Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-16.778
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1999, M. [U], architecte d'intérieur, Mme [M], architecte, et M. [V], expert agricole et foncier ont entrepris une opération de promotion immobilière portant sur la construction, à Draguignan, d'un immeuble appartenant à la société civile immobilière Les Jardins du Palais (la société) dont ils détenaient chacun un tiers des parts, transformée en 2004 en une société à responsabilité limitée dont chacun des associés a été désigné en qualité de cogérant ; que la société, qui avait conclu en 2000 avec Mme [M] et M. [U] un contrat d'architecte portant sur la conception et la maîtrise d'oeuvre de l'immeuble, a conclu en 2004 avec M. [V] une convention de gestion administrative ; que M. [U], dont le mandat de cogérant a été révoqué par les associés de la société réunis en assemblée générale le 23 janvier 2007, a assigné la société et ses deux associés en remboursement d'honoraires perçus par M. [V] ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de son éviction des fonctions de cogérant ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes du chef de l'exécution de la convention de gestion administrative alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat prévoit expressément par une stipulation claire et précise ne nécessitant aucune interprétation que la mission de M. [V] s'achèvera à l'assemblée générale statuant sur le bilan 2006 soit courant 2007 ; qu'en énonçant cependant par une interprétation du contrat, que la convention devait se poursuivre après le 30 juin 2007 jusqu'au terme de l'opération de promotion dont le retard, lié aux aléas inhérents à la commercialisation ne serait pas imputable à M. [V], la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 6 de la convention de gestion en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les clauses du contrat prévoyant (article 2.5) que le gestionnaire établira les comptes définitifs de la société et le bilan de l'opération et (article 3), que la rémunération du gestionnaire calculée sur le montant total des ventes TTC de l'opération doit être soldée lors de la remise des comptes sur la base du prix de vente TTC final, n'autorisent nullement le gestionnaire à poursuivre sa mission et à facturer de nouvelles prestations accomplies après la date d'échéance de son contrat et jusqu'à la remise des comptes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a encore dénaturé les termes clairs et précis du contrat en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que commet une faute, le gérant qui facture ses prestations à la société au titre de la poursuite de l'exécution du contrat qu'il a conclu avec cette dernière au mépris du rejet de sa demande de prorogation de ce contrat par trois décisions de l'assemblée générale ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que M. [V] avait poursuivi sa mission et perçu des honoraires sans tenir compte du rejet de sa demande de prorogation du contrat par trois décisions de l'assemblée générale des 26 juin 2008, 27 avril 2009 et 29 juin 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant, par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes de la convention de gestion administrative, que leur ambiguïté rendait nécessaire, retenu que, dès lors qu'elle imposait à M. [V] d'établir les comptes définitifs de la société ainsi que le bilan de l'opération, la convention devait se poursuivre jusqu'au terme de l'opération de promotion immobilière entreprise et que la rémunération du gestionnaire, calculée sur le montant total des ventes de l'opération, devait être soldée lors de la remise des comptes sur la base du prix de vente final, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. [U] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [V] une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été au moins partiellement reconnue par le premier juge ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand le premier juge avait accueilli la demande de M. [U] tendant à voir condamner M. [V] à lui payer une somme de 4 119,49 euros au titre de ses honoraires, sa demande tendant à le voir condamner à payer la somme de 9 624,33 euros à la SARL Les Jardins du Palais ainsi que les demandes en annulation des résolutions de l'assemblée générale portant prorogation de la convention de gestion de M. [V] non valablement adoptées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt infirmatif retient qu'au-delà des différends opposant les associés, M. [U] a manifesté une particulière animosité à l'égard de M. [V], qu'il a mis en cause dans des termes excessifs en lui imputant de nombreuses fautes de gestion ainsi que des comportements délictueux ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a spécifié les circonstances particulières justifiant la condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 223-25 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. [U] en paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive de son mandat de cogérant, l'arrêt se borne à relever que le vote rejetant la résolution de l'assemblée générale des associés proposant le renouvellement de ce mandat pour une durée indéterminée a été précédé par la survenance puis l'aggravation d'une mésentente avec les deux autres associés, faisant obstacle au bon fonctionnement de la société ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la révocation de M. [U] n'était pas intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [U] en paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive de ses fonctions de cogérant, l'arrêt rendu le 22 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.