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Décisions

Cass. com., 17 décembre 2002, n° 98-21.918

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

Me Balat, SCP Delaporte et Briard

Toulouse, du 21 sept. 1998

21 septembre 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée Marquette France, aux droits de laquelle se trouve la société Marquette Hellige, qui a pour seuls associées la société de droit américain Marquette electronics incorporated et la société de droit anglais Marquette electronics Ltd, avait, depuis 1987, pour gérant non associé M. X..., désigné pour une durée de un an et renouvelé pour une égale durée lors de chaque assemblée générale annuelle ; qu'alors que l'assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l'exercice clos le 30 avril 1994 était convoquée par le gérant pour le 28 octobre 1994, une assemblée générale a été réunie, sans convocation préalable le 10 octobre 1994, a laquelle a participé M. T. Y..., se présentant comme mandataire des deux associées ; qu'au cours de cette assemblée a été décidé le non-renouvellement des fonctions de M. X..., qui avait par ailleurs, dès le 8 octobre 1994, reçu par voie d'huissier une lettre de "mise à pied" lui interdisant de se rendre au siège de la société, et la nomination d'un nouveau gérant ; qu'au cours de l'assemblée générale convoquée pour le 28 octobre 1994, à laquelle M. T. Y... a seul participé, ces décisions ont été confirmées "en tant que de besoin" ; que M. X... a assigné la société Marquette France en nullité de l'assemblée générale du 10 octobre 1994 et en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice subi à raison des manoeuvres vexatoires qu'il invoquait ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Marquette Hellige reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à M. X... à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi :

1 / qu'à l'arrivée du terme prévu de leur mandat social, les gérants de sociétés à responsabilité limitée doivent cesser leurs fonctions sans qu'il soit nécessaire de leur signifier un congé ou de leur fixer un préavis ; qu'en estimant qu'elle s'était hâtivement séparée de son gérant, tout en constatant cependant qu'il n'y avait pas eu révocation du mandat social mais seulement non-renouvellement d'un mandat parvenu à son terme, ce qui établissait la régularité de la procédure suivie et l'absence de tout droit pour le gérant de remettre en cause cette décision, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 2003 du Code civil ;

2 / que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir que "les décisions prises tant en l'assemblée du 10 octobre qu'en celle du 28 octobre 1994 n'avaient pour but que de mettre fin, en particulier, à une situation de paralysie générée par l'attitude agressive de M. X... à l'égard de ses mandants et d'assurer une gestion normale de la société Marquette France" ; qu'en estimant qu'elle avait agi avec précipitation dans le seul but de mettre immédiatement fin au mandat social de M. X..., mettant de surcroît en oeuvre une procédure vexatoire, sans répondre à ses conclusions qui invoquaient l'urgence qu'il y avait à mettre fin à une situation de paralysie de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir exactement rappelé que le gérant nommé pour une durée déterminée n'avait pas, au terme de ses fonctions, un droit au renouvellement de celles-ci, mais que leur non-renouvellement pouvait donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts, si les circonstances qui l'entourent révèlent des conditions humiliantes ou vexatoires, a constaté la réunion d'un ensemble de circonstances, dont la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux simples allégations dont fait état la seconde branche du moyen, a pu déduire que la société Marquette France avait eu recours à des procédés vexatoires et humiliants pour se séparer de son gérant ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 31 du nouveau Code de procédure civile, 57, 58 et 360 de la loi du 24 juillet 1966, devenus respectivement les articles L. 223-27, L. 223-28 et L. 235-1 du Code de commerce ;

Attendu que pour déclarer M. X... recevable à agir en nullité de délibérations d'assemblées générales qui auraient été tenues irrégulièrement, l'arrêt retient que sa qualité à agir ne peut être déniée dès lors que c'est au cours de ces assemblées qu'avait été décidé le remplacement qu'il conteste, peu important qu'il n'ait pas eu la qualité d'associé de ladite société ;

Mais attendu que les nullités ayant pour objet la protection d'intérêts particuliers ne peuvent être invoquées que par la personne ou le groupe de personnes dont la loi assure la protection ; que, dès lors, seuls les associés sont recevables à invoquer la violation des dispositions régissant leur convocation aux assemblées générales, ainsi qu'à contester la validité des pouvoirs de la personne ayant représenté un associé à ces assemblées ; qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. X... recevable à agir en nullité des assemblées générales irrégulièrement tenues et en conséquence confirmé le jugement en ce qu'il avait constaté la nullité de l'assemblée générale du 10 octobre 1994, l'arrêt rendu le 21 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.