlocuteurs commerciaux de la société était déjà vexatoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société qui soutenait que M. X... avait été convoqué par voie d'huissier de justice parce qu'il avait clairement annoncé, avant la tenue de l'assemblée, ses intentions contentieuses, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en statuant comme elle a fait, sans répondre aux conclusions de la société qui soutenait que la convocation de M. X... à l'assemblée comportait une proposition tendant à son reclassement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Nicetomeetyou à payer à M. X... des dommages-intérêts pour révocation sans juste motif ainsi que des dommages-intérêts pour révocation abusive, l'arrêt rendu le 24 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.